INTERVIEW. Meurtre de Philippine : contre la récidive des viols, "il faut avoir un vrai travail en prison"

D'après des chiffres du ministère de la Justice, en 2023, 6 % des condamnés pour viols récidivent. À la suite du meurtre de Philippine, Dominique Vérien, sénatrice (UC) de l'Yonne, participe à une mission d'information pour lutter contre ce phénomène.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Un chiffre édifiant. D'après un rapport du ministère de la Justice, en 2023, 6 % des condamnés pour viol récidivent. C'est un phénomène inquiétant contre lequel Dominique Vérien souhaite lutter. Ce mercredi 30 octobre, cette sénatrice (Union Centriste) de l'Yonne lance donc une mission d'information pour combattre ce phénomène.

Quelles raisons justifient la création de cette mission d'information ?

Dominique Vérien : C'était une demande du Parti socialiste, à la suite du meurtre de Philippine. La délégation aux droits des femmes avait décidé de se saisir de ce sujet, non seulement pour examiner le volet OQTF (obligation de quitter le territoire), mais aussi pour comprendre ce qui se passe lorsqu'une personne est incarcérée pour viol.

Comment faire en sorte qu'une personne condamnée pour violences sexistes et sexuelles soit moins dangereuse à sa sortie de prison ? C'est une question que l'on se pose pour les terroristes, mais pas pour les violeurs, alors même que le risque de dangerosité est présent.

Que prévoyez-vous de faire lors de cette mission d'information ?

D.V : Nous avons commencé cette mission d'information en se rendant au centre pénitentiaire de Joux-la-Ville (Yonne). C'est une prison spécialisée pour les auteurs d'infractions à caractère sexuel. Nous avons observé la manière dont les personnes y sont prises en charge. Cela nous permet de voir également toutes les limites de ce dispositif, puisque le meurtrier de Philippine y avait été incarcéré, sans bénéficier d'un accompagnement particulier.

Nous avons visité Joux-la-Ville et nous irons probablement voir d'autres établissements pénitentiaires. Nous avons également rencontré la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de l'Yonne. Parmi les jeunes qu'elle doit suivre, on trouve un grand nombre d'auteurs et de victimes d'infractions à caractère sexuel. Elle met donc en place de nombreuses initiatives, notamment sur le suivi psychologique.

► À LIRE AUSSI : Une famille d'accueil pour plus de 850 jeunes délinquants : la protection judiciaire de la jeunesse cherche des volontaires en Franche-Comté

On a du recul sur les psychotraumatismes et leur fonctionnement. On sait que, si l'on est pris en charge assez tôt, on peut s'en sortir. Lorsqu'on est victime, on peut donc ne pas le rester. En revanche, sans suivi rapide, on risque de devenir auteur de violences sexuelles ou de le rester.

Concrètement, que fait Joux-la-Ville pour prendre en charge ces personnes ?

D.V. : 52 % des personnes qui y sont incarcérées le sont pour des infractions à caractère sexuel, ce qui en fait une prison un peu spécialisée. Cela facilite la prise en charge psychologique, car ils peuvent travailler en groupe avec des psychologues sur des thèmes de base comme le rapport à leur corps, leurs sentiments, et leur relation aux autres.

Parfois, les soins relèvent véritablement de l'éducation de base. À la PJJ, on nous a fait la même remarque. Souvent, il faut rappeler les limites à respecter dans le contact avec autrui, car ces notions sont mal assimilées.

Ce système devrait-il être adapté aux autres centres de détention ? 

D.V : Ce que l'on a pu observer à Joux-la-Ville, c'est que lorsque les détenus sont pris en charge, on obtient des résultats. Il est également certain que celle-ci varie en fonction du profil du prisonnier. Nous avons aussi constaté que dans ce centre pénitentiaire, les suivis psychologiques se font sur la base du volontariat, encouragés par des possibilités de remise de peine.

Cependant, beaucoup d'entre eux sont dans le déni. Ils ne voient donc pas l'intérêt de suivre ces séances. La PJJ adopte une approche différente : elle incite fortement les jeunes à y participer. Elle a aussi trouvé des professionnels acceptant de les accompagner, même sous contrainte. Dans ce système, on remarque que ces jeunes manquent rarement leurs rendez-vous. Ils comprennent que cela leur fait du bien.

Dans beaucoup de cas, les auteurs ont été des victimes.

Dominique Vérien

Ils se réhabilitent en tant que victime. Ils se rendent également compte que ce qu'ils ont fait subir à l'autre est équivalent à ce qu'ils ont subi. Ils sont bien auteur. Donc, c'est assez réparateur pour tout le monde.

Qu'espérez-vous du rapport que vous allez rendre ?

D.V. : Grâce à ce rapport, qui sera probablement rendu en mars 2025, nous espérons corriger certaines choses. Il faut bien comprendre qu'il y a énormément de victimes de violences sexuelles, et que nous ne pouvons pas envisager de laisser des personnes potentiellement dangereuses reprendre une vie normale si leur dangerosité reste réelle.

Nous voulons donc que l'on s'oriente vers un type de traitement similaire à celui des terroristes. Lorsqu'une personne condamnée pour terrorisme a purgé sa peine, on estime qu’elle a aussi purgé l’idéologie qui l'a menée à de tels actes.

Pour les violeurs, il ne suffit pas de dire qu'ils ont payé leur dette à la société, surtout, si le simple fait de croiser une femme déclenche encore en eux des pulsions de viol ou de meurtre. Dans ce cas, il faut réfléchir avant de les laisser sortir et assurer un véritable travail en prison.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information