Une colocation pour personnes âgées ouvre ce vendredi à Epinac, en Saône-et-Loire. Ce type d’hébergement, présenté comme une alternative à l’Ehpad, se développe de plus en plus en Bourgogne.
Elle ouvrira ses portes ce vendredi 6 janvier à Epinac en Saône-et-Loire, petite ville d’un peu plus de 2000 habitants entre Autun et Chassagne-Montrachet. Une colocation pour personnes âgées, vouée à accueillir sept résidents “d’ici la fin mars”, explique Arthur Jacquin, chargé des ouvertures de colocations auprès du gestionnaire, CetteFamille.
Un accueil collectif dans un cadre "familial"
“L’idée est d’exister comme une alternative à l’Ehpad”, détaille Arthur Jacquin. “C’est une nouvelle façon de penser le vieillissement. L’accueil collectif existe déjà, mais nous voulons offrir un cadre plus familial à des gens qui parfois ne peuvent plus rester chez eux, ou sont en situation d’isolement.” Ici, contrairement à l’Ehpad, les résidents sont plus autonomes. Chacun dispose d’une chambre privative qu’il aménage comme il le souhaite. “Il s’agit de locations meublées avec des services. Nous intervenons comme “facilitateur de vie”. L’électricité, internet, les taxes : tout est compris dans les charges. Il y a aussi des services supplémentaires : des bracelets de téléassistance, des animations…” Et une équipe de quatre à cinq auxiliaires de vie qui se relaient pour assister les personnes âgées : ménage, stimulation, cuisine… “Elles sont là pour aider les résidents dans leurs besoins du quotidien.”
Dans les prochains mois, le groupe CetteFamille prévoit d’ouvrir trois autres colocations pour personnes âgées en Saône-et-Loire, à Ecuisses, Bourbon-Lancy et L’Abergement-Sainte-Colombe. Mais ce n’est pas le seul groupe à se positionner sur ce créneau. Dans la région, le groupe Âges et Vie, créé en Franche-Comté, ouvrira sa colocation pour seniors le 11 janvier prochain à Selongey, en Côte-d’Or. Quatre autres colocations existent déjà autour de Dijon, d’autres sont en projet ou déjà ouvertes dans la Nièvre (Luzy et Garchizy), dans l’Yonne (Champignelles et Flogny-la-Chapelle) et en Saône-et-Loire (Saint-Vallier, Ecuisses, Marmagne, Saint-Léger-sur-Dheune).
“Nous nous développons dans toute la France depuis 2018 et notre ambition est d’ouvrir 300 maisons d’ici 2025, date symbolique à laquelle la génération de baby-boomers aura plus de 80 ans”, explique Julien Comparet, chargé de communication pour Âges et Vie. Ici, toutes les colocations sont construites sur le même modèle : deux maisons de huit chambres et un espace partagé.
“C’est un vrai domicile”, insiste-t-il. “Les colocataires peuvent aller et venir comme ils le souhaitent, en ayant un accompagnement en plus.” Les auxiliaires de vie se relaient de 7h30 à 20h30, avec une personne d’astreinte qui reste dormir sur place tous les soirs. Les résidents peuvent aussi, notamment, venir s'installer avec leur animal de compagnie.
A qui cette offre s’adresse-t-elle ?
Les colocations pour personnes âgées n'offrent pas les mêmes services qu'un Ehpad. “L’idée est de proposer quelque chose de différent, de complémentaire aux maisons de retraites”, explique Arthur Jacquin de CetteFamille. “Parfois, on est installés à 300 mètres d’une maison de retraite et ça se passe très bien. Notre vocation est de prolonger l’autonomie avec un suivi personnalisé et des maisons à taille humaine, pour des gens qui n’ont pas forcément besoin de soins médicaux tout de suite.”
Car dans les colocations, il n’y a que des auxiliaires de vie, pas de médecin sur place. C’est d’ailleurs l’une des contraintes qui détermine le lieu d’implantation de ces maisons, note Julien Comparet d’Âges et Vie. “Nous choisissons de nous implanter en zone rurale car c’est une demande des résidents, qui veulent rester près de leur lieu de vie. Mais l’un de nos critères, c’est qu’il faut qu’il y ait des médecins à proximité”, afin de prendre en charge les soins ponctuels ou récurrents des résidents.
Pour le reste, “on s’adresse vraiment à des personnes dépendantes”, indique Julien Comparet. “Des gens en fauteuil, qui ont besoin d’aide au lever, etc. Les seules choses rédhibitoires, ce sont les troubles cognitifs très importants qui font que les personnes fuguent, qu’elles sont agressives, ou bien qu’elles nécessitent des soins très importants pendant la nuit. Pour tout le reste, le lieu est adapté à la fin de vie et d’ailleurs, beaucoup de colocataires terminent leurs jours dans nos maisons.”
