ENQUÊTE. "Modes d'emplois". Changer de métier, le grand bal des inégalités

Laurence a mis trois ans, Marion ne sait toujours pas ce qu’elle va faire et Gaëlle s’est vu refuser son projet… Se reconvertir, ce n’est pas si facile, et ce n’est pas forcément un choix. Entre la pêche à l’information, le labyrinthe des accompagnements et la galère des financements, se former pour bifurquer relève de la course d'orientation, et encore plus pour les moins qualifiés. C'est 5ème volet de "Modes d'emplois", une enquête qui déboulonne les idées reçues sur le monde du travail.

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Il y a encore quelques mois, elle ne s’imaginait pas derrière un établi, au milieu des copeaux et des rabots. Il est 8 h et, aux côtés des onze autres apprentis ébénistes, à la chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) de Fougères, en Ille-et-Vilaine, Aurélie Lafaix est lancée dans une opération un peu particulière. Avec ce qui ressemble à un scalpel, elle peaufine son damier en bois. " C’est notre projet de fin d’année", s'enthousiasme la doyenne du groupe qui fait " de la chirurgie".

À tout juste quarante ans, Aurélie a entrepris un long voyage pour changer de métier. Il lui a fallu traverser une nébuleuse de sigles : guidée par un conseiller en évolution professionnelle (CEP), elle a débloqué les sous de son compte personnel de formation (CPF) puis a monté un dossier pour un projet de transition professionnelle (PTP) avant de débarquer en formation un an après, en septembre 2022, à la CMA de Fougères.

Comme six de ses camarades, la juriste de formation compte parmi les " reconvertis". Ceux et celles pour qui le Covid a été " l’élément déclencheur", l’occasion de faire le point sur l’utilité de leur travail. La crise sanitaire l’a complètement déstabilisée lorsqu’elle assurait sa fonction de responsable de service dans une association du secteur médico-social en Ille-et-Vilaine : " J’ai été confrontée à des situations très compliquées. Des gens n’avaient plus de rendez-vous avec leur psychiatre, ne pouvaient plus accéder à leur traitement ou à une aide-ménagère."

Un salarié sur dix a changé de métier

Dans la continuité des confinements à répétition, durant lesquels chacun aurait remis en question son rapport au travail, tout le monde croit qu’il est aisé de se reconvertir. On le lit d’ailleurs un peu partout, par exemple, ici : "On va tous changer de métier plusieurs fois dans notre vie". Pourtant, les reconversions ne datent pas d’hier et leur nombre n’explose pas : elles concernent environ un salarié sur quatre.

"Modes d'emplois"
Le Français n’est plus bosseur ; tout le monde peut s’épanouir en télétravail ; l’intérimaire profite trop du système ; on peut se reconvertir comme on respire ; les femmes accèdent désormais à tous les métiers… Petit florilège d’idées reçues sur le marché du travail, que les étudiant·e·s du master “Journalisme, reportage et enquête” de Sciences Po Rennes interrogent en cinq volets.“Modes d’emplois” tente de démêler le vrai du faux, et prend le contrepied des préjugés.
- Le télétravail, les salariés le réclament, les entreprises en profitent (1/5)
- La face cachée du quiet quitting (2/5). 
- Les intérimaires "tout puissants", un mirage qui cache la précarité (3/5).
- Pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre, le mirage de la parité (4/5).
- Changer de métier, le grand bal des inégalités (5/5).

Les premiers changements de métiers de grande ampleur, qui sont surtout des reconversions subies, s’amorcent dans les années 1950 et 1960 à la suite d’importants plans de suppression d’emplois, aggravés par la crise pétrolière de 1973. "On ne parlait pas encore de reconversion. L’idée c'était qu'il y a des entreprises qui ferment, que les salariés ne peuvent pas rester dans ces secteurs, donc il faut qu’ils aillent ailleurs", retrace Damien Brochier, socio-économiste au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) à Marseille.

Puis à partir des années 1990, les pouvoirs publics commencent à reconnaître et à soutenir les reconversions choisies. Les premiers droits individuels à la reconversion et à la formation, tels que le bilan de compétences, le congé individuel de formation et plus récemment le compte personnel de formation font leur apparition, pour élargir les choix professionnels de chacun. Ces outils portent en eux une logique de "responsabilisation" des individus, inscrite dans la dernière loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Il est difficile de se procurer des statistiques sur l’évolution des reconversions en France. Seuls les organismes qui financent des dispositifs d’aide mesurent la réalité de ce phénomène. C’est le cas de France Compétences, un établissement public sous tutelle du ministère du Travail, créé en application de la loi de 2018 pour fusionner les administrations chargées de la formation. Sorte de grand trésorier de la reconversion, il "assure le financement, la régulation et l’amélioration du système de la formation professionnelle et de l’apprentissage".

En 2022, France Compétences a dévoilé une étude réalisée par BVA relativisant le nombre des reconversions professionnelles : entre 2016 et 2021, un salarié sur quatre s’est reconverti et un sur dix a changé de métier. Les autres ont reçu une promotion au sein de leur entreprise d’origine ou sont passés du statut de salarié à celui d’indépendant, ou inversement.

