L'Arkéa Ultim Challenge s'élancera de Brest ce 7 janvier 2024, une course entièrement dédiée aux maxi-trimarans de la classe Ultim. Sur la ligne de départ : 6 skippers bretons. Rencontre avec trois d'entre eux : Éric Péron, Anthony Marchand et Tom Laperche, lesquels s'apprêtent à réaliser leur premier tour du monde en solitaire.
L'agenda du Vendée Globe 1989 trône sur la petite table du salon. Éric Péron raconte qu'il l'a retrouvé en triant ses "affaires de jeunesse". À l’époque, quand les 13 skippers s'élancent pour la première fois depuis les Sables-d'Olonne pour un tour du monde en solitaire et vers l'inconnu, il a 8 ans. "Le fait d'avoir pu assister à cet événement a certainement semé une petite graine qui a tranquillement germé" analyse celui qui, le 7 janvier prochain, sera au départ de l'Arkéa Ultim Challenge-Brest.
"Se mesurer à soi-même"
Le skipper finistérien s'apprête à réaliser son premier tour du monde en solitaire dans une course qui plus est inédite et entièrement dédiée aux maxi-trimarans de la classe Ultim. Le bateau d'Éric Péron sera le seul à ne pas voler à 5 mètres au-dessus de l'eau. Peu importe.
Je coche la case dont je rêvais : participer à la première édition d'une course avec un défi plus grand que ce que j'imaginais
Éric PéronSkipper maxi-trimaran Adagio
Le marin est heureux de figurer parmi les six concurrents dont certains disent déjà qu'ils sont des "pionniers", à la manière de ceux qui ont émerveillé Péron voilà 33 ans. "C'est l'histoire de ma vie, cette course, confie-t-il. J'ai l'impression que je me suis préparé toute ma vie à quelque chose comme ça. J'ai construit mon chemin, étape par étape. Je coche la case dont je rêvais : participer à la première édition d'une course avec un défi plus grand que ce que j'imaginais".
Les regrets de n'avoir jamais pu s'engager sur le Vendée Globe ne le taraudent plus autant qu'avant. "Si cela s'est passé comme ça, ce n'est pas pour rien, dit-il, philosophe. J'ai l'opportunité d'être sur une course qui n'a jamais eu lieu, c'est presque mieux".
Je sais que je vais passer par toutes les émotions sur cette course
Éric PéronSkipper maxi-trimaran Adagio
Le maxi-trimaran Adagio est certes le plus ancien de la flotte de l'Arkéa Ultim mais "il est fiable". Et surtout, il a déjà opéré un tour du globe entre les mains de Thomas Coville, l'un de ses adversaires dans cette course. "On sait ce que ce bateau est capable de faire, souligne Eric Péron. Il sera moins rapide que les Ultim dernière génération en vitesse de pointe. En revanche, sur la longueur, il nécessitera moins d'engagement physique. J'ai tout de suite trouvé mes repères à bord. Ça a été naturel de naviguer dessus".
Éric Péron sait qu'il va en baver pendant ses 40 à 50 jours de course. "C'est quoi 50 jours dans une vie ?" sourit le marin qui se fixe comme objectif d'aller jusqu'au bout pour rentrer à Brest, son port d'attache. Après de longues années en équipage, le voilà désormais seul maître à bord. "La solitaire, c'est jouissif. C'est aussi le meilleur moyen de se mesurer à soi-même, remarque-t-il. Les émotions sont décuplées et je ne doute pas une seconde que je vais passer par toutes les émotions sur cette course".
Anthony Marchand. L'appel du large
Depuis son retour de la transat Jacques-Vabre en novembre dernier, où il a terminé à la 5e place avec son co-skipper Thierry Chabagny, Anthony Marchand a choisi de penser à tout sauf à la mer. "J'avais besoin de me reposer physiquement et mentalement, relate-t-il, de faire autre chose que du bateau pour avoir envie de repartir".
La famille, les amis, les balades ont émaillé son quotidien, loin du maxi-trimaran Actual qui, lui aussi, avait besoin d'un répit après cette transatlantique. Avant d'accepter de reprendre la barre du voilier en vue de l'Arkéa Ultim Challenge, le skipper a pesé le pour et le contre. "Je voulais creuser le sujet, savoir si j'étais la bonne personne pour cela, en discuter avec l'équipe et le sponsor. Je voulais être certain d'être heureux en mer et en sécurité car si j'ai déjà effectué un tour du monde en équipage, ce sera mon premier en solitaire".
