Emmanuel Macron a annoncé qu’à compter du 31 mai 2024, EDF reprendra officiellement les activités nucléaires de General Electric, dont la maintenance et la fabrication des turbines Arabelle à Belfort. Entre joie et questions en suspens, les différents acteurs du territoire nous confient leurs premières réactions.
Est-ce la fin d'un long feuilleton pour Belfort ? Le rachat des activités nucléaires de General Electric par EDF, dont la maintenance et la fabrication des turbines Arabelle à Belfort, est "une excellente nouvelle", s'enthousiasme Florian Bouquet, Président LR du Département du Territoire de Belfort. "Ces annonces pour Belfort sont plutôt rassurantes même sécurisantes notamment pour la pérennisation du site et du savoir-faire".
"À ce stade on ne peut que se réjouir, c'était notre vœu depuis 2020", rappelle de son côté, Damien Meslot, maire LR de Belfort, heureux que la transaction aboutisse enfin. Dans un communiqué, Marie-Guite Dufay, la Présidente PS de la région Bourgogne-France-Comté "salue" elle aussi "la concrétisation d’une promesse". L'opération avait été annoncée en 2022 "mais nous n'avions pas eu de nouvelles depuis, alors que la conjoncture internationale était très incertaine", souligne Florian Bouquet.
Une conjoncture dominée par les relations internationales. Le géant russe du nucléaire Rosatom est le principal client de la branche nucléaire de General Electric.
Qui est #Rosatom, et pourquoi le rachat de GE #Belfort par #EDF patine à cause de son rôle central sur le marché mondial ?
— Jérémy Chevreuil (@JeremyChevreuil) January 19, 2024
Présentation du géant russe du #nucléaire, n°1 mondial de la construction de centrales et de l'enrichissement d'uranium, sur @F3FrancheComte. pic.twitter.com/Az35nDpJ1P
En décembre 2023, alors que tout était prêt, y compris l'estrade pour officialiser le rachat de Steam Power, la filiale nucléaire de GE par EDF, les salariés avaient été informés par mail du report de l'événement sans explications et la vente était tombée à l'eau. "Même les adresses mail avaient été changées", ajoute Emmanuel Chabeuf, responsable de la section cadre à la CGT EDF Alsace Franche-Comté. L'espoir de voir la vente se concrétiser s'était alors éloigné.
Les turbines de retour dans le giron français
Mais c'est enfin chose faite, des turbines Arabelle reviennent dans le giron français. "Je suis heureux de constater que le nucléaire a un avenir en France", a ajouté le Président du Département du Territoire de Belfort. En 2015, François Hollande, alors président de la République, avait entrepris un lourd chantier de réduction à 50% de la part de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique français, d'ici 2035.
Cet objectif a été supprimé à la mi-mars 2023 par l'Assemblée nationale car de son côté, Emmanuel Macron, a plutôt opté pour une relance du nucléaire français. À Belfort, en 2022, il a notamment annoncé la construction de six nouveaux réacteurs d'ici 2035. Et c'est dans ce cadre-là que s'inscrit ce rachat par EDF.
A Belfort, il y a un savoir-faire qui est extraordinaire. L'Etat, qui voulait tourné la page du nucléaire, est aujourd'hui convaincu de la pertinence de cette technologique et de la valeur ajoutée de notre chaîne de production qui est formidable.
Florian BouquetPrésident du Département du Territoire de Belfort
"Je me réjouis par ailleurs de voir les compétences de Belfort et du Nord Franche-Comté reconnues et confortées", approuve Marie-Guite Dufay. Dans la région, ce rachat concerne "près de 2 000 salariés", selon Christophe Grudler, député européen (MoDem) qui se réjouit également.