L’association Centre Inffo, rattachée au ministère du Travail, a publié fin mars 2023 des données similaires. Tous les ans, elle élabore un baromètre sur la formation professionnelle en partenariat avec l’Institut de sondage CSA. Parmi les quelque 1 600 actifs interrogés en janvier 2023, 21 % préparaient une reconversion professionnelle, soit un actif sur six. Cette proportion est stable depuis deux ans.

Les moins qualifiés à la peine

Pour les salariés peu qualifiés, l’origine de la reconversion est bien spécifique. Elle découle souvent "de difficultés rencontrées sur le marché du travail", après un plan de licenciement économique par exemple, éclairent Josiane Véro et Camille Stéphanus, socio-économistes au Céreq, dans une enquête intitulée Se reconvertir, c’est du boulot ! Elle est plutôt contrainte que réellement choisie et est liée, entre autres, à de mauvaises conditions de travail. "Le rapport à la reconversion est plus ici une affaire de sécurité liée à l’emploi et au salaire", affirment les deux chercheurs.

À partir des études Defis réalisées par le Céreq entre 2015 et 2019, ils ont analysé les raisons qui poussent à prendre un virage dans sa carrière, selon son niveau de qualification. En 2015, la reconversion était envisagée par 33 % des salariés. Les moins qualifiés aspirent le plus à ce changement (39 %), contre 32 % des employés et ouvriers qualifiés et 29 % des cadres et professions intermédiaires. Tous ont en commun le fait d’être insatisfaits de leur situation professionnelle. L’origine de cette insatisfaction n’est pas la même pour tous.

Plus nombreux à rêver d'une autre vie professionnelle, les salariés les moins qualifiés ont néanmoins moins de chance d’y parvenir et d’accéder à un emploi stable. Sur cent employés non qualifiés qui pensaient à la reconversion en 2015, seuls trente-et-un l’ont réalisée en 2019, contre trente-neuf pour les cadres et professions intermédiaires, selon les données de Josiane Véro et Camille Stéphanus. En fonction de sa catégorie socioprofessionnelle, on peut donc être rapidement découragé à l’idée de se reconvertir.

À Malestroit, dans le Morbihan, Gaëlle Longeard voudrait bien faire partie du club des reconvertis. À 42 ans, elle souhaite bifurquer dans le secrétariat médical, après plusieurs années d’expérience en tant que cuisinière dans une clinique, mais elle n’y parvient pas. Elle et son conjoint, qui est aussi son collègue en cuisine, sont d'astreinte un week-end sur trois. Ce qui l'empêche d'avoir une vie de famille épanouie. "Si je veux me reconvertir, c'est pour mes enfants", explique-t-elle. Elle a, par ailleurs, contracté une tendinite au bras à cause des tâches répétitives induites par son travail. Changer de voie est donc une nécessité pour Gaëlle.

Faire le deuil de son métier

Parfois, c’est même une question de survie. Employée de commerce à Vitré, en Ille-et-Vilaine, Cindy D. a obtenu un arrêt de travail de huit mois à partir de début 2021. "Il y a deux ans je travaillais beaucoup, mais je ne me rendais pas compte que j’avais des soucis de santé", se rappelle, sans entrer dans les détails, celle qui est désormais en congé maternité. Au bout de trois mois, elle est contactée par la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) à Rennes. La trentenaire au franc-parler doit passer à autre chose. Comme toutes les personnes arrêtées longtemps et pour lesquelles l’état de santé est un frein de retour à l’emploi, elle est accompagnée par cet organisme privé qui dépend de l’Assurance maladie. Généralement, les médecins orientent directement les assurés vers la Carsat.

Thomas Bouffort, assistant social, y suit ces salariés qui "souffrent de pathologies chroniques invalidantes comme le cancer ou la sclérose en plaque, d’épuisement professionnel, de troubles musculo-squelettiques ou psychiques". Selon les données communiquées par la Carsat Bretagne, presque un quart des assurés en reconversion viennent du secteur de l’activité commerciale, 18 % du milieu de la santé et environ 13 % de l’industrie manufacturière.

"Le risque de licenciement post-arrêt maladie, noté par le médecin du travail, fait qu’on accompagne vers la reconversion ces personnes en situation de fragilité", mentionne Thomas depuis le siège de l’Assurance maladie à Rennes. En collectif, des ateliers sont organisés pour les assurés qui essaient de s’imaginer une autre vie professionnelle. Après ce processus de quelques mois, Cindy est arrivée en formation dans le secrétariat, non sans mal : "Il fallait que je fasse le deuil de mon ancien emploi. J'ai mis du temps. Il m’a même fallu dire au revoir à mon employeur."

À la Chambre des métiers et de l’artisanat de Fougères, commune de plus de 20 000 habitants, Aurélie Lafaix et ses camarades sont plus réjouis à l’idée de tourner la page, parce qu’ils l’ont choisi. "Depuis le Covid, on a des profils en reconversion avec des niveaux d’études très élevés qui veulent revenir à de la matière, à du concret", assure Claire Grangette, la responsable des filières bâtiment, bois et alimentation.

