Publié le Mis à jour le Écrit par Antoine Marquet

Esteban naît en 2016 et il va très bien. Ses parents et son grand-frère tombent de haut quand deux ans plus tard, le diagnostic tombe : Estban est autiste non-verbal sévère. Ce jour-là, leur vie bascule. A l'occasion de la journée mondiale de l'autisme, le 02 avril, la famille se confie.

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Milivia nous donne rendez-vous à Buxy, en Saône-et-Loire, dans les locaux de l’association R’éveil autisme. Son association. Une ancienne école primaire, que la mairie a accepté de louer aux parents d’Esteban. Leur petit garçon est autiste. Pour nous, ils reviennent sur leur histoire, leur quotidien.

“C’était un enfant tout à fait normal” confie Milivia


Jusqu’à l’âge de 20 mois, rien ne laisse penser à un trouble du spectre de l’autisme. Tous les signes d’un développement normal sont là. Esteban pointe du doigt, joue avec son frère, dit “maman, papa et tétine”. Presque du jour au lendemain, sans que Milivia et Walter ne s’en aperçoivent, leur fils change de comportement. “J’ai dit à mon mari que j’avais l’impression d’avoir un étranger à la maison.” Esteban devient grognon. Il se renferme, ne joue plus avec son grand-frère et surtout, il crie à tout vient : quand il a mal, quand il est fatigué, quand il veut quelque chose. Il crie, tout le temps.

Ses parents l’emmènent chez le médecin. Des otites à répétition laissent penser à une forme de surdité. Mais pourquoi Esteban ne parle plus ? Milivia fait des recherches sur internet et en parle au médecin. Elle lui confie son hypothèse : un TSA (trouble du spectre de l’autisme). Le petit garçon est dirigé vers un pédiatre en centre hospitalier qui demande un bilan complet : neurospsy, psychomoteur. L’évaluation dure plusieurs mois, pendant lesquels les parents d’Esteban naviguent dans le flou. Un bilan orthophonique est demandé au CAMS (Centre d’Action Médico-Sociale). “Et c’est tombé. Esteban est un enfant autiste sévère non-verbal.

“Pourquoi nous ?”


Comment on accueille l’annonce ? “On l’accueille pas. On la prend dans la gueule.” La vie de Milivia, Walter, Tyméo et Esteban ne sera plus jamais la même.

C’est une vie qui est chamboulée. On passe les trois premiers jours sans dormir, sans manger, sans pleurer et à se demander pourquoi nous ?


Et puis il faut se relever, avancer. La prise en charge d’un enfant autiste est lourde. Le SESSAD (Service d'éducation spéciale et de soins à domicile) peut prendre en charge Esteban mais il faut en faire la demande. Deux ans d’attente avant qu’Esteban soit suivi officiellement. “Il ne faut surtout pas que le pédiatre se trompe dans le certificat sinon le dossier est remis en attente.” Milivia s'agace de la lourdeur des dossiers. “La MDPH [Maison départementale des personnes handicapées] est pas toujours conciliante.” D’ailleurs, il faut apprendre un nouveau langage : TSA, MDPH, SESSAD, CAMS.

Avec le SESSAD, une équipe pluridisciplinaire s’occupe d’Esteban, directement sur son lieu de vie, à la maison. Se relaient alors des éducateurs, des psychologues, des neuropsychologues et des psychomotriciens. Les dépenses sont conséquentes : 700 euros par mois pour deux interventions par semaine d’éducateurs et de psychomotricité, des séances d’orthophonie et de psychologue.

L’allocation versée par la MDPH couvre à peine ce que coûte le petit garçon, d’autant que la famille ne vit plus que sur un seul salaire. Milivia travaillait dans la restauration. Walter fait les postes et travaille de nuit. Alors Milivia s’arrête de travailler. “C’est pas un choix qu’on a fait. On a simplement décidé que ce serait plus facile comme ça.” Esteban dort trois heures par nuit, va à l’école 30 minutes par jour, cinq à six rendez-vous de prise en charge sont planifiés par semaine. Comment tenir son poste ?
 

“Et puis il y a le regard des gens”


De nouveaux rituels s’installent. Un nouveau quotidien se dessine : “lever, dodo, promenade. Mais surtout pas de lieux publics à cause des crises.” La famille ne peut plus partir en vacances. Car ça veut dire réserver une semaine et rentrer au bout de deux jours parce qu’Esteban dort dans la voiture, ne s’alimente plus et crie. La maison, ça le rassure. Pas de cinéma non plus. Le petit garçon a peur à l’intérieur d’une grande salle sombre. Pas de restaurants ni de courses dans les supermarchés. En fait, plus de lieux publics.

Il y a toujours quelqu’un pour nous dire que notre enfant est mal élevé.” Les cris d’Esteban attirent l’attention, les regards et l’incompréhension.

On s’engueule beaucoup avec les gens. Comment leur expliquer que non mon fils n’est pas mal élevé mais qu’il est handicapé ?