🔴 C'est fait! Les turbines nucléaires #Arabelle produites à #Belfort sont rachetées par EDF ! Comme l’avait promis @EmmanuelMacron
— Christophe GRUDLER (@GrudlerCh) May 30, 2024
Une étape clé pour renforcer notre souveraineté énergétique🇫🇷🇪🇺
Les défenseurs du nucléaire & de l'emploi, c'est notre majorité avec @BesoindEurope pic.twitter.com/dDXbd1cFYi
Pour la Présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté "c’est un soulagement pour les hommes et les femmes qui représentent l’excellence de la filière nucléaire française, et qui ont subi les stratégies de GE."
"Il y a encore des choses à préciser, beaucoup de questions restent en suspens"
En effet, après l'achat par GE en 2015, lorsqu'Emmanuel Macron était ministre de l'Economie, le site a enchaîné de lourds licenciements. C’est pourquoi "le projet industriel qui découle de ce rachat doit être connu au plus vite afin de sécuriser l’avenir des salariés", insiste dans un communiqué, Marie-Guite Dufay.
Nous restons dans l'attente d'avoir des précisions quant au périmètre exact d'activités reprises, sur les investissements en termes de matériel et de main d'oeuvre sur la stratégie industrielle pour le site de Belfort. Car, on le sait, le diable se cache parfois dans les détails.
Damien MeslotMaire de Belfort
"Il y a encore des choses à préciser, beaucoup de questions restent en suspens bien sûr, mais pour l'instant c'est de bon augure pour la suite du site de Belfort", a tenu a ajouté Florian Bouquet, "c'est particulièrement stratégique en termes de souveraineté et d'autonomie énergétique, on espère simplement que ce n’est pas qu’un effet d’annonce à la veille des élections européennes donc on reste prudent". En effet, cette heureuse annonce pour le territoire intervient à seulement une semaine des élections européennes, qui se tiendront, en France, le 9 juin 2024.
"On se contente de racheter ce que l'on a bradé " : Réactions mitigées du côté des syndicats
Le sentiment est partagé du côté d'Emmanuel Chabeuf, responsable de la section cadre à la CGT EDF Alsace Franche-Comté : "Gardons la tête froide à quelques jours des élections européennes mais c'est une première satisfaction après la douche froide pour les salariés depuis 2015". Le délégué central CGT au CSE de l'entité nucléaire de GE, Laurent Santoire, évoque, lui "du soulagement" après "beaucoup" de mobilisations pour ce rachat. "Sortir de cette période de transition entre General Electric et EDF, de cette période d'incertitude, ça fait du bien à tout le monde", témoigne-t-il.
Dans un deuxième temps, on veut aussi avoir des assurances sur l'avenir. On a été maltraité pendant plusieurs années, avec des licenciements. On a maintenant des interrogations et des exigences. On attend des actes forts, comme l'intégration des contrats précaires à Belfort. Il faut qu'on se réunisse autour d'une table pour établir une stratégie d'entreprise forte.
Laurent SantoireDélégué centrale CGT au CSE de l'entité nucléaire de GE
"On a une opportunité de réindustrialiser nos territoires, il ne faut pas se louper"
Les syndicats concernés par la vente semblent donc plus tempérés dans l'accueil de cette nouvelle. Selon Emmanuel Chabeuf, "on se cantonne de racheter ce que l'on a bradé, de réparer ce que l'on a cassé". Ce à quoi, le président se défend, dans une interview accordée au groupe EBRA "Toutes les bêtises ont été écrites à l'époque sur la vente de notre souveraineté ! Mais, ce que nous réalisons aujourd'hui est bien la démonstration que nous avions créé à l'époque les conditions pour récupérer les activités vendues".
Demeure désormais à savoir comment le Président de la République compte mettre en place sa stratégie nucléaire. Car "on ne va pas se leurrer, il faut avoir les moyens de ses ambitions. Il faut maintenant développer nos outils de travail pour qu'on puisse y répondre et investir dans la formation. On a une opportunité de réindustrialiser nos territoires, il ne faut pas se louper", conclu Laurent Santoire.