Alexandre Bartos, le formateur d’Aurélie en ébénisterie, l’a remarqué : "Cela se voit avec l’ouverture des formations ‘connexes’, pour des personnes qui ont au moins le bac." La Chambre des métiers propose depuis peu des certificats d’aptitude professionnelle (CAP) spéciaux qui durent seulement un an, au lieu des deux habituellement. Ils permettent aux personnes dotées d’un niveau de qualification minimum de ne pas suivre les cours de mathématiques ou de français.

Redonner du sens à son travail - ce qu’espèrent la plupart des apprentis-ébénistes en reconversion à Fougères - n’est cependant pas l’affaire de tous. Selon Josiane Véro et Camille Stéphanus, dans leur enquête de 2022 pour le Céreq, les cadres et professions intermédiaires ont davantage le privilège de pouvoir y songer. Ils précisent que " leurs reconversions semblent mieux préparées et maîtrisées que celles des autres catégories de salariés". Souvent elles répondent à des "décalages entre les aspirations individuelles et le travail lui-même". Par exemple, au fait de " ne plus être en porte-à-faux avec sa vie personnelle" ou encore à "une recherche d’épanouissement". En substance, "un travail et une vie qui aient du sens", concluent les deux chercheurs de Marseille.

Dans les méandres de l’info

Qu’elle soit contrainte ou volontaire, il convient ensuite de trouver comment mener à bien sa reconversion. Entre les organismes qui aident à la construction d’un projet professionnel, les dispositifs qui financent la reconversion et les centres de formation, on peut se sentir vite débordé par la multitude d’acteurs et de pistes. " L’une des principales difficultés concerne l’accès à l’information", soutient Stéphane André, responsable de l’accompagnement des parcours à l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) de Rennes.

De surcroît, le chemin n’est pas le même pour tous, en fonction de son statut (demandeur d’emploi, salarié du privé, travailleur indépendant, etc.) et des spécificités de certains publics (moins de 26 ans, cadres, travailleurs handicapés, etc.). Pour y voir plus clair, les aspirants à la reconversion peuvent être guidés grâce au dispositif du Conseil en évolution professionnelle (CEP), renforcé en 2018 par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Encore faut-il réussir à identifier l’organisme correspondant à son profil ! Pôle emploi pour les demandeurs d’emploi, les missions locales pour les moins de 26 ans, Cap emploi pour les personnes en situation de handicap, l’Apec pour les cadres, et des opérateurs locaux comme Catalys Conseil pour les travailleurs indépendants et les salariés du privé.

"Le CEP permet d’avoir un interlocuteur unique qui fait un diagnostic de la situation, identifie les relais possibles et met la personne en relation avec les bons interlocuteurs", liste Emmanuelle Sohier, directrice du projet CEP chez Catalys Conseil, l’un des cabinets indépendants habilités par l’État pour fournir ce service public gratuit.

À la Cité des métiers de Ploufragan (Côtes-d’Armor), on reçoit aussi des candidats à la reconversion, un peu déboussolés : " On est souvent la première source d’information, s'est aperçu Julie Daguin, conseillère à la vie professionnelle. En général, les gens qui arrivent ici ne savent pas par où commencer. Ils connaissent très peu les différentes étapes, interlocuteurs, dispositifs, aides…"

Quand les candidats ont un objectif plus défini, comme un projet de CAP, les centres de formation comme l’Afpa, les Groupements d’établissements publics locaux d’enseignement (Greta), les Centres de formation d’apprentis (CFA) et les Chambres des métiers et de l’artisanat (CMA) peuvent les aider à constituer leurs parcours, avant même de les accueillir pour les former.

La région Bretagne, qui dispose de la compétence de formation des demandeurs d’emploi, a son rôle à jouer. " Depuis 2018, la Région est chargée de rendre accessibles les ressources d’information sur les métiers, les formations et les emplois, expose Olivier Gaudin, directeur du développement des formations et des compétences à la Région. C’est dans cette mission que s’inscrit Ideo, le site régional d’information et d’aide à l’orientation." S'y ajoutent, sur le territoire breton, six centres “Emploi-Formation-Orientation” proposent une information personnalisée sur les aides à la formation professionnelle.

En parallèle, de nombreuses entreprises privées captent en partie le marché de la reconversion et offrent divers services, comme des bilans de compétences ou des séances de coaching personnalisées. 

Les plus précaires, les moins accompagnés

Se pose aussi, parfois, la question de la qualité et de la densité de l’accompagnement. Laurence Meuric peut en témoigner. Cette habitante des Côtes-d’Armor est salariée dans le tourisme lorsqu’elle décide en 2016 de se reconvertir dans un tout autre secteur : le secrétariat et la comptabilité. Cette résolution fait suite au diagnostic d’une fibromyalgie, une maladie chronique qui affecte son système nerveux. Elle est forcée de chercher un emploi adapté car elle ne peut plus " supporter les horaires décalés et les longs trajets".

