Ce jeudi à Ajaccio, des conseillers territoriaux nationalistes ont occupé pacifiquement la préfecture de région. La séance de l’Assemblée de Corse a été suspendue. Un rassemblement a eu lieu en fin de journée devant les grilles du Palais Lantivy.
"Nous menons une action pacifique et symbolique. Ce bâtiment appartient à la Collectivité de Corse. Nous voulons montrer à l’Etat que nous sommes présents."
Perchés sur le balcon de la préfecture, Jean Biancucci et une vingtaine de conseillers territoriaux nationalistes hissent le drapeau à tête de maure sur le fronton du Palais Lantivy.
De l’autre côté, sur le cours Napoléon, des militants accrochent des banderoles sur les grilles de la préfecture. "Colons Fora", "Libertà" peut-on y lire. "On revient aux fondamentaux", lâche un vieux militant.
De part et d'autre, l’image est symbolique. Elle apparaît comme une réponse aux derniers événements vecteurs de fortes tensions entre la majorité territoriale et le préfet de Corse Pascal Lelarge (sur le départ).
"C’est une réaction à l’affront et à l’infamie de quatre opérations qui ont été liées en une semaine, explique Jean-Félix Acquaviva, conseiller territorial Fà populu inseme présent dans la préfecture. Le mandatement d’office, la décoration symbolique d’un ancien chef barbouze (le capitaine Bertolini, ndlr), la question de la levée du statut de DPS qui n’a pas été soldée par la commission locale et l’opération d’Arritti. À cela s’ajoute la question du règlement intérieur où l'on veut nous empêcher de parler corse à l’Assemblée. On manifeste notre détermination à ne pas accepter ce qui est intolérable", souligne le député de la deuxième circonscription de Haute-Corse.
La droite absente
Alors qu’ils étaient ce jeudi matin en session ordinaire à l’Assemblée de Corse, plusieurs élus des groupes "Fà populu inseme", rejoints par ceux de "Core in Fronte" et "Avanzemu" ont profité de la pause déjeuner pour se rendre en préfecture. Ils y ont retrouvé d'autres conseillers territoriaux déjà présents dans le bâtiment du cours Napoléon, ces derniers ayant assisté aux débats du matin de l'Assemblée de Corse par visio-conférence.
Cette occupation de la préfecture s’est déroulée sans incident. "Il ne s'agit pas de faire n'importe quoi, précise Jean Biancucci, président du groupe "Fà populu inseme". Nous sommes des gens respsonsables, mais nous avons voulu que cette charge soit forte."
Des élus Fà populu inseme, Avanzemu et Core in Fronte occupent actuellement la préfecture de région. pic.twitter.com/OkT5fUNsWv
— France 3 Corse (@FTViaStella) February 24, 2022
Seul le groupe de droite "Un soffiu novu" n'a pas participé à cette action.
Le matin même, dans l’hémicycle du cours Grandval, Jean-Martin Mondoloni s’était déclaré en accord "sur le fond de l’argumentation mais pas sur la forme" avec les différents discours nationalistes. L'élu de droite a notamment fait référence au conflit en Ukraine qui a été abordé juste avant les questions orales. "Pour autant, il y a une guerre aux portes de l’Europe, a-t-il avancé. Sur la forme, il y a donc une démesure quand vous indiquez, M. le Président (Gilles Simeoni), qu’il y a une violence des actes (du préfet) dont nous sommes la cible."
Le groupe "Un soffiu novu" a ensuite publié un communiqué dans lequel il indique "ne pas cautionner cette mise en scène préméditée et malvenue".
Suite à l'occupation de la Préfecture par les groupes de la majorité et à l'interruption des travaux de l'Assemblée de Corse, vous trouverez ci-dessous un communiqué de notre groupe ⤵️ pic.twitter.com/xUzLMA4oDC
— Un Soffiu Novu, un Nouveau Souffle pour la Corse (@SoffiuNovuAC) February 24, 2022
"Réflexe patriote"
Dans l’après-midi, la séance de l’Assemblée de Corse a été suspendue. La présidente Marie-Antoinette Maupertuis a ensuite rejoint les élus à l’intérieur de la préfecture en milieu d’après-midi. On notait également la présence de Jean-Christophe Angelini, du député Paul-André Colombani, de Paul-Félix Benedetti, Véronique Pietri, Serena Battestini ou encore Danielle Antonini.
Dans la salle des délibérations du Palais Lantivy, un téléphone portable placé devant un micro balance des chants corses. Élus nationalistes de la majorité et de l’opposition discutent. Pour l'occasion, ils sont cette fois unis autour d’une même cause.
"Durant ces 50 ans, on a toujours eu ce réflexe patriote d’opposer à l’État nos revendications, confie Xavier Luciani d’Avanzemu. On se félicite quand même que pour une fois, depuis très longtemps, l’ensemble du mouvement national se retrouve au sein d’un hémicycle avec une action symbolique. Au-delà de cette action, il faut maintenant nous proposer une route de construction nationale pour ce peuple et non pas seulement des coups de com'."
Si aucun membre du Conseil exécutif n’est entré dans les locaux de la préfecture, certains d'entre eux étaient en revanche devant les grilles lors du rassemblement organisé à 18 heures.
Au milieu des quelque 250 personnes - parmi lesquelles des militants des trois groupes nationalistes -, Gilles Simeoni est là pour accueillir les élus. Après avoir craqué trois fumigènes sur les marches de la préfecture, les "occupants" ont quitté le Palais Lantivy dans le calme, vers 18 h 30. Une réunion devrait être organisée pour "décider d'éventuelles actions à venir".
En attendant, ce vendredi matin, les conseillers territoriaux retrouveront les bancs de l’Assemblée de Corse. Pour la reprise d'une session pas tout à fait ordinaire...