L'ex-compagne de Michel Fourniret a été condamnée mardi 19 décembre 2023 à la réclusion criminelle à perpétuité. Les trois semaines du procès n'ont pas permis de livrer toute la vérité aux familles de Marie-Angèle Domèce, Johanna Parrish et Estelle Mouzin.
Elle emportera sans doute ses derniers secrets dans la tombe, comme son ex-mari Michel Fourniret. Monique Olivier est repartie en prison, condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de 20 ans de sûreté. Un verdict prononcé ce mardi 19 décembre à la cour d'assises de Nanterre, à l'issue de trois semaines d'une audience hors norme, déchirante pour les familles des victimes, frustrante aussi. Voici trois points à retenir du procès.
L'emplacement des corps, toujours inconnu
Retrouvera-t-on un jour Estelle Mouzin et Marie-Angèle Domèce ? L'enjeu majeur de ce procès était que Monique Olivier livre les emplacements des corps. Mais non. Rien à faire. "Je ne sais plus", "Je ne me souviens pas", a déclaré Monique Olivier à plusieurs reprises.
L'accusée de 75 ans a cependant livré plusieurs éléments sur les derniers instants d'Estelle Mouzin en 2003. La fillette est enlevée le 9 janvier. Le 10 janvier, Michel Fourniret demande à son épouse de venir dans la maison de Ville-sur-Lumes dans les Ardennes, "le remplacer" pour surveiller la petite fille kidnappée. "J'étais fâchée quand j'ai vu cette petite fille. Je n'ai pas osé lui parler tout de suite (...) Je lui ai parlé un tout petit peu, elle m'a dit qu'elle voulait voir sa maman. Je lui ai dit qu'elle allait la voir bientôt."
Estelle sera ensuite violée et assassinée par Michel Fourniret. Monique Olivier dit avoir vu le corps d'Estelle après sa mort, "dans un rideau de douche, en plastique. Il l'a peut-être acheté à Cora", relate France Bleu Auxerre. Elle fournit une pelle et une pioche à son mari, "pas pour faire du jardinage, pour creuser un trou pour y déposer le corps d'Estelle". Elle serait ensuite partie faire le guet. Mais où ? Impossible d'obtenir une réponse. Des fouilles ont déjà été menées près de la maison, mais rien. En cette fin 2023 devant la cour, Monique Olivier bafouille : "Je serai incapable de retrouver le corps d'Estelle Mouzin."
Quant à Marie-Angèle Domèce, dont l'enlèvement et la mort remontent à plus de 35 ans, il n'y avait guère d'espoir supplémentaire. Monique Olivier assure ne pas savoir où se trouve le corps. "Si je savais, je le dirais", a déclaré l'accusée.
"Je vais mourir en prison, pourquoi je le dirais pas ?"
Monique Olivierau sujet de Marie-Angèle Domèce
Interrogée alors alors depuis une semaine, Monique Olivier explique que "certains souvenirs ont du mal à revenir".
Le corps de Joanna Parrish, lui, a bien été retrouvé. Au cours du procès, Monique Olivier n'a pas expliqué pourquoi elle n'avait rien fait pour empêcher Fourniret, alors même qu'elle se trouvait dans la camionnette, assise à l'avant, tandis que son mari violait et tuait la jeune Britannique de 20 ans à l'arrière du C15. "Lâchement, je n'ai rien fait. Je l'ai entendue crier un peu mais je ne suis pas intervenue. C'est la peur, la panique, (je suis) incapable de faire quoi que ce soit."
Des interrogatoires manqués
Autre point à retenir de ce procès : les tensions autour de l'attitude du président, Didier Safar, critiqué à maintes reprises pour sa façon de mener les débats. Il a refusé à plusieurs reprises de donner la parole à l'accusée à des moments pourtant clés, voulant absolument tenir les délais d'audience.
À l'image, par exemple, du moment où les rares photos de Marie-Angèle Domèce ont été projetées dans la salle : Monique Olivier ne sera pas interrogée, le président ne lui demandera pas de réagir.
De même, lorsque débute l'interrogatoire de Monique Olivier sur Estelle Mouzin, Didier Safar braque l'accusée à force de questions assaillantes, parfois agressives. Monique Olivier se ferme comme une huître. Et c'est finalement son avocat, Richard Delgenes, qui reprend la main et propose que sa cliente "dise d'elle-même ce qu'elle reconnaît, pour ne pas que les choses se ferment."