Ces colocations s'adressent aussi, notamment, aux familles échaudées ou réticentes à l'idée de placer un parent en Ehpad. "On l'avait déjà senti avec le covid et le confinement. C'était très compliqué dans les maisons de retraite, où les visites étaient réglementées alors qu'elles restaient plus libres chez nous", se souvient Julien Comparet. Le scandale Orpéa, qui est arrivé par la suite, a contribué à faire baisser la cote des Ehpad. "Aujourd'hui, les gens cherchent des solutions à taille humaine. Nous, on accueille seulement 16 personnes âgées par résidence."
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Quel tarif pour les familles ?
Si l’offre peut sembler très complète, une question se pose : celle du coût d’un tel service. “Chez Âges et Vie, on est en moyenne moins cher qu’un Ehpad avec un reste à charge moyen de 1700 euros mensuels.” Dans ces frais : le loyer, les courses alimentaires, le salaire des auxiliaires de vie, les prestations d’aide à la personne (lever et coucher, repas, ménage, animations).
A Epinac, “il faut compter un coût avant aides de 2860 euros, soit environ 1900 euros mensuels de reste à charge”, indique pour sa part le groupe CetteFamille qui précise aussi : “C’est une colocation meublée, avec services, dans laquelle les résidents sont nourris, blanchis et accompagnés 24/24 comme à la maison.”
Pour comparer, à l’échelle nationale, le prix médian en Ehpad est de 1977 euros par mois, selon les chiffres du gouvernement. Avec des disparités suivant les départements : en Côte-d’Or, le prix moyen était de 2273 euros mensuels en 2021 ; 2030 euros dans la Nièvre, 2058 euros en Saône-et-Loire et 2046 euros dans l’Yonne.
Pour autant, les Ehpad restent l’hébergement le plus répandu à l’heure actuelle : on en compte 423 en Bourgogne-Franche-Comté, dont 80 en Côte-d’Or, 37 dans la Nièvre, 94 en Saône-et-Loire et 71 dans l’Yonne, selon le site ehpad.fr.
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L'accompagnement à domicile, un métier toujours en tension
La question de la prise en charge des personnes âgées ne va pas sans la question du personnel. Le secteur de l’aide à domicile reste un secteur tendu. “On cherche toujours des salariés, même si ça va de mieux en mieux depuis les revalorisations post-covid, c’est sûr qu’il manque toujours du monde”, confirme notamment l’ADMR (premier réseau associatif français d’aide à la personne) de Pouilly-en-Auxois, en Côte-d’Or. Car le métier est difficile psychologiquement et était, du moins avant revalorisation, assez mal payé pour beaucoup d’heures de trajet et de vastes amplitudes horaires.
Le Ministère des solidarités et de la santé indique que, depuis la revalorisation fin 2021, “un agent à domicile avec 10 ans d’ancienneté touche désormais une rémunération de 1 749 euros par mois soit une augmentation de 227 euros brut par mois”.
Les deux organismes de colocation pour personnes âgées que nous avons contactés indiquent être tous les deux “légèrement au-dessus du salaire du marché de l’emploi” pour les auxiliaires de vie qu’ils emploient. Ils défendent également un meilleur cadre de travail. “Chez nous, les auxiliaires ne s’occupent que de sept bénéficiaires, elles ont donc une relation assez riche, beaucoup plus agréable”, note Julien Comparet. “Il faut aussi prendre en compte la différence financière liée aux déplacements et aux frais kilométriques : là, tous les résidents sont au même endroit, les auxiliaires n’ont pas à se déplacer toute la journée.”
La perte d'autonomie liée au grand âge reste un sujet complexe
Publié en mars 2022, le rapport ministériel "Vers un service public territorial de l'autonomie" dresse un constat encore critique de la prise en charge des personnes âgées. Il pointe notamment un manque d’information et d’écoute sur les besoins des seniors dépendants et de leurs familles, “dans un contexte de manque de professionnels de l’aide à domicile, de fort turn-over et donc d’une moindre disponibilité des intervenants”.
Selon le rapport, il est toujours relativement complexe d’être orienté dans sa recherche d’aide à domicile. “En conséquence, la personne et son entourage, le plus souvent seuls, vont solliciter des demandes d’admission auprès des établissements médico-sociaux, supposant nombre de contacts, visites, réponses négatives et séjours parfois infructueux.” Une problématique à laquelle il est urgent de répondre : selon les projections de l’INSEE, en 2030, la Bourgogne comptera 9300 habitants de plus de 75 ans de plus qu’en 2014, soit près de 56 000 personnes âgées “potentiellement dépendantes”.
Les colocations pour seniors peuvent-elles répondre de manière satisfaisante à cette problématique ? Dans la région, une étude est en cours entre le CHU de Besançon, le pôle de gérontologie et les maisons Âges et Vie, “pour voir comment se passe le bien-vieillir dans nos colocations, à moyen et long-terme”. Réponse dans quelques années.