Baptiste Chevreau a perdu la vie au Bataclan. Alors que le procès des attentats du 13 novembre 2015 s'ouvre à Paris ce mercredi 8 septembre, sa mère et son beau-père ont accepté de nous rencontrer, à Tonnerre dans l'Yonne.
Le 13 novembre 2015, Baptiste Chevreau, 24 ans et originaire de Tonnerre dans l'Yonne, est tué au Bataclan. Passionné de musique, ce jeune homme jouait depuis l'âge de trois ans. Il en avait même fait son métier et venait de commencer un emploi dans une entreprise d'édition musicale.
Pour lui rendre hommage, il a été décidé de reconstruire le kiosque à musique de Tonnerre, abandonné et délabré depuis les années 1980. C’est là que le jeune homme avait l’habitude de retrouver ses amis, tout près de son ancien lycée.
Le lieu a été rebaptisé de son nom, en 2017. C'est là que sa mère et son beau-père ont bien voulu répondre à nos questions avant l'ouverture du procès des attentats du 13-Novembre, ce mercredi 8 septembre 2021.
"Depuis quelques jours, évidemment, on ne parle que du procès qui arrive, donc c'est un peu compliqué de s'échapper de tout ça, confie Philomène Petitjean, la mère de Baptiste Chevreau. Mais forcément, le temps passe et ça va heureusement un peu mieux. Mais là, c'est une période difficile."
"Tout revient. Il y a des tas de témoignages qui sortent, des reportages. Il y a beaucoup de gens qui ont des choses à dire, qui reparlent de ce qui s'est passé il y a six ans maintenant. Donc tout remonte à la surface, des choses qu'on pensait un peu aplanies reprennent des dimensions un peu fortes", ajoute-t-elle.
Philomène Petitjean n'a jamais assisté à un procès de sa vie, l'audience hors-norme qui débute suscite en elle une certaine appréhension. "Ça m'inquiète, parce que c'est un truc tellement énorme que je ne pensais pas un jour avoir à être liée à une chose pareille. On annonce ça comme un procès historique, c'est vrai que c'est un procès historique, mais c'est aussi mon histoire. Ça fait vraiment partie de notre histoire à tous, familles de victimes. C'est une autre histoire et c'est une deuxième dimension dans ce procès. Pour moi, ça me paraît un peu invraisemblable."
Elle dit ne rien attendre des hommes présents dans le box, mais espère que le procès permettra d'avancer. "J'attends le procès pour qu'il y ait une fin, qu'il y ait un moment où les choses soient faites, soient claires, soient dites. Mais ce que vont dire les accusés, ça, je n'en attends rien", témoigne Philomène Petitjean. "Maintenant des témoignages de victimes, de parties civiles, d'intervenants sur place. Là, oui, j'espère découvrir des choses mais c'est compliqué."
Je n'ai pas du tout envie d'écouter les accusés répondre à quoi que ce soit, si jamais ils répondent. Je ne veux même pas les entendre.
Philomène Petitjean
La mère de Baptiste Chevreau a prévu d'assister à l'audience, mais évidemment pas de façon intégrale. Celle-ci doit durer neuf mois. "Je me demande encore si je veux témoigner ou ne pas témoigner parce que c'est encore une démarche supplémentaire, ajoute-t-elle. Le fait d'aller au procès, c'est déjà impressionnant. Mais le fait de témoigner, c'est encore autre chose. En même temps, j'ai écrit un livre dans lequel j'ai déjà témoigné. Donc je me dis que mon témoignage, il est déjà là. Mais je pense qu'il faut que ce procès ait aussi une dimension humaine. Sans témoignage de victimes, ou de rescapés, ce n'est pas la peine."
"On ne peut pas ne pas faire de procès"
Patrick Petitjean, le mari de Philomène et beau-père de Baptiste, redoute lui-aussi l'ampleur du procès. "Le gigantisme du procès fait que quelque part, ça nous échappe un peu, c'est difficile à gérer. Ça fait remonter des choses très dures. Tous les reportages qui rediffusent en boucle tout ce qui s'est passé, forcément, c'est compliqué."
Il juge malgré tout nécessaire que l'audience se tienne. "C'est indispensable, parce que – c'est peut-être une formule bateau – mais il faut que la justice soit rendue. On ne peut pas ne pas faire de procès. On a des accusés, il faut que justice soit rendue. Ça aidera les victimes, les proches de victimes. Il faut que le procès existe et je pense que ça peut aider aussi à refermer quelques blessures."
On n'attend pas forcément tous et toutes les mêmes choses du procès. Des gens ont des questions plus spécifiques sur certains points. Pour d'autres, c'est autre chose. Mais il y a une sorte de compréhension, de solidarité, de proximité des victimes et des proches de victimes, qui comprennent ce que chacun ressent.
Patrick Petitjean
Lui aussi a prévu d'assister à certains jours d'audience, "ne serait-ce déjà qu'en soutien de ma femme", dit-il.
"Il y a des points, peut-être, qui vont pouvoir être éclaircis. Et puis peut-être entendre des témoignages soit de victimes, soit d'intervenants, les primo-intervenants. C'est ce qui m'intéresse", ajoute-t-il. "Je n'attends pas de réponse particulière, notamment des accusés, que j'ignore avec une force insoupçonnable."
Cinq autres personnes originaires de Bourgogne ont été tuées le 13 novembre 2015. Les attaques à Paris et Saint-Denis ont fait au total 130 morts et plus de 350 blessés.