Après avoir quitté les réseaux sociaux il y a un an, Matthieu Jasseron n'est plus prêtre à Joigny (Yonne) depuis quelques semaines. Retiré du monde, nous sommes allés le rencontrer dans sa nouvelle vie d'ermite.
"Je redeviens Matthieu Jasseron." Le 22 octobre, père Matthieu annonçait dans une vidéo qu'il quittait l'Église. L'ex-prêtre star de TikTok avait expliqué se retirer après "13 mois de pressions et d'intimidations" de sa hiérarchie.
Matthieu Jasseron vit désormais loin des grandes villes, dans une petite cabane au bord de l'eau. Nous l'avons rencontré chez lui, dans sa nouvelle vie.
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Vous avez longtemps été prêtre. Qu’est-ce qui fait qu’un jour, on décide de ne plus l’être ?
Matthieu Jasseron : Pendant un an, j’ai vécu pas mal de succession d'évènements qui m’ont un peu bousculé et qui m’ont amené à poser un ensemble de questions sur la foi de l’Eglise en général et la figure du prêtre. Le prêtre, c’est un peu l’officiel, il est là pour gérer une paroisse, mais aussi relayer la voix dogmatique de l’institution.
Et pendant un an, une question m'a travaillé : "étais-je suffisamment en phase avec l'Eglise pour rester prêtre ?" Ma mission a pris fin cet été. C'est une décision que j'ai mûrement réfléchi et maintenant, je l’assume publiquement. C'est pour ça que j’ai fait une vidéo pour l’expliquer.
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Vous n’avez aucun regret ? Jamais vous ne vous dites ‘et si je m’étais planté ?'
M.J : Je ne me pose pas la question de savoir si je m’étais planté, par contre indéniablement ça me manque. Tous ces gens qui viennent se confier à nous en nous dévoilant la plus grande des beautés et la plus grande des complexités de la nature humaine, c’est merveilleux. Le fait d’accompagner les gens dans les plus grands moments de leur vie, baptême, mariage, jusqu’aux funérailles, là encore on est privilégié.
Le fait de pouvoir prêcher le dimanche matin devant 300, des fois même 800 personnes et d’être là et essayer d'apporter une parole d’espérance. Ça, c'est merveilleux aussi. Donc oui, tout ça me manque beaucoup, et en même temps, je crois qu'aujourd’hui, je suis plus en phase avec ce que je suis personnellement.
Est-ce que c'est une nouvelle vie ? Une page qui se tourne ? Ou bien y reviendrez-vous?
M.J : Objectivement, j’imagine mal redevenir prêtre officiellement parce que je remets en cause beaucoup de choses dans la figure du prêtre. Je pense qu’on le met trop sur un piédestal et que petit à petit, on commet des petits travers qui risquent de nous amener à de plus grands abus. Le fait que le prêtre soit un peu trop perçu sacré dans l’Église, je crois que ce n'est pas bon pour les prêtres en général et je m’en suis rendu compte pour moi-même aussi.
Il y a des fois, je me suis rendu compte que j’avais pu être odieux avec certaines personnes, en juger d’autres et ce n'est pas ce que je veux. Aujourd’hui, c’est un chapitre de ma vie qui se clôt et un autre qui s’ouvre.
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J’étais prêtre célibataire engagé avec des promesses envers l’Eglise. Désormais s’ouvre la possibilité de la vie de famille et au-delà de ça, la nécessité de trouver un travail. Je sens un grand champ des possibles et en même temps, une légère angoisse.
Rien ne vous empêche de retourner sur les réseaux sociaux et continuer, mais plus en tant que prêtre ?
M.J : Les réseaux sociaux, j’en avais tourné la page il y a un an et depuis je ne me vois pas trop revenir. J’ai dit aux gens que j’arrêtais. Je ne voulais pas que certains me perçoivent comme un gourou. Ça ne me semblait pas toujours très ajusté. Ça flattait un orgueil qui n’était pas très adéquat. J'ai trouvé bon et opportun de me retirer des réseaux sociaux.
Que devient votre rapport à Dieu ?
M.J : Pour moi, Dieu, c'est une évidence et ça le restera toujours. Pendant l’été, ça m’est arrivé de ne pas aller à la messe, il fallait prendre ce temps de distance. Pour moi, c’est évident que je continue de faire partie de l’Église catholique. C’est là que j’ai la plupart de mes amitiés et c’est là que je veux continuer de trouver ma place.
Dieu, c’est peut-être une figure abstraite là-haut, mais je crois qu’avant tout, c’est cette puissance de transcendance qu’on a chacun dans nos cœurs. Oui, la vie est dure, faite de plein de moments difficiles, mais quand on réussit à voir qu’on porte en nous l’étincelle de l’infini qui a créé l’univers, qui a transcendé nos vies, ça change tout. Je crois qu'il est là Dieu.