La quinquagénaire est suivie par un conseiller en CEP dont elle regrette le manque de soutien : " J’ai trouvé une formation de secrétariat et comptabilité à Lannion mais j’ai dû négocier car il ne voulait pas trop au départ. Pour lui, c’était changer totalement de voie et il y avait donc peu de chance de réussite. Par contre, il m’a proposé des métiers comme maçonne, caissière… Alors qu’avec ma fibromyalgie, ce n’était pas possible."

Laurence finit par le convaincre et s’apprête à commencer la formation. Sauf que le centre où elle doit l’effectuer lui apprend qu’elle doit remonter un dossier à la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) afin de débloquer les subventions de la région Bretagne. Ce qui ne lui avait pas été signalé par son conseiller. La constitution du dossier prend plusieurs mois et l’oblige à attendre la session suivante, en 2019. " En tant que travailleur handicapé, on est censé bénéficier d’un accompagnement privilégié, mais en fait ce n’est pas trop le cas", constate amèrement la salariée. Finalement, sa reconversion a pris trois ans. Aujourd’hui, Laurence est comptable à la Direction générale des finances publiques (DGfip) à Guingamp.

"L’écosystème de la reconversion est très aidant mais très compartimenté, décrit Vincent Bourdin, responsable du pôle information expertise de Transitions Pro à Rennes, administration qui finance les projets de reconversion. En fonction de leur statut, les personnes sont orientées de Pôle emploi vers nous. Puis nous les adressons aux conseillers en évolution professionnelle. Ce mode de fonctionnement multi-guichets fait que c’est compliqué de s’y retrouver. Mais c’est possible."

Possible oui, mais des disparités importantes existent selon le niveau de qualification ou le statut dans l’emploi. Les bénéficiaires du CEP en Bretagne sont majoritairement les plus qualifiés : "Les travailleurs qui n’ont pas le bac sollicitent moins le service par rapport à ce qu’ils représentent dans la population active, regrette Emmanuelle Sohier, de Catalys Conseil. Alors qu’ils en ont généralement le plus besoin, notamment pour monter en certification, avoir un titre plus élevé et anticiper des risques sur l’emploi. À l’inverse, les niveaux bac et bac +2 sollicitent plus le CEP." Les salariés en CDD ou en intérim utilisent également très peu cette aide.

Outre le CEP, la loi de 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel a simplifié l’usage du Compte personnel de formation (CPF), en ôtant la nécessité de passer par des institutions. Là aussi, les inégalités sont notables : " Sur le CPF, la loi permet aux gens d’être plus autonomes et de rendre accessible la formation. Mais c’est beaucoup plus facile pour des gens qui sont au courant, qui savent analyser un programme de formation, qui savent identifier les compétences dont ils ont besoin. Pour ceux qui n’ont pas ces connaissances-là, ça peut être un peu plus compliqué", estime Stéphane André de l’Afpa Rennes.

Selon Damien Brochier, socio-économiste au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) à Marseille, " cette évolution s’inscrit dans un continuum, dans la suite logique des politiques engagées depuis les années 1990 qui visent à rendre l’individu acteur de sa reconversion". 

Dossier "hyper dense" et critères pas clairs

Une fois le projet bien défini, avec ou sans accompagnement, la myriade de dispositifs de financement sème le trouble. Pour les salariés du privé, les acteurs clés sont les Transitions Pro, centres régionaux mandatés par l’État pour cette mission. Leur principal dispositif : le projet de transition professionnelle (PTP). Il permet de payer une formation, tout en restant salarié dans son entreprise et donc de maintenir sa rémunération.

L’objectif des Transitions Pro est d’aider en priorité les moins qualifiés. Sur le terrain, c’est une autre histoire : "On touche malheureusement trop peu les salariés les moins qualifiés, comme les ouvriers ou les employés qui ont un niveau CAP maximum, admet Vincent Bourdin, du pôle information expertise de Transitions Pro à Rennes. On a encore du travail à faire, c’est notre objectif principal. On développe les partenariats pour présenter nos dispositifs directement dans les entreprises, on fait des présentations dans les centres commerciaux…"

Pour valider un projet de transition, les salariés constituent un dossier qui est évalué par une commission, composée de représentants syndicaux, salariés et patronaux. Une vingtaine de questions doivent permettre à cette commission d’accorder le financement sur la base de trois critères : la cohérence du projet, la pertinence de la formation et la perspective de trouver un emploi.

Aurélie Lafaix, en CAP ébénisterie et menuiserie à Fougères, a surmonté cette épreuve : " C’est un dossier hyper dense qui nécessite une bonne maîtrise de l’argumentation et de la langue française." Il faut notamment justifier de sa volonté de changer de voie, expliquer en quoi son projet est en adéquation avec ses besoins et sa vie personnelle ou encore lister les professionnels contactés et décrire les conditions d’embauche.

"On a conscience que le dossier est compliqué mais on est contraint au niveau national, reconnaît l’expert de Transitions Pro. On travaille dans un cadre défini par France Compétences. On essaie d’accompagner les personnes au maximum. On organise des ateliers, on est disponible au téléphone, on dirige les personnes vers le CEP, on fait des tutoriels en ligne… À la réception des dossiers, si on voit qu’une question n’est pas assez argumentée, on le signale. Mais ce n'est pas forcément suffisant."

Cette préparation inquiète la dynamique Audrey*, âgée de 35 ans. Salariée depuis une dizaine d’années, elle ambitionne de devenir "sa propre patronne" en embrassant un métier passion. Lors de la constitution de son dossier PTP, dossier qu’elle juge "déconnecté de la réalité", elle aurait espéré compter sur une aide plus importante de la part de Transitions Pro : " C’est de l’explication plus que de l’accompagnement." La jeune femme n’a eu qu’un seul rendez-vous par téléphone avec l’organisme et aucun interlocuteur direct. Elle a eu accès à des ateliers en ligne, ouverts à tous les candidats.

"Dans la loi, Transitions Pro est un gestionnaire de dispositifs. On est seulement chargés de financer les formations. Pour l’accompagnement, on oriente vers le CEP. Souvent, on va plus loin, on explique ce que la commission attend", se défend Vincent Bourdin. Avant l’examen de son projet professionnel, Audrey doit en tout cas "monter une candidature béton", car la profession à laquelle elle aspire ne fait pas partie des " métiers prioritaires".

Ce critère a scellé le sort de Gaëlle Longeard. "On entreprend beaucoup pour pas grand-chose", résume avec fatalité cette cuisinière dans une clinique à Malestroit, dans le Morbihan. "Pas grand-chose", ou plutôt rien du tout.

Début 2023, la commission de Transitions Pro Bretagne a recalé son dossier de financement pour une reconversion dans le secrétariat médical. " Je n’avais soi-disant pas fait assez de prospection métiers, c’est-à-dire des recherches sur des potentiels postes une fois formée. J’ai appelé Transitions Pro pour leur dire que je travaillais dans le milieu hospitalier et que je connaissais des gens, mais ils voulaient des promesses d’embauche…"

"Ne posez pas de recours, ça ne sert à rien"

Le problème, c’est que cette maman de quarante-deux ans vise un métier qui ne figure pas dans la liste des trente-trois métiers à forte perspective d’emploi, que Transitions Pro Bretagne actualise régulièrement. Vincent Bourdin clarifie la méthodologie utilisée pour établir cette liste : "On a choisi les indicateurs du ministère du Travail, de la Dares. À partir de ça, on fait un classement du plus au moins tendu. Il est limité."

Pour Damien Brochier, chercheur au Céreq, la volonté d’orienter les reconversions vers les secteurs qui ont des besoins de main-d’œuvre est à la fois récente et logique. Même si, à ses yeux, la distinction entre les secteurs en tension n’est pas si évidente : "Il n’y a pas forcément d’un côté des secteurs en difficulté et de l’autre des secteurs porteurs d’emploi. Cela dépend d’où on se place. Du côté des entreprises ? Des bassins d’emploi ?"  Cette évolution implique une prise en compte plus aboutie des destinations de chacun : " Cela va plus loin qu’une simple aide à la formation. Transitions Pro va jusque dans la finalisation des projets en nouant des partenariats avec des entreprises qui embauchent."

Dans l’idée, cela assure l’accès à l’emploi, à l’issue de la formation suivie. Dans la réalité, cela freine certaines reconversions qui pourraient aboutir. Même si Vincent Bourdin, de Transitions Pro à Rennes, nuance cet écueil : "Avoir des projets en dehors de cette liste n’est pas un problème. On peut quand même les financer mais il faut démontrer, en argumentant, qu’il y a des perspectives d’emploi."

Gaëlle Longeard, qui se rêve toujours en secrétaire médicale, s’est employée à cet exercice, en vain. Lorsque son dossier a été recalé et qu’elle a voulu déposer un recours, Transitions Pro le lui a déconseillé, à sa grande surprise. "On m’a dit que ça ne servirait à rien. Alors que cette fois, j’avais des possibilités d’embauche concrètes", déplore-t-elle.

Au-delà du métier choisi, l’incitation à déposer un recours est aussi conditionnée au caractère prioritaire du candidat. "Si la personne a un niveau bac, n’a pas un métier prioritaire avec un CDI dans une grosse entreprise, elle aura moins de possibilités d’obtenir le financement", concède Vincent Bourdin au sujet de Gaëlle.

La situation personnelle ou la tendinite de la cuisinière n’ont pas non plus été prises en considération par la commission de Transitions Pro. Son trouble musculo-squelettique (TMS) n’est pas reconnu comme une maladie professionnelle. Pour que son profil soit prioritaire, Transitions Pro a besoin d’un certificat prouvant qu’il y a un risque d’inaptitude. Ce qu’elle n’a pas. Elle passe donc sous le radar.

Quand le changement de métier s’impose à quelqu’un, ce n’est pas un critère pour Transitions Pro, sauf problématique de santé. "D’après les textes qui régissent le fonctionnement du dispositif, on n’est pas plus prioritaire quand on subit sa reconversion que quand on la choisit", relève Vincent Bourdin. 

"C’était un peu le loto"

Quant aux autres facteurs étudiés pour octroyer un financement, ils s’avèrent parfois énigmatiques. Aurélie Lafaix, en reconversion dans l'ébénisterie, s’en est étonnée lors de l’examen de son dossier par Transitions Pro en 2022 : " Il a d’abord été refusé lors de la commission du mois de juin, car il n’y avait pas le budget. Apparemment, ils ont une enveloppe mensuelle et ce mois-là, il y avait trop de dossiers. J’ai fait appel de la décision et au mois de juillet, il a été admis. C’est un peu le loto qui fait que le dossier est accepté ou pas."

Pour elle, si les aspirants-reconvertis détenaient cette information, ils déposeraient leur dossier tous les mois. Le motif budgétaire opposé à Aurélie par Transitions Pro n'existera cependant plus à l’avenir. "Cette personne a bénéficié d’une possibilité qui n’existe plus aujourd’hui. Lorsqu’un refus pour motif budgétaire intervient, le recours a peu de chance d’aboutir sauf s’il comporte des éléments nouveaux, comme un cofinancement ou un  aménagement du parcours. Avant c’était possible, mais cela n’aura plus lieu", annonce Vincent Bourdin, au siège de Transitions Pro Bretagne à Rennes.

Les subventions allouées aux antennes de Transitions Pro par l’État, via France Compétences, sont actuellement dans le viseur de la Cour des comptes. Le dispositif du projet de transition professionnelle (PTP) coûte cher : le montant moyen d’un dossier est de 28 000 euros. Le budget annuel à Transitions Pro Bretagne, qui va de 18 à 20 millions d’euros, donne le feu vert au financement de six-cents à sept-cents projets par an dans toute la région.

La Cour des comptes mettait en garde, dans son rapport annuel de 2021, contre ce système onéreux : "Une attention plus grande devrait être portée au suivi de la santé financière des organismes associatifs [comme Transitions Pro]. La qualité des systèmes d’information et des ressources humaines sont également deux points de vigilance à souligner."

En mars 2021, un avis du Conseil économique social et environnemental (CESE) pointait du doigt, à rebours de la Cour des comptes, la diminution drastique des moyens financiers attribués aux Transitions Pro. Quand la loi de 2018 a institué le projet de transition professionnelle (PTP), pour succéder au congé individuel de formation, le budget est passé "de plus d’un milliard d’euros à moins de cinq-cents millions", dit le CESE. Plus loin, les auteurs de l’avis interpellent : "Les limitations de financement du CPF transition professionnelle conduisent à s'interroger sur la réalité de ses ambitions."

Le carcan du public

"Votre vie professionnelle est-elle alignée avec qui vous êtes ?" Marion Corbineau tente depuis plusieurs mois de répondre à cette question existentielle posée par le bilan de compétences qu’elle effectue à distance, dans le salon de son pavillon aux murs rouges dans le Morbihan. Cette mère de famille en est à la troisième phase, la "validation du projet". Projet qu’elle n’a toujours pas déterminé, pour son plus grand désespoir. Elle fait défiler sur l’écran de son ordinateur les questions et quiz auxquels elle a répondu jusqu’à maintenant.

Après quinze années à porter la casquette de cheffe de service dans la petite enfance à Malestroit, la quadragénaire n’est "plus capable de travailler". En décembre 2022, elle subit un accident vasculaire cérébral. Le diagnostic tombe : elle est victime d’épuisement professionnel, communément appelé "burn-out". Elle vit maintenant avec des troubles de la concentration et de la mémoire. Il lui faut penser à autre chose et penser, donc, reconversion.

Sauf que Marion a un statut un peu particulier : elle est fonctionnaire territoriale. Et quand on est fonctionnaire, "la reconversion n’est clairement pas prévue au programme".

Dans la fonction publique, les reconversions subies, si elles sont reconnues - par exemple à la suite d’une inaptitude au travail - sont accompagnées au moyen de dispositifs de reclassement. A contrario, quand on souhaite changer de métier et être aidé dans sa réflexion, le cadre est beaucoup plus contraignant. Même si la loi de 2018, qui institue le Conseil en évolution professionnelle, concerne aussi la fonction publique. Les trois corps (fonctions publiques d’État, hospitalière et territoriale) sont tenus d’en proposer.

"Ce n’est pas parce qu’on a vu à la télé qu’il y avait des formations pour devenir décorateur d’intérieur en trois mois que c’est si facile que ça. Cela nécessite un vrai engagement", prévient Isabelle Landré-Mercier, responsable de l’activité parcours du Centre de gestion de l’Ille-et-Vilaine.

Dans la fonction publique territoriale, les Centres de gestion (CDG) sont chargés du recrutement et de la formation au niveau départemental. Ils offrent du conseil en évolution professionnelle. Cela prend la forme de "réunions d’information collectives". Marion Corbineau a participé à l’une d’elles au CDG du Morbihan. Cette étape sert avant tout à mettre en garde les fonctionnaires qui voudraient prendre un autre chemin, hors de la fonction publique. "On leur explique que ce n’est pas une décision qu’on prend sur un coin de table. Il faut accepter de prendre une dispo (donc, sans salaire) ou démissionner si on veut aller dans le privé", poursuit Isabelle Landré-Mercier.

