Dans un communiqué, le mouvement qui avait annoncé sa démilitarisation progressive en 2016 revendique l’action contre les villas de Pierre Ferracci, un proche du président de la République. Les clandestins dénoncent la réponse opposée par "l'Etat français" à leur volonté d'apaisement.
Dans un communiqué reçu par les rédactions de Corse-Matin et de France 3 Corse, ce lundi 23 décembre, le FLNC dit "du 22 octobre" revendique l’attentat à l’explosif ayant provoqué des dégâts importants aux villas Ferracci, à Rondinara, sur la commune de Bonifacio, le 20 décembre dernier.
Dans ce texte de deux pages, le mouvement clandestin rappelle que « le peuple corse aspire à la paix ». Il fait un diagnostic de la situation politique de blocage entre la Corse et Paris, pointe la situation économique et sociale évoquant « la paupérisation de la société corse ».
Le "FLNC du 22 octobre", qui avait en mai 2016 annoncé au cours d’une conférence de presse dans le maquis sa démilitarisation progressive, affirme dans ce communiqué que ce choix n’est en « aucun cas un blanc-seing donné à la France ».
Expliquant que la « paix qu’ils encouragent n’est pas la paix des cimetières des peuples disparus ». « Elle n’est pas la paix de la soumission ou du diktat d’un état français omnipotent et arrogant » rappelle le mouvement qui signale « qu’il n’a pas baissé la garde ».
Le FLNC précise aussi que la paix qu’il souhaite « n’est pas non plus celle qui reposerait sur le reproche éternel de l’assassinat d’un préfet jeté systématiquement à la face de tout un peuple » allusion à peine voilée aux propos du président Emmanuel Macron tenus à Cozzano en avril dernier et lors des cérémonies d’hommage des 20 ans de la disparition du préfet Claude Erignac en janvier 2018 à Ajaccio.
Libéralisme décomplexé et résidences secondaires dans le viseur
« Nous ne voulons pas de la paix du libéralisme décomplexé » écrit le FLNC qui stigmatise le « groupe d’une cinquantaine de chefs d’entreprise qui se projettent avec une arrogance même pas feinte en propriétaire de la Corse ».
Une flèche décochée en direction du consortium, la Corsica Maritima, qui regroupe une centaine d’entreprises.
Soutien aux associations et syndicats menacés
Le FLNC s’appuie sur « la grogne sociale qui est à son comble », pour soutenir « les syndicats et associations fragilisées pour des raisons diverses ». Le mouvement apporte son soutien à « toutes celles et ceux qui ont eu à souffrir de menaces ».
Citant « Valincu Lindu » engagé dans le combat contre le centre de stokage des déchets de Vighjanellu 2, ; U Levante, l’association de défense de l’environnement qui a par ailleurs attaqué le permis des villas Ferracci ; et le syndicat agricole Via Campagnola; le FLNC précise « pour eux et les autres touchés qu’ils sachent que nous sommes à leur côté dans leur combat ».
Le FLNC du 22 octobre rappelle qu'il avait également « apporté son soutien à la coalition "Pè a Corsica" aux dernières elections territoriales ».
« La France mise sur la disparition progressive et programmée de notre peuple. Ce jour là n’est pas encore arrivé… E puru simu qui » conclut le communiqué des clandestins en signant comme de coutume par « A ragione hè a nostra forza ».
Un contexte de tension
Cette revendication intervient dans un contexte particulier après l’interpellation et l’incarcération ce mois-ci de militants nationalistes pour une série d’attentats non revendiqués.
Un contexte qui a résonné dans l’hémicycle de l’assemblée de Corse lors de la dernière session.
Gilles Simeoni, le président de l’exécutif, et Jean-Charles Orsucci, président du groupe Andà per Dumane notamment ont réagi à l’attentat commis contre les villas Ferracci et mis en garde contre la reprise des mécanismes de violence que la Corse a déjà connus par le passé.
Réactions politiques
Dans un communiqué Corsica Libera évoquait concernant cet attentat de Rondinara le fait "qu'alors que la justice française n'a pas tranché" (...) "la stratégie de divison de l'Etat semble trouver des oreilles attentives". Notant que "depuis quelques temps ce sont des Corses qui sont systématiquement visés" .
Le mouvement indépendantiste mettait lui aussi en garde "le peuple corse contre le risque de pourrissement necessairement voulu par les services de l'Etat".
Paul-Felix Benedetti et Gilles Simeoni n'ont pas voulu faire de commentaires. Jean-Guy talamoni, dans le Corse-Matin, s'est dit solidaire du communiqué de 2014.
Jean-Charles Orsucci, en revanche, dénonce clairement l'attentat : "On a dépassé ce que faisait habituellement le FLNC. On franchit un cap en pointant du doigt des chefs d'entreprise, en disant qu'on va s'en prendre aux maisons principales... Et puis on s'en prend à des Corses, tels monsieur Ferraci.."
Elise Renaud, de la Ligue des drots de l'homme en Corse, s'est également exprimée : "La suite malheureusement nousla connaissons, elle est écrite d'avance. Après les attentats ce sont les interpellations, puis les mises en examen, puis des incarcérations, avec toute ce que cela comporte... Puis des manifestations, puis de nouveaux attentats..."
Dans un communiqué daté du 27 décembre, les fédérations communistes de Corse "condamnent sans la moindre réserve cette destruction et les motivations avancées pour la « justifier »", et "apportent leur soutien à la famille Ferracci, durement éprouvée, dont ils savent, comme tous les Bonifaciens, qu’il n’y a pas de spéculateurs en son sein".
Femu A Corsica, de son côté, considère que l'Etat, "par son refus du dialogue et par son mépris du fait démocratique tel qu'il s'est exprimé massivement et à plusieurs reprises dans les urnes porte une responsabilité majeure dans l'aggravation depuis plusieurs mois de la situation d'ensemble de l'île."
Attentats Villa Ferracci:tout retour en arrière au niveau de la violence clandestine;tout risque de division et de tensions internes à la société insulaire,est à bannir. La #Démocratie,comme moyen politique de recherche de #Justice et de #Liberté,et comme objectif, pour la #Corse pic.twitter.com/Th0cqzabsQ
— Jean-Félix Acquaviva (@JF_Acquaviva) December 27, 2019
Vers une reprise des activités clandestines ?
Reste à savoir si cette communication du "FLNC du 22 Octobre" augure d’une reprise de l’activité clandestine pour s’opposer à ce que le mouvement interprète comme « une stratégie de l’état en vue de la disparition programmée du peuple corse » ou s’il s’agit seulement d’une action ponctuelle qui ne remet pas en cause le principe d’une démilitarisation progressive énoncé par ce groupe en 2016.
L'avenir nous le dira.