Il est un constat indéniable en ce début août 2023. Une grande partie nord de la France ne connaît pas un été chaud et sec, à l'opposé, en apparence, de la sécheresse et des températures caniculaires de l'été 2022. L'occasion pour certains de s'épancher dans les réseaux sociaux sur la pertinence du réchauffement climatique. Un climatologue leur répond.
De la pluie quasiment tous les jours et ceci depuis plusieurs semaines, des moissons qui prennent du retard à cause des cultures détrempées, des vacanciers qui quittent les campings plus tôt que prévu, fuyant une météo digne d'un début octobre. Les arguments pour qualifier le mois de juillet et ce début août comme révélateurs d'un été pourri ne manquent pas en Bretagne et dans le nord de l'Hexagone.
À cela s'ajoute ce mercredi 2 août une alerte orange aux vagues-submersion pour trois départements bretons et une alerte jaune aux vents violents sur toute la région. Il n'y a vraiment aucun doute, la météo estivale bretonne ne peut que mécontenter la grande majorité d'entre nous.
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Des climatosceptiques qui exultent sur les réseaux sociaux
La grande majorité, dirons-nous, car il semble bien que certains s'en réjouissent, trouvant là des arguments pour pouvoir remettre en question ou du moins interroger sur la pertinence du dérèglement climatique. Et ils n'hésitent pas à le faire savoir sur les réseaux sociaux.
Un tweet qui a amené plusieurs réponses, l'une qui va dans son sens et parle de "la Terre notre Mère" qui "n'a pas dit son dernier mot" car "elle peut tout rétablir". Et une autre qui traite les auteurs des deux premiers tweets "d'imbéciles qui confondent météo et climat".
Ou encore ce simple tweet d'un météorologue sur l'arrivée d'un front froid pour les jours à venir qui sert d'argument à un internaute au propos climatosceptique.
Une des réponses à ce tweet s'attaque directement aux "adeptes de la secte du réchauffement climatique, stoppés dans leur élan de propagande à 2 balles !" Une réponse qui se voit tout de suite contrée par un twittos qui le traite de complotiste : "tu as fait des études de météo/climat pour te permettre de dire ce genre de conneries ?"
Parmi cette pluie de messages sur les réseaux sociaux de "complotistes" ou de "climatosceptiques", un tweet, et les réponses qu'il a engendrées, a particulièrement retenu notre attention. Celui du conseiller régional de Bretagne, Gilles Pennelle.
Dans un tweet, l'homme politique, ténor régional du Rassemblement national, se sert d'un titre d'article de nos confrères du Télégramme qui relate le départ précipité de certains touristes à cause de la pluie, pour se moquer des "grands gourous du catastrophisme climatique de l'exécutif du Conseil régional de Bretagne" qui avaient annoncé "une méditerranéisation du climat breton".
Un tweet qui lui a valu une réponse cinglante du météorologue de Météo Bretagne, Steven Tual, lui proposant un échange sur "la différence entre météo et climat" et l'interpellant sur le message véhiculé alors que l'homme politique a des "responsabilités" : "Vous ne pouvez pas véhiculer un message quasi-complotiste et impertinent".
Une réponse parmi tant d'autres, tant le tweet a provoqué une vague d'indignation d'internautes s'offusquant de la teneur du tweet du conseiller régional.
"Les gens confondent la météo et le climat"
Dans son tweet, Gilles Pennelle cite la formule de "méditterranéisation du climat breton", un concept mis en avant par Vincent Dubreuil, co-présiden du Haut conseil breton pour le climat, une instance créée il y a un peu plus d'un an pour conseiller les politiques sur les questions liées aux changements climatiques.
Nous avons exposé le tweet de Gilles Pennelle à Vincent Dubreuil. Ce dernier ne l'avait pas vu, n'ayant tout simplement pas de compte Twitter. Il se réjouit tout d'abord de la réponse apportée par Steven Tual, appuyant lui aussi sur la différence entre météo et climat.
Les gens confondent la météo et le climat, c'est tout. Et ce n'est pas parce qu'il fait plus froid dans une région que ça remet en cause le changement climatique
Vincent DubreuilGéographe et climatologue
Et de renchérir : "Le fait qu'il y ait des années plus chaudes et plus froides, ça a toujours existé et ça existera toujours, même avec le changement climatique. Là, il va falloir attendre les chiffres à la fin de l'été pour savoir si l'été en France a été plus chaud ou plus froid. Et ce n'est pas parce qu'il fait plus froid dans une région que ça remet en cause le changement climatique, sachant que le mois de juillet est le plus chaud jamais observé. Une période plus froide localement ne contredit pas la tendance globale qui est le réchauffement climatique. Ce réchauffement qui est la matérialisation la plus forte que l'on observe en ce moment, l'augmentation des températures."
En septembre 2022, à l'issue de l'été caniculaire 2022 et de la sécheresse, Vincent Dubreuil nous avait parlé de cette "méditerranéisation du climat en Bretagne", expliquant qu'au niveau du climat, "Rennes, c'est La Rochelle ou Bordeaux, il y a cinquante ans en termes de température".
"Un regain classique de climatosceptiques"
Pour le climatologue, les manifestations sur les réseaux sociaux des climatosceptiques ne l'étonnent pas du tout. "J'ai souvenir de l'année 2010 par exemple, une année de regain de climatoscepticisme, car c'était une année qui avait été beaucoup plus froide que les années précédentes. Les gens nous étaient tombés dessus 'vous voyez que cela ne se réchauffe pas'. Et l'année suivante, on avait battu tous les records. Donc, vous voyez que ce n'est pas une année qui va nous permettre de dire que le climat se réchauffe ou pas. C'est la tendance sur plusieurs années qu'il faut regarder. Et dans cette tendance-là, on aura toujours des années plus chaudes et des années plus froides."