Ces mises en garde peuvent quelquefois dissuader. Marion Corbineau, elle, avait contourné le Centre de gestion en décidant de suivre un bilan de compétences via une plateforme privée en ligne. Les CDG en proposent également. L’ancienne salariée de la petite enfance craignait qu’ils soient " trop orientés fonction publique". Celui d’Ille-et-Vilaine assume cette inclinaison : "Forcément, nous connaissons bien l’environnement territorial donc les informations que nous donnons sont ciblées sur nos métiers, les spécificités de la fonction publique territoriale, les différents types de collectivités employeurs..."

Les agents qui songent à la reconversion peuvent, s’ils veulent pousser la réflexion, s’inscrire à "deux à trois ateliers thématiques puis à deux rendez-vous individuels de deux heures maximum pour mûrir et valider leur projet professionnel". Et après ? Si quelqu’un se destine au métier de boulanger, par exemple ? "On ne va pas aller jusqu’au bout avec lui. On va lui offrir les jalons principaux et en fonction du métier envisagé, l’orienter vers d’autres organismes plus adaptés", répond Isabelle Landré-Mercier, du centre de gestion 35.

Elle impute l’accompagnement insuffisant aux trop faibles moyens accordés à la reconversion. Dans son centre, une seule "conseillère formation-mobilité assure cette fonction de CEP et répond aux demandes des agents territoriaux des collectivités qui n’en disposent pas, précise-t-elle. Mais elle n’est pas dédiée au CEP à temps plein".

Droits limités des fonctionnaires

Si concevoir sa route en dehors de la fonction publique passe pour un pari un peu fou, alors espérer décrocher le financement de sa reconversion est quasiment impossible. Seuls deux dispositifs, en théorie, sont mobilisables pour les fonctionnaires : le compte personnel de formation (CPF) et le congé de formation professionnelle (CFP).

À la différence du secteur privé, le CPF n’est pas monétisé pour les fonctionnaires. Chacun débloque vingt-cinq heures de formation par an, pour un montant maximum de cent-cinquante heures. Le quota est d’abord prévu pour évoluer dans la fonction publique. "On ne se reconvertit pas en cent-cinquante heures", déplore Marion Corbineau.

Dans la cité portuaire de Lorient, quatrième ville la plus peuplée de Bretagne, Elizabeth, qui ne souhaite pas donner son nom de famille, est enseignante. Elle a vite compris les limites des droits dont disposent les fonctionnaires en matière de reconversion. " Il y a des lois et après, sur le terrain, ce n’est pas applicable", résume-t-elle à la terrasse d’un café de la rade, à côté de l’imposante ex-base sous-marine. Dans l’Éducation nationale, "l e CPF n’est débloqué que quand la formation les intéresse".

Il y a deux ans, Elizabeth, comme Marion, a fait un burn-out. Elle l’attribue à une perte de sens " entre la demande de l’institution et ce qui est réalisable concrètement". L’enseignante de 52 ans a été à même de prendre une année de " dispo" en 2021 pour réfléchir à une reconversion.

Dans l’absolu, elle aurait pu se projeter dans un congé de formation professionnelle. Sorte d’équivalent du projet de transition professionnelle dans le public, il est limité - comme le CPF - à une durée maximale de trois ans. Dans les faits, peu de fonctionnaires arrivent à négocier une formation en dehors de la fonction publique. "Il y a peu d’élus. Si tu demandes une formation de psychologie par exemple, il faut en moyenne dix ans pour l’obtenir. Si avant toi, quelqu’un demande une formation qui intéresse l’Éducation nationale, il est prioritaire", se désole la Lorientaise, qui n’a même pas tenté sa chance. 

La démission, comme (seule) solution ?

Faute de dispositifs accessibles quand on veut bifurquer dans le privé, les fonctionnaires doivent compter sur leurs propres ressources, quand ils en ont. La Communauté de communes, pour laquelle travaille Marion Corbineau, à Malestroit, a pris en charge la moitié du coût de son bilan de compétences, soit environ huit-cents euros. Pour elle, ce soutien financier dépend malgré tout "du bon vouloir de l’employeur".

Chaque collectivité fonctionne, en effet, selon sa propre politique, ou plutôt sa supposée politique, en matière de financement des formations, bilans de compétences et CPF. " Certaines inscrivent dans un règlement de formation le fait qu’elles acceptent de financer un ou deux bilans de compétences tous les dix ans par exemple. Mais ce n'est pas le cas partout et il n'est pas détaillé de la même manière", accorde Isabelle Landré-Mercier, du centre de gestion d’Ille-et-Vilaine.

Pendant son année de disponibilité, Elizabeth a réalisé un bilan de compétences avec une psychologue à Lorient. Elle l’a payé entièrement de sa poche et a dû débourser huit-cents euros. Elle aurait pu faire appel à un " conseiller RH de proximité" pour faire le point sur sa situation. Ce dispositif est mis à disposition par l’Éducation nationale depuis 2019. La vingtaine de conseillers dans toute la Bretagne est répertoriée sur le site de l’Académie de Rennes. Ces experts sont présentés comme les premiers interlocuteurs des enseignants. Sauf qu’Elizabeth ne veut pas "évoluer professionnellement", comme cela est écrit sur le site, mais se reconvertir.

