Les élections départementales des 20 et 27 juin laissent la nouvelle Collectivité européenne d'Alsace (CEA) ancrée à droite. Les socialistes perdent des sièges, les écologistes en gagnent (mais moins qu'espéré), le parti présidentiel sauve les meubles, la droite et le centre restent majoritaires.
Les premières élections départementales de la toute nouvelle Collectivité européenne d'Alsace (CEA) devaient être historiques. Elles l'ont été, à l'occasion du second tour de ces élections qui avait lieu le dimanche 27 juin 2021.
La CEA, ça représente 40 cantons : 23 dans le Bas-Rhin et 17 dans le Haut-Rhin : les départements ont fusionné pour gérer conjointement leurs collèges, routes, ou encore allocations. Sans oublier les questions transfrontalières et le bilinguisme...
L'assemblée comporte 80 membres, qu'on appelle conseillères et conseillers d'Alsace. Le premier d'entre eux est le président de la CEA, Frédéric Bierry (LR), assuré d'être reconduit dans ses fonctions. L'une des missions immédiates de la CEA nouvellement élue sera de définir son siège, provisoirement basé à Strasbourg (voir sur la carte ci-dessous, les sessions ayant lieu à Colmar).
À l'issue du second tour, la coloration politique de la CEA a légèrement changé. Mais ce conseil départemental reste largement ancré à droite, comme précédemment. Voici les points à retenir.
Nette prime aux binômes sortants
On parle souvent de prime au sortant quand les conseillères sortantes et conseillers sortants conservent majoritairement leurs sièges. Ce qui peut se comprendre quand on parle d'élu(e)s de terrain qui "parlent" à l'électorat quand il est temps de les réélire. Cela s'est vérifié lors de ces élections.
Côté victoire, on enregistre 20 binômes réélus au second tour. Deux autres binômes ont perdu leur canton : celui de Bischwiller pour Denis Hommel et Nicole Thomas (LR), face aux écologistes. Ce fut une surprise de ce second tour. Ainsi que la perte du canton de Strasbourg-2 par Éric Elkouby et Martine Jung (PS), à nouveau face à un binôme écolo-communiste. Ce qui était attendu, au regard de la dynamique du premier tour, à Strasbourg notamment.
Des binômes se sont représentés avec un seul de leur élu(e) ayant remporté les élections précédentes en 2015. On dénombre 14 de ces conseillères ou conseillers l'ayant emporté au second tour, mais aussi cinq échecs. Trois au premier tour : Alfonsa Alfano (LR) à Illkirch, Mathieu Cahn (PS) à Strasbourg-1, et Philippe Trimaille (UDI) à Mulhouse-2. Pour le deuxième tour : Thierry Carbiener (UDI) à Saverne, et Bernadette Groff (UDI) à Brunstatt.
Des candidates et candidats en 2021 ont défié leur ex-binôme, après avoir gagné ensemble en 2015. Quatre duels ont eu lieu à :
- Illkirch avec Yves Sublon (DVD) l'emportant face à Alfonsa Alfano
- Saverne avec Michèle Eschlimann (UDI) battant Thierry Carbiener
- Brunstatt avec Daniel Adrian (DVD) vainqueur sur Bernadette Groff
- Mulhouse-2 où Fatima Jenn (DVC) gagne face à Philippe Trimaille
Finalement, 17 conseillères et conseillers d'Alsace ayant remporté les élections de 2021 n'avaient pas de mandat départemental avant leur victoire.
La droite domine l'hémicycle
Avec 42 sièges détenus par Les Républicains (LR) - ce qui va au-delà de la majorité absolue - et 21 par les Divers droite (DVD), la Collectivité européenne d'Alsace continue de pencher résolument à droite. Les centristes (de l'UDI au Modem en passant par LREM et les Divers) apportent une dizaine de sièges en complément. Cette union de la droite et du centre s'étend donc sur les trois quarts de l'hémicycle.
Frédéric Bierry (LR) a été réélu très confortablement dans son canton de Mutzig, avec 78.5% des voix. Il est assuré d'être réélu à la tête de la collectivité... et s'il a les coudées franches, d'organiser sa consultation sur la sortie de l'Alsace du Grand Est.
À noter la forte régression de l'Union des démocrates indépendants (UDI). Le parti de centre-droit détenait quatorze sièges en 2015, et plus que trois en 2021. La raison : sept reprises d'étiquette LR, deux élu(e)s qui n'ont pas voulu renouveler leur mandat, et deux autres qui n'ont pas réussi à gagner.
Les écologistes réalisent une (petite) percée
Les Verts ont réalisé un beau score aux élections européennes : on parlait alors de vague verte. Elle s'est poursuivie aux municipales, avec de bons résultats écologistes dans de grandes villes (Mulhouse notamment) voire des victoires (Strasbourg, Schiