L'Autorité de la concurrence doit rendre le mois prochain un avis sur la situation de quatre secteurs clés de l'économie en Corse : les carburants, la grande distribution, les transports maritimes et la gestion des déchets. Isabelle De Silva, sa présidente, nous en donne les premières pistes.
Cela fera bientôt un an que Bruno Le Maire a saisi l'Autorité de la concurrence pour se pencher sur l'économie corse.
En octobre 2019, au lendemain de la crise des Gilets jaunes, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire demandait un diagnostic sur quatre secteurs-clés : la distribution de carburants, la grande distribution, le transport maritime et la gestion des déchets. Des secteurs sujets aux préoccupations de concurrence en raison de leur concentration.
En décembre 2019, plusieurs membres de l'Autorité de la concurrence se sont donc rendus sur l'île pour entendre les principaux acteurs de ces secteurs économiques : entrepreneurs, syndicalistes, acteurs sociaux, élus et fonctionnaires.
En attendant, la présidente de cette autorité administrative indépendante, Isabelle De Silva, nous a donné quelques pistes sur les quatre axes principaux de l'enquête.
- Pourquoi l'essence est-elle plus chère en Corse ?
L'entreprise Rubis Énergie est en effet en situation de monopole. Elle détient les deux dépôts pétroliers de l'île.
Vito Corse, filiale de Rubis Énergie détient à son tour la moitié des stations-service de l'île. L'autre moitié est détenue par Total.
Sur ce thème-là, comme sur d'autres, l'Autorité de la concurrence ne s'interdit pas de modifier la loi pour pouvoir agir. "On pourrait également envisager l’application du droit de la concurrence et de ces outils traditionnels", complète sa présidente.
Ces décisions seront explicitées au moment de la remise de l'avis, au mois d'octobre.
- Pourquoi les prix sont-ils plus élevés que sur le continent ?
Pour répondre à cette question récurrente, l'Autorité de la concurrence s'est penchée sur la structure du réseau de distribution alimentaire, en comparaison avec d'autres régions françaises.
"Ce n'est pas une situation sans nuances, prévient Isabelle De Silva. Il y a des catégories de prix sur lesquels effectivement, c’est plus cher en Corse que sur le continent, mais cela dépend vraiment des catégories de produits".
Contrairement à d'autres régions de France, "il y a une priorité donnée aux petits commerces, aux commerces de centre-ville, qui se traduit par un moins grand nombre d’autorisations données aux grandes surfaces qui auraient souhaité s’ouvrir".
En conséquence, il y a moins de concurrence que sur d'autres régions comparables sur le continent.
"L’un des points sur lesquels on reviendra dans l’avis, ça sera les initiatives qui avaient été mises en place notamment après le mouvement des gilets jaunes avec le mécanisme des paniers de produits de première nécessité", complète Isabelle De Silva.
Le 29 mars 2019, les acteurs de la grande distribution en Corse (Casino, Leclerc, Auchan et Carrefour) s'étaient engagés à créer un panier de plus de 200 produits de première nécessité à prix bas. Une charte avait été signée.
La réussite ou non de cette initiative sera évoqué dans l'avis rendu le mois prochain.Charte CdeC-distributeurs instituant un panier de 240 produits à bas prix. Une réponse volontariste au coût de la vie en #Corse.
— Michel Castellani (@Castellani_) March 30, 2019
Dédié à ceux qui prétendent que la majorité territoriale se limite à des revendications institutionnelles. #giletsjaunes @IsulaCorsica pic.twitter.com/lHE5mmhLM0
Des pistes de réponses sont également d'ordre législatif. Le dispositif appelé "seuil de revente à perte" peut notamment avoir des effets sur les prix en supermarchés.
Le seuil de revente à perte représente la limite de prix en dessous de laquelle un distributeur ne peut revendre un produit sous peine d’être sanctionné. Il pourrait être modifié, adapté pour la Corse, "compte-tenu du fait que les problématiques de transport peuvent peser sur le prix de vente des produits".
- Transports maritimes : vers un partenariat public-privé ?
"On est face à un système qui aujourd’hui a une structure qui vient de son histoire. Il y a depuis 20 ans énormément de litiges et de contentieux sur les conditions de desserte de la Corse".
"C’est un sujet absolument essentiel parce qu’il se répercute sur la distribution des biens sur tout le territoire. On peut avancer et trouver des nouvelles pistes pour mieux adapter le dispositif".
Une compagnie maritime régionale voulue par les nationalistes, la Semop (Société d’économie mixte à opération unique), partenariat public-privé, devait bientôt prendre la mer. Un appel d'offres pour désigner un partenaire privé vient d'être invalidé, retardant la procédure.
- Que faire des déchets ?
"C'est l'un des sujets les plus complexes à traiter, annonce d'emblée Isabelle De Silva. Cela n'a pas seulement impact pécuniaire pour les collectivités et pour les citoyens mais aussi un impact sanitaire et environnemental".
Face à ce sujet des plus délicats, elle évoque la possibilité de trouver de nouveaux outils législatifs, des outils complémentaires à l'État pour pouvoir intervenir et remédier aux dysfonctionnements.
- Quel est l'impact de la pandémie sur l'économie corse ?
"Nous avons refait un nouveau complément d’enquête pour demander aux acteurs des précisions sur la manière dont la pandémie avait affecté leur activité", explique Isabelle De Silva.
Isabelle De Silva peut déjà se réjouir du climat dans lequel s'est déroulée l'étude : "Nous avons pu observer beaucoup d’intérêt tout au long des derniers mois, beaucoup de volonté de participer et de nous aider dans nos analyses".
Les résultats de l'enquête de l'Autorité de la concurrence seront dévoilés d'ici un mois.