"Pour rater un interrogatoire aux assises, il faut être deux. Monique Olivier et Didier Safar s’y sont employés conjointement", résume Le Monde.
Eric Mouzin, le père d'Estelle Mouzin, a également regretté que "la manière d'interroger Monique Olivier" ait parfois été "contre-productive", tout en reconnaissant que, même si la méthode avait été différente, cela ne signifie pas "qu'on aurait eu les réponses". Ces "trois semaines où il nous a fallu attendre patiemment le moment où peut-être elle allait parler" ont été "longues, laborieuses, pénibles à supporter, pour un résultat imparfait", a-t-il déploré.
"On est rongé de l'intérieur, c'est le trou noir"
À retenir enfin : la terrible plaidoirie de Didier Seban, l'avocat des familles Parrish et Mouzin. "Je veux que ces crimes vous hantent dans vos nuits en maison d'arrêt", lance-t-il à Monique Olivier.
"Quand cette salle va se fermer, on entendra les cris de ces jeunes filles qui résonneront dans vos têtes, et pendant ce temps-là, Monique Olivier dormira tranquillement"
Didier Sebandevant la cour
Saluant la "ténacité" des familles des victimes, sans qui "ces affaires n'auraient jamais été jugées", Didier Seban rappelle que Monique Olivier n'a pas été une simple spectatrice des horreurs de son mari. "Ce sont des meurtres à quatre mains : elle est là, elle soutient, elle fait le guet, elle donne l'alibi, elle participe", argumente-t-il.
"Elle ne veut pas nous dire, parce que c'est encore une manière de garder le pouvoir, de garder l'intérêt sur elle. Je crois que c'est le visage ambivalent de Monique Olivier, complice active de Michel Fourniret dans la réalisation de ce projet criminel, et puis silencieuse sur le déroulement de ces crimes et les lieux où les corps sont enterrés", dit encore Didier Seban.
L'avocat, spécialisé dans les cold cases depuis 2001, en termine avec des phrases terribles. Il prévient les jurés (des citoyens tirés au sort, qui ne sont pas familiers avec l'univers judiciaire, ndlr) : ce procès, ils n'en sortiront pas "indemnes".
"Les pervers vous emmènent dans leur perversité : faites-vous accompagner."
Dider Sebanà l'adresse des jurés
"On est rongé de l'intérieur, ce n'est pas le beau noir lumineux de Soulages, c'est le noir qui vous enfonce, le noir du trou noir." L'avocat confie qu'après le procès de 2008, il a développé un cancer "tellement c'était horrible".
21 ans de vie commune avec "l'ogre des Ardennes"
Monique Olivier, ex-compagne de Michel Fourniret, était jugée pour "complicité" dans trois enlèvements et meurtres :
- Marie-Angèle Domèce, jeune handicapée mentale disparue en 1988 à Auxerre
- Joanna Parrish, professeure d'anglais à Auxerre, disparue en 1990 et retrouvée noyée, violée, dans l'Yonne à Monéteau
- Estelle Mouzin, cette petite fille disparue à Guermantes (Seine-et-Marne) en 2003 et dont l'avis de recherches avait circulé dans la France entière.
Michel Fourniret était également mis en examen dans ces trois affaires, mais il est mort en prison en mai 2021. Monique Olivier, elle, avait déjà été condamnée à la perpétuité en 2008 (pour complicité dans quatres meurtres et un viol en réunion) et à 20 ans de prison en 2018 (pour le meurtre de Farida Hammiche, dans l'affaire du "magot du gang des postiches").
Monique Olivier a partagé la vie de Michel Fourniret pendant 21 ans. Leur relation débute en 1987, par correspondance alors que Fourniret purge déjà une peine de prison. Deux mois après sa libération, le nouveau couple s'installe dans l'Yonne et "l'ogre" commet son premier meurtre : Isabelle Laville, 17 ans, enlevée, violée et tuée à Auxerre. Il faudra attendre 2006 pour que son corps soit retrouvé au fond d'un puits.
Monique Olivier finit par demander le divorce en 2010, depuis sa cellule de prison. Ce n'est qu'en 2019 qu'elle formule des aveux et dénonce Michel Fourniret dans les affaires Domèce, Parrish et Mouzin, ouvrant la voie au procès de 2023.