Les vacances de la Toussaint approchent, mais les plannings des sociétés d’autocars sont presque vides. Peu ou pas de séjours touristiques en France ou à l’étranger programmés. Il reste juste les transports scolaires, ce qui ne suffit pas à faire tourner une entreprise.
Normalement, à cette période de l’année, tous les autocars de tourisme devraient être sur la route. Mais, aujourd’hui, ce n’est pas du tout le cas. Sur le mois de septembre, on est à 90% de perte de chiffre d'affaires.
Quand on écoute Roman Charles, gérant de la société Les Cars Charles, on comprend vite que cela doit être tout, sauf facile, de tenir la barre d’une entreprise de transports en pleine épidémie de Covid-19.
Depuis la rentrée de septembre, le ramassage scolaire quotidien a repris, mais pas les transports touristiques, ni les voyages de classe. Pas de séjours en France ou à l’étranger programmés, ni d'excursion à la journée. Conséquence : la société familiale née dans le Morvan en 1946, est en péril.
"On n’a pas eu un seul séjour de l’été. Habituellement, on a des colonies de vacances, des pèlerinages, en France, à l’étranger. Cette année, pas un seul. L’activité est on ne peut plus basse et il n’y a rien dans l’immédiat. On a très peu de perspectives d’avenir", explique le patron de l’entreprise nivernaise, qui emploie une quarantaine de chauffeurs.
Reportage de Fabienne Acosta, Tiphaine Pfeiffer, Gilles Parnalland, Emmanuel Picaut et Laurence Crotet-Beudet
"Je ne touche plus de salaire depuis le début du confinement"
Depuis le confinement imposé au mois de mars pour tenter d’enrayer l’épidémie de Covid-19, la société de transports de Dun-les-Places a perdu plus de 500 000 euros de chiffre d'affaires.
"Aujourd’hui, en dehors du transport scolaire le matin et le soir, il n’y a strictement aucun autre déplacement. Même les déplacements pour la piscine ou les activités sportives, on ne les a plus. Certaines piscines sont fermées, les gymnases sont fermés. Donc, nos conducteurs scolaires travaillent tous les matins et tous les soirs, mais ils se retrouvent en carence horaire. On les rémunère pour des heures qui ne sont pas effectuées, autour de 50% et plus. Les conducteurs de tourisme, eux, sont sans aucune activité."
Heureusement, il y a le chômage partiel. Mais, cela ne règle pas tout, car les chauffeurs se retrouvent avec des salaires divisés par deux. Une situation difficile à vivre quand on gagne aux alentours de 1 500 euros en temps normal.
Quand ils travaillent, ils perçoivent des heures supplémentaires, des heures de nuit, des heures de dimanche, des paniers repas, des découchers qu’ils n’ont plus du tout aujourd’hui.
Les chauffeurs de car sont comme tout le monde, ils ont des crédits à payer et ils n’y arrivent plus. Ils nous demandent des prévisions et on n’a aucune réponse à leur donner, car on ne peut pas se projeter. Le planning de 2021 pour le moment est vide. On fait des devis, c’est une bonne chose, ça nous encourage. On se dit que l’activité va revenir, mais on a très peu de confirmations.
On a perdu plus de 500 000 euros, c’est une perte nette. On a aussi des dépenses supplémentaires : on désinfecte les autocars, on équipe les conducteurs de masques, de gel. Ce sont des frais qu’on ne répercute pas sur nos clients, c’est un choix. Dans le secteur du transport, les marges sont déjà très faibles, dans le tourisme elles sont de l’ordre de 5%. Aujourd’hui, quand vous ajoutez ces frais supplémentaires, vous diminuez votre marge nette.
"On est en relation étroite avec les banquiers. On a bloqué les échéances sur une certaine période, c’est ce qui nous pourra nous faire passer le cap en attendant une reprise", ajoute le patron qui scrute ses plannings prévisionnels. Lui-même, en tant que gérant non salarié de l’entreprise, ne se dégage aucun revenu depuis des mois. "A titre personnel, je n’ai plus de salaire depuis le début du confinement."
Mais, le chef d’entreprise bourguignon ne baisse pas les bras. "On rend visite à nos clients pour voir comment ils vont et pour discuter de l’avenir. On passe aussi du temps sur des sites internet spécialisés pour démarcher de nouveaux clients, il faut qu’on en trouve d’autres, on n’a pas le choix."
Ce jour-là, Roman Charles reprend espoir après un rendez-vous avec une agence de voyages basée à Avallon, dans l’Yonne. Après une excursion réussie au château de Chambord, un nouveau test va être lancé. Cette fois, ce sera un déjeuner-spectacle dans un cabaret à Paris au mois de novembre. Au programme : un show de danseurs et d’artistes, accompagné d’un repas signé d’un chef étoilé.
"On remarque que les gens ont besoin de reprendre une vie de loisirs, d’activités, de visites", indique Audrey Ramos. "La clientèle des groupes est là. Ce sont des gens habitués aux voyages. Ils sont très disciplinés et ils ont vraiment compris l’intérêt des gestes barrières. La journée à Chambord s’est très bien déroulée. Donc, il y a des choses à faire et à reprendre", estime l’agent de voyages.
A condition bien sûr qu'une deuxième vague de Covid-19 n’arrive pas et impose de nouveau des mesures de précaution drastiques.
Les clients iront-ils aux marchés de Noël ?
D’ailleurs, dans ce centre de vacances de l’Yonne, la plus grande prudence est de mise pour les prévisions de voyages scolaires. "On espère que tout ça se fera, surtout que les Inspections académiques disent aux écoles de ne pas trop s’engager", fait remarquer la personne qui reçoit Roman Charles.
"On n’abdique pas, loin de là, mais la situation est compliquée. Pour tout le monde. J’ai des confrères pour qui c’est beaucoup plus compliqué que pour nous", reconnaît l’autocariste bourguignon.
Le plus difficile à vivre, c’est peut-être d’apprendre à vivre au jour le jour. "On est inquiets, surtout parce qu’on n’a pas de vision. Si seulement on avait une date butoir à partir de laquelle ça allait repartir. Mais, aujourd’hui, ce n’est pas le cas. On a des déplacements prévus aux marchés de Noël, mais auront-ils lieu ou pas ? Les clients seront-ils prêts à venir ? On est totalement dans le flou. On navigue à l’aveugle au jour le jour", conclut le patron des Cars Charles.
On est là du matin au soir, tous les jours, comme avant pour répondre aux clients. On attend, mais on se sent un peu dépourvu, car on n’a pas toutes les cartes en main.