"Doser l'effort "
Son maxi-trimaran détient, lui, le record du tour du monde en solitaire puisque c'est avec ce bateau que François Gabart, en 2017, a pulvérisé les compteurs en bouclant son parcours en 42 jours. "Ce ne sera pas un record, mais une course cette fois, note Anthony Marchand. Toutefois, cela rassure de savoir que le bateau, même s'il n'était pas dans la configuration d'aujourd'hui, a déjà fait ses preuves".
S'il mesure le bond technologique opéré par la course au large, le skipper garde intact son esprit de régatier. Avant le départ de Brest le 7 janvier prochain, Anthony Marchand a la tête froide "Je me protège de tout ce que j'entends autour de cette course, qu'il s'agit d'une nouvelle page de la voile qui s'ouvre. On se met suffisamment de pression comme cela pour en rajouter".
Je ne suis pas un marin qui brûle les étapes
Anthony MarchandSkipper maxi-trimaran Actual
Face à ce qu'Armel Le Cléac'h qualifie de "montagne encore plus haute que le Vendée Globe", l'important, selon Marchand, est de "doser l'effort. On part sur un ultratrail, là" ajoute celui qui aime les défis et qui a toujours eu dans un coin de la tête l'envie de réaliser un tour du monde en solo. "Cette course, c'est un rêve accessible, confie le navigateur. Elle est dans la continuité de ma carrière. 6 ans en Optimist, puis sur Laser, le circuit Figaro pendant 10 ans. Je ne suis pas un marin qui brûle les étapes. J'ai fait mes gammes dans toutes les séries. Mais je suis un jeune par rapport aux autres".
Tom Laperche. La soif de naviguer
Pour la première fois en course, il sera seul à la barre du maxi-trimaran SVR-Lazartigue. Du haut de ses 26 ans, Tom Laperche est le benjamin de l'Arkéa Ultim Challenge. Cependant, ne vous fiez pas aux apparences : le jeune homme en a sous la pédale.
Il nourrit une passion inconditionnelle pour le large depuis son plus jeune âge. "J'ai 26 ans mais cela fait quasi 26 ans que je navigue" raconte-t-il. Avec un père qui a disputé plusieurs fois la Solitaire du Figaro en multicoque et un grand-père maternel qui a participé à la course de l'Aurore (ex-Figaro), il ne pouvait que tomber dedans tout petit.
Sous l'aile de Gabart
On pourrait dire que les planètes se sont vite alignées pour Laperche depuis son entrée sur le circuit Figaro. À la faveur d'un stage de fin d'études chez MerConcept - l'écurie de course de François Gabart basée à Concarneau -, le futur ingénieur, qui rêve de multicoques, se trouve au bon endroit. Gabart le prend sous son aile et lui confie la barre du maxi-trimaran. "Je bénéficie de son expérience, affirme celui que l'on considère comme l'étoile montante de la course au large. Il m'aide et m'accompagne".
Champion du monde sur un mini-dériveur à 11 ans, 2e de la Transat Jacques-Vabre en 2021 et vainqueur de la Solitaire du Figaro en 2022, Tom Laperche se prépare depuis deux ans à l'Arkéa Ultim.
Une fissure découverte sur le bras avant tribord du maxi-trimaran, au retour de la dernière Jacques-Vabre fin novembre, a toutefois bien failli lui coûter sa place sur la ligne de départ. Mais le bateau sera prêt, assurent les équipes de SVR-Lazartigue et MerConcept.
L'envie d'aller voir ce que donnera ce grand trimaran dans les endroits où l'on ne va pas souvent
Tom LapercheSkipper maxi-trimaran SVR-Lazartigue
Le skipper, lui, trépigne d'impatience. "Pouvoir prendre le départ d'une course aussi ambitieuse et inédite, c'est plus qu'un rêve, confie-t-il. Il y a l'envie d'aller voir ce que donnera ce grand trimaran dans les mers du Sud, dans ces endroits où l'on ne va pas souvent. Le bateau est conçu pour cela et c'est un grand privilège de le barrer sur ce tour du monde en solitaire".
Toutes les informations sur la course sont à retrouver sur notre page événementielle et toutes les plus belles images sur la plateforme France.tv
(Avec Gwenaëlle Bron)