A l’heure du confinement, c’est toute la gestion de la forêt qui est affectée en raison du ralentissement de l’activité et des contraintes sanitaires. Les arbres du massif vosgien ont pourtant bien besoin de soins, affaiblis par la sécheresse, les dépôts sauvages et les scolytes.
Depuis le début du confinement, Julie Ritter trouve que l’ambiance est particulière dans les forêts à flanc de la vallée de Guebwiller (Haut-Rhin). « On n’entend plus les mêmes bruits quand on monte vers le Markstein, remarque-t-elle. D’habitude, avec le retour des beaux jours, on a le bruit des voitures, des motos. Là c’est très silencieux. » La jeune femme dispose d’une autorisation lui permettant de continuer à arpenter la forêt vosgienne, plaisir actuellement interdit aux promeneurs. Elle y est technicienne forestière à l'ONF (Office national des forêts). Garde forestier, disait-on auparavant.
- Julie Ritter, technicienne de l’ONFLes animaux semblent moins stressés aussi. Les chevreuils mettent plus de temps à partir quand ils nous voient arriver.
Désolants aussi les dépôts sauvages que les agents de l’ONF voient se multiplier depuis le début du confinement. « On voit que les gens font des travaux chez eux mais que les déchetteries sont fermées », sourit amèrement Julie Ritter, qui constate à l’inverse très peu de promeneurs en infraction. « Ce qui nous inquiète aussi, ce sont les dépôts sauvages de déchets végétaux, abonde Frédéric Guérin, responsable la communication de l’ONF Grand Est. Les plantes exotiques issues des jardins des particuliers, comme la renouée du Japon, pourraient se disséminer et entraîner des pestes végétales ». Et de rappeler que jeter ses déchets verts dans un milieu naturel comme la forêt est passible d’une amende de 1.500 euros.
La filière bois en état végétatif
Dans leurs parcelles, les arbres déracinés vont devoir patienter pour entamer leur deuxième vie de bois de charpente, de tonneau ou de chauffage. Impossible pour le moment d’aller les chercher. Avec le ralentissement mondial de l’économie lié au confinement, faute de débouchés, la filière tourne au ralenti. Et pas question d’envoyer des agents couper des troncs en cette période de crise sanitaire majeure.- Frédéric Guérin, Office national des forêts du Grand EstL’exploitation de la forêt est une activité dangereuse. En cette période où les services de santé sont mobilisés par l’épidémie de covid19, on ne peut pas prendre le risque de rajouter des accidents de bûcheronnage.
Faute de tronçonner, les agents ont dû adapter leur activité et profitent de la période pour procéder dans certains secteurs aux plantations de jeunes pousses. Une tâche qui d’ordinaire s’opère plus tard dans l’année, mais qui permet d'appliquer facilement des mesures de distanciation pour se protéger. Et d’écouler un peu les surplus qui restent sur les bras des pépiniéristes.
- Sacha Jung, délégué général de Fibois Grand EstDepuis le début du confinement, sur cent entreprises, un quart seulement a conservé une activité normale avec maintien de tout son effectif. Toutes les autres ont dû recourir à du chômage partiel.
Victimes collatérales de la situation, certaines communes rurales pourraient aussi faire les frais de la paralysie de l’activité sylvestre. « Il y a des villages reculés qui n’ont déjà pas grand-chose tirent une part importante de leur budget communal grâce à la vente des bois de leurs parcelles, explique Frédéric Guérin en pensant notamment aux bourgs des hauteurs. Ce coup d’arrêt risque de leur poser des problèmes. »
La présence des scolytes va exploser
A ces difficultés financières déjà angoissantes s’ajoute une autre menace liée à cet attentisme imposé à l’activité sylvestre. Celle de la prolifération des parasites, les scolytes des épicéas, les chalaroses des frênes et chenilles processionnaires des chênes. Pour ces ravageurs, les arbres restant à terre constituent des pouponnières de choix.- Frédéric Guérin, Office national des forêts du Grand EstA cause du scolyte, il va falloir tirer un trait sur l’épicéa dans certains secteurs du Grand Est.
Le scolyte a pourtant toujours vécu dans nos forêts. C’est combiné à des sols secs qu’il devient mortel pour les épicéas. Avec la mise au ralenti de l’entretien forestier imposée par le confinement, le cocktail devient explosif. Cette crise sanitaire rappelle l’importance et l’urgence de repenser la forêt de demain.
Darwin au secours de la forêt vosgienne
Plus qu’un postulat, le réchauffement climatique est un constat face auxquels tous les acteurs vivant de la forêt ont déjà entrepris de réagir. Deux pistes sont à l’étude pour repeupler la forêt vosgienne afin qu’elle résiste mieux. « Il y a déjà des tests en cours à partir d’essences présentes dans nos forêts régionales, précise Frédéric Guérin. On fait de la sélection génétique sur des individus qui semblent mieux résister que d’autres à la sécheresse. »La seconde piste à l’étude consiste en de la migration assistée, comme l’explique Sacha Jung : « nous nous intéressons aux essences issues d’autres régions plus au sud de l’Europe comme les hêtres de la Sainte-Baume ou le pin laricio de Corse. On regarde aussi du côté des Balkans, pour trouver celles qui pourraient composer le nouveau visage des forêts du Grand Est. »Risque élevé d’incendies
Le mois d’avril est une période propice au déclenchement de feux de forêt, en raison de la présence encore forte de feuilles et d’herbes mortes. L’ONF appelle à la vigilance : il est demandé de n’allumer ni feu ni barbecue, et de respecter les périodes d’interdiction d’accès en forêt comme celle actuellement en vigueur.Le 3 avril dernier 2020, un incendie a ravagé trois hectares de forêt dans le secteur de Rimbach-près-Masevaux (Haut-Rhin). C'est un habitant qui faisait de l'écobuage qui serait à l'origine du départ de feu.
Quelques jours plus tard, c'est vers les forêts vers Wittelsheim que les pompiers ont dû intervenir :A défaut de vous pouvoir vous promener en forêt en cette période de confinement, l'ONF vous propose quelques activités liées à la nature pour vous occuper en famille :