Poules mortes accrochées à une écluse, menaces, insultes : attaqué pour sa gestion des inondations en Bourgogne, VNF dépose plainte

Le réseau Voies Navigables de France, qui gère les barrages et le canal de Bourgogne, est ciblé par des actes malveillants depuis les crues du week-end de Pâques. Le groupe a déposé plainte.

C’est une polémique qui enfle depuis la crue centennale du week-end de Pâques en Bourgogne. L'opérateur VNF, en charge des barrages de la région, a-t-il ouvert les vannes en pleine nuit sans prévenir les riverains en aval ? C’est ce que pensent de nombreux habitants sinistrés que France 3 a croisés, dès lundi 1er avril au matin, à Semur-en-Auxois notamment. “Il faut leur demander des comptes !” “Ils nous ont volontairement inondés !” a-t-on pu entendre au cours de notre reportage. Des riverains excédés, très énervés contre Voies Navigables de France. 

Pourtant, VNF a effectué plusieurs démentis pour expliquer ce qu’il s’était passé. Dès le mardi 2 avril, le directeur régional Olivier Fauriel expliquait que le débit était tout simplement trop important pour que le barrage retienne l'eau. "Quand les précipitations deviennent trop importantes, pour la sécurité de l’ouvrage, on doit permettre l’écoulement des eaux. Mais les débits qui sortent sont les mêmes que ceux qui entrent.” 

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VNF s'est à nouveau expliqué le lendemain, mercredi 3 avril, puis le surlendemain, jeudi 4. Mais ces explications n’ont, semble-t-il, pas suffi à calmer une partie de la population.

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Inondations de Pâques en Bourgogne : au barrage de Pont-et-Massène, en Côte-d'Or, lundi 1er avril ©Lisa Guyenne / France Télévisions

 

Des poules mortes accrochées à une écluse

Ce vendredi 5 avril, VNF annonce à France 3 Bourgogne avoir déposé plainte après une découverte macabre. 

"Jeudi matin, on a retrouvé des poules mortes accrochées à une écluse dans l'Yonne, du côté de Lézinnes", explique Nathalie Rouanet, adjointe à la responsable du canal de Bourgogne. 

Il n'y avait pas de tag ni de message laissé sur place, "mais c'est quand même relativement menaçant", déplore VNF. Le groupe a déposé plainte, dans l'après-midi, auprès de la gendarmerie de Tonnerre. Car cet acte n'était pas isolé.

Des agents pris à partie verbalement et sur les réseaux sociaux

Depuis les crues de Pâques, "il y a eu pas mal d'attaques verbales soit en face-à-face auprès des agents sur site, soit par messages malveillants ou diffamants sur les réseaux sociaux, certains mettant en cause individuellement des agents" dans l'Yonne et en Côte-d'Or, relate Nathalie Rouanet. 

Le barragiste en charge de l'ouvrage de Pont-et-Massène (en amont de Semur-en-Auxois, en Côte-d'Or) a notamment été visé, accusé d'avoir volontairement "inondé" l'aval.

"Il semblerait qu'il y ait eu un message "il faut faire la peau du barragiste" sur les réseaux sociaux."

Nathalie Rouanet

VNF

D'autres agents ont également reçu des coups de bâton sur leur voiture alors qu'ils circulaient le long du canal de Bourgogne. "J'ai moi-même reçu un appel assez long et me mettant en cause, m'accusant de m'en prendre aux pauvres gens et d'envoyer de l'eau depuis les barrages pour les inonder", ajoute Nathalie Rouanet. VNF se réserve le droit de déposer d'autres plaintes par la suite, et déplore ces attaques. 

"Au moment de la phase aigüe de crue, on pouvait comprendre la colère des sinistrés. Des gens désespérés qui cherchent un exutoire parce qu'ils ont tout perdu, c'est tout à fait compréhensible. Mais quand on est dans la phase de décrue et que ces actes se reproduisent, c'est à notre sens inadmissible"

Nathalie Rouanet

VNF

Voies Navigables de France rappelle que cet épisode de crue est considéré comme "centennal", c'est-à-dire qu'il ne se produit qu'une fois tous les 100 ans. Au cours du week-end de Pâques, férié, seuls 12 agents étaient mobilisés au départ. Au final, plus de 30 agents se sont relayés durant le week-end. "Le barragiste du lac de Pont a travaillé sur place pendant 28 heures d'affilée, surveillant minute par minute l'état de la situation pour éviter que le barrage ne rompe, sans envoyer plus d'eau qu'il n'en arrivait."

"Nos agents ont été soumis à un stress intense, dans une situation complètement inédite, mais on a réussi à limiter les dégâts. Il n'y a pas de pertes humaines. Minute par minute, les procédures ont été appliquées et respectées."

Nathalie Rouanet

VNF

De nombreux sinistrés se sont plaints de ne pas avoir reçu d'alerte dans la nuit, alors que plusieurs témoignages font état d'un niveau d'eau qui est monté brusquement autour de 3 heures du matin. VNF se justifie également sur ce point : "Dans l'ensemble des procédures, tout ce qui relève de la sécurité publique relève de la préfecture. Lorsqu'on dépasse certains seuils de crue, on alerte préfecture, DREAL et service de prévention des crues. Tous ces processus ont été appliqués, dans l'ordre."

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"On n'a pas fait de lâchers d'eau !"

Les gens nous disent : "Vous faites n'importe quoi, arrêtez de faire des lâchers d'eau", alors qu'on n'a pas fait de lâchers d'eau !" promet VNF. Lundi 1er avril, au barrage du lac de Pont, il faut dire que le spectacle était très impressionnant : l'eau s'écoulait en cascade furieuse, ce qui pouvait laisser croire à un lâcher d'eau.

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Inondations de Pâques en Bourgogne : au barrage de Pont-et-Massène, en Côte-d'Or, lundi 1er avril ©Lisa Guyenne / France Télévisions

"Mais en fait, il aurait fallu aussi voir l'entrée du barrage de Pont, en amont, au niveau de Brianny. Les gens auraient bien vu que le débit d'entrée était le même que le débit de sortie." En clair, l'inondation n'est pas due à l'ouverture des vannes... mais "simplement" au débit hors normes de l'Armançon ce week-end de Pâques.

"On ne communique pas assez"

Ce n'est pas la première fois que VNF reçoit des griefs, mais jamais aussi virulents. "On peut régulièrement être "accusés" de ne pas faire ce qu'il faut. Quand il n'y a plus d'eau, c'est que VNF a mal géré ; quand il y a des crues, c'est que VNF a mal géré... Surtout dans le secteur de l'Auxois, on est souvent mis en cause sur notre gestion de l'eau, sans doute parce qu'on ne communique pas assez", reconnaît Nathalie Rouanet.

"On sait qu'après ce retour d'expérience, il faudra qu'on communique de façon plus efficace vis-à-vis des populations sur notre rôle exact."

Nathalie Rouanet

VNF

Il faudra tirer donc tirer des leçons de cette crue centennale. Mais d'abord, l'heure est à l'état des lieux : VNF a également été touché par les inondations et doit vérifier l'état de ses installations. Un centre technique a partiellement été inondé, ainsi que les caves de certaines maisons éclusières où logent des salariés. De nombreux chemins de hâlage sont ravagés.

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