Lassés, Milivia et Walter ne veulent plus se justifier. “On se justifie déjà quand on l’emmène au centre-ville et qu’on se gare sur les places handicapées. Une fois sur deux, on doit expliquer que nous, nous ne sommes pas handicapés mais que notre fils dans la voiture l’est.” La famille est fatiguée. Entre les crises, les courtes nuits, les coups de téléphone de la MDPH qui demande tel ou tel document, “c’est la goutte d’eau de trop quand on doit encore se justifier auprès des autres.

“Il a fallu faire le deuil d’avoir une vie normale”


Certains amis désertent, d’autres “plus ouverts” débarquent. Mais quand Milivia et Walter ferment la porte de la maison, ils sont seuls avec leur fils. Le quotidien est fait de petites victoires. Esteban ne communique que par les images, alors lorsqu’il réussit à s’exprimer avec un nouveau pictogramme, “ça nous met du baume au cœur”.

L’équilibre familial est perturbé. Il y a Esteban, mais il y a aussi Tyméo, son grand-frère. Milivia admet qu’ils ont parfois mis de côté leur grand parce que leur petit monopolisait toute l’attention. Mais ils en parlent. Et Tyméo comprend. Du haut de ses 10 ans, il semble avoir déjà compris beaucoup de choses.

Il a voulu nous parler, nous dire ce qu’il ressentait. Quand il apprend que son petit frère est autiste, Tyméo “se soucie un peu”. Et puis il s’habitue. Il s’habitue à fermer les portes pour ne pas que son frère se sauve. Il s’habitue à ce qu’Esteban parte en courant, en criant lorsqu’ensemble ils regardent un film ou lisent un livre. “Ça me rend triste de voir qu’il ne peut pas faire les mêmes choses que nous. Il comprend pas ce qu’on essaye de lui faire faire.” On connaît la violence des cours de récréation, les mots parfois durs des enfants entre eux. Tyméo en a aussi conscience : “Peut-être que certains se moquent de mon petit frère dans mon dos”. Tyméo nous confie avoir déjà entendu certains, à l’école de son petit-frère, parler du “débile mentale”.

Il a seulement dix ans. Et pourtant, il a déjà un message pour tous les frères et sœurs d’enfants autistes :

Il ne faut pas baisser les bras, même si c’est compliqué. Il faut garder son calme et essayer de vivre avec comme on peut, quand on peut.



A quoi on se raccroche ?


On s’aime.” Tout simplement.

Un peu de répit pour les familles


De cette vie épuisante naît l’association R’éveil autisme. Durant l’été 2018, Milivia fait une grosse dépression. “Esteban m’a fait vivre un enfer.” Alors il fallait trouver une solution. Presque rien n’est mis en place pour les aidants, les familles. Ils ont besoin de répit. Milivia cherche à mettre en place une structure qui accueillerait les enfants et qui permettrait à leurs parents de se reposer. Avec deux amies qui travaillent dans le médico-sociale, elles créent l’association, à Buxy.
 


Les besoins étaient énormes. En deux mois d’existence, l’association a accueilli 17 familles. R’éveil autisme fonctionne grâce à des bénévoles, à raison de deux heures par jour. Difficile donc de proposer un accueil continu. Mais c’est déjà ça. Des activités d’éveil sont mises en place pour les enfants. Il y a même un espace snoezelen. Une petite tente au fond de la pièce, avec des jeux de lumières à l’intérieur et un peu de musique, pour stimuler l’enfant. R’éveil autisme accueille tous les enfants, peu importe leur handicap. Les frateries sont les bienvenues. Car comme Tyméo, ils ont aussi besoin de vider leur sac.

Ces temps de retrouvailles font du bien à tout le monde. Milivia la première. “Ça me fait du bien de voir que je ne suis pas la seule qui avait besoin de souffler.

 

Quels sont les chiffres de l'autisme en Bourgogne-Franche-Comté ?
Rappelons que l'autisme n'est pas une maladie, mais un handicap, un trouble du développement qui touche un enfant 1 sur 100. 

Pour Milivia, les moyens ne sont pas suffisamment développer quand il s'agit d'autisme. Le succès de son association en témoigne. Peu de structures proposent actuellement aux familles des moments de répits. Le système éducatif n'est pas prêt non plus. Lorsqu'un enfant autiste est scolarisé dans un circuit "normal", il est suivi par une AVS (assistante de vie scolaire). Mais bien souvent, les AVS ne sont pas formées. Alors il existe les IME (institut médico-éducatif). Mais il faut souvent attendre des années avant d'avoir une place.

En Bourgogne, il y a 43 IME sur les quatre départements. En Franche-Comté, 32 instituts accueillent des enfants porteurs de handicap. 

Le dernier plan régional pour l'autisme en Bourgogne date de 2017. Selon les derniers chiffres communiqués par l'ARS Bourgogne-Franche-Comté, 2 421 personnes de moins de 20 ans seraient atteints de TED (Troubles Envahissant du Développement, qui ne comprennent pas que l'autisme). 

Même si les politiques publiques s'améliorent, les moyens sont encore insuffisants. 

Pour plus d'informations et de moyens d'accompagnement sur l'autisme :
 
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