Ces guides redirigent ensuite les enseignants vers la seule “conseillère en mobilité RH” qui relève de l’Académie de Rennes. Elizabeth, qui l’a rencontrée en visioconférence, est confrontée au même problème que Marion Corbineau : "La conseillère est plus apte à t’aiguiller vers un poste dans l'Éducation nationale et dans une autre fonction publique que vers le privé. Elle a l’air complètement débordée. Elle m’a dit qu’ils allaient mettre des tutos en place pour désengorger son service."

L’unique porte de sortie pour partir en formation hors de la fonction publique semble être la rupture conventionnelle, qui assure un appui financier minimum. Depuis la réforme de transformation de la fonction publique de 2019, tous les agents sont censés pouvoir la négocier, sans aucune certitude. " On a le droit de la demander, sauf qu’il faut les budgets derrière. Et d’un rectorat à un autre, ils ne sont pas identiques", soupire avec lassitude Elizabeth.

Dans ce contexte, les deux fonctionnaires en reconversion envisagent de démissionner. "Au bout de quatre mois, j’aurai peut-être une aide de retour à l’emploi et puis, peut-être, par Pôle emploi, des aides quelconques." Leur CPF seront alors déverrouillés et elles pourront prétendre à la formation de leur choix. En attendant, Marion, à Malestroit, doit encore se reconstruire avant de se remettre sur les rails : "Quel que soit le métier ou le contexte, je ne suis pas capable de travailler aujourd’hui."

De son côté, Elizabeth tire enfin partie de droits qu’elle ne pensait pas avoir. Elle a appris, un peu par hasard, qu’une ordonnance du 24 novembre 2021 permet aux fonctionnaires en arrêt de travail de "bénéficier d'une formation ou d'un bilan de compétences ou de pratiquer une activité durant un des congés en vue de sa réadaptation ou de sa reconversion professionnelle". Ce dernier élément l’autorise précisément à aller s’immerger une semaine dans un monde professionnel qui lui est inconnu. Début avril, l’enseignante a découvert celui de la nuit, dans un bar dansant à Nantes. 

Un projet de loi sur la formation professionnelle

Depuis quelques mois, la réforme de la formation professionnelle, attendue courant 2023, fait du bruit dans le monde de la reconversion. Aux Universités d’hiver de la formation professionnelle, qui ont eu lieu le 25 janvier 2023 à Cannes, Carole Grandjean, la ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnelle, a détaillé sa feuille de route : " Nous allons simplifier les dispositifs de transition, qui sont très nombreux. Les entreprises et les actifs ne s’y retrouvent pas. Il y a de quoi s’interroger quand on sait que nous serons amenés à changer d’emploi plusieurs fois au cours de notre carrière."

De quoi susciter des réactions à Transitions Pro Bretagne. " Dès qu’on commence à installer quelque chose, on rechange… , lance Vincent Bourdin. Comme tous les acteurs de la reconversion professionnelle, il anticipe avec appréhension un projet de loi dont les enveloppes financières pourraient être plus modestes qu'actuellement : moins de budget voudra dire moins de dossiers acceptés.

*Le prénom a été modifié.

Lucille Derolez, Enora Nicolas, Améline Roussel

Nos sources

Tous les propos ont été recueillis entre février et avril 2023.

Pour commencer notre enquête, nous avons échangé par téléphone avec Stéphane André, responsable de l'accompagnement des parcours à l'Afpa, Vincent Bourdin que nous avons ensuite rencontré au siège de Transitions Pro à Rennes et Emmanuelle Sohier de Catalys Conseil.

Grâce à un appel à témoignages, nous avons échangé par téléphone avec Gaëlle, Elizabeth et Marion et Audrey. Nous avons rencontré Elizabeth dans un café à Lorient. Marion et Laurence nous ont reçues chez elles.

À la CMA de Fougères, nous nous sommes d'abord entretenues avec Régis Rimasson, le responsable de la chambre des métiers et Claire Grangette, la responsable des filières bâtiment, bois et alimentation. Là-bas, nous avons fait la connaissance d'Aurélie puis avons passé une matinéee dans la classe de CAP en ébénisterie.

À la CPAM, à Rennes, nous avons eu un rendez-vous avec Thomas, assistant social à la Carsat-Bretagne, et Cindy D., assurée, en visioconférence. La chargée de communication de la Carsat-Bretagne était présente lors de cette rencontre.

Damien Brochier, socio-économiste au Céreq et Olivier Gaudin, directeur du développement des formations et des compétences à la région Bretagne, ont répondu à nos questions en visio-conférence.

Isabelle Landré-Mercier nous a reçues dans les locaux du centre de gestion d’Ille-et-Vilaine à Cesson-Sévigné. Depuis presque trois semaines, nous sollicitons le rectorat de Rennes, qui n’a pas encore donné suite à notre demande d’entretien.

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