Témoignage. "J'avais confiance dans la justice". Une victime de violences conjugales raconte son calvaire

Publié le Mis à jour le Écrit par Mathis Lescanne et Claude Heudes avec Martin Fort
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TEMOIGNAGE. Alors que le 25 novembre est la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, une Icaunaise témoigne des violences de son conjoint et des difficultés judiciaires qu’elle a pour faire reconnaître les faits à la justice.

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Entre Sylvia (*) et son conjoint, l’histoire commence il y a presque trente ans : "je l’ai rencontré en boîte de nuit. Les débuts de la relation sont roses, mais elle se dégrade rapidement". Sylvia raconte que les violences psychologiques viennent en premier, sans pouvoir dater précisément leur apparition : "on commence par les accepter. Puis, après l’emprise psychologique, viennent les coups et les viols. Je vivais dans la peur".

Finalement, en septembre 2012, elle décide de porter plainte, loin de se douter que ce geste va donner un nouvel élan aux violences de son partenaire : "lorsque je porte plainte pour la première fois, j’avais confiance dans la justice. Mais je me suis retrouvée seule, sans que mes plaintes soient prises au sérieux. Et quand mon mari a su que j’étais allée à la gendarmerie, la violence a redoublé".

Un soir, il s’est emparé d’un tabouret, avec un regard noir sans humanité. Heureusement que ma fille était là pour me défendre sinon il m’aurait tuée.

Sylvia

Ses plaintes sont restées lettre morte, et l’un des gendarmes qui l’a reçue se permet une remarque qui la décourage totalement dans son combat : "il m’a dit que mon mari avait le droit de brûler la maison, même si j’y étais à l’intérieur. Croyez-vous que cela vous encourage à retourner à la gendarmerie ?"

Pourtant dans la maison familiale, les faits sont graves : "un soir, il s’est emparé d’un tabouret, avec un regard noir sans humanité. Heureusement que ma fille était là pour me défendre sinon il m’aurait tuée. Ma fille et moi avons été blessées". Elle ajoute : "je me suis dit, si tu ne pars pas de la maison, tu vas y laisser ta peau".

"Il y a certes une prise de conscience mais je pense que ce n’est pas suffisant"

Sylvia réussit finalement à s’extraire de l’emprise de son partenaire. Malgré des difficultés financières, elle loue un appartement grâce à l’aide d’une collègue de travail : "en déménageant, je pensais avoir la paix, mais il me poursuivait : un jour j’ai retrouvé un chat mort devant ma porte, un autre ma voiture a été saccagée. Là aussi, j’ai porté plainte, mais on ne m’a jamais cru, c’était sa parole contre la mienne et je passais pour la parano".

Malgré tout, Sylvia ne garde pas d’amertume contre les gendarmes : "je ne leur en veux pas, ils n’ont pas été préparés à entendre la déposition des femmes victimes de violences conjugales". Et c'est pour que cette situation change qu’aujourd’hui Sylvie accepte de témoigner et qu’elle a participé au Grenelle des violences conjugales l’année dernière. "Pourquoi ne pas former des gendarmes et des policiers spécifiquement sur le sujet des violences conjugales ? Les victimes auraient plus de chance de tomber sur des professionnels prêts à nous écouter", propose-t-elle, avant de tirer le bilan un an après la concertation organisée par le gouvernement. "Il y a certes une prise de conscience mais je pense que ce n’est pas suffisant. Je discute avec de nombreuses filles sur internet et je constate qu’il y a encore beaucoup de manques".

Beaucoup de personnes nous disent : "pourquoi n’êtes-vous pas parti plus tôt ?" Entendez ce que nous avons à dire avant de tenir ce type de propos.

Sylvia

Sylvia réclame deux mesures très précises : la protection des victimes : "ce que je souhaite, c'est que dès lors qu’il y a un dépôt de plainte, la victime ne puisse pas recroiser son bourreau", et l’accompagnement de celles qui veulent partir du foyer : "il faut les aider à trouver un logement. Partir oui, mais c’est compliqué avec des enfants".

Elle conclut : "beaucoup de personnes nous disent : «pourquoi n’êtes-vous pas parti plus tôt ?» Entendez ce que nous avons à dire avant de tenir ce type de propos". En 2019, 152 femmes sont mortes tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint selon le collectif Noustoutes.
 
(*) Le prénom a été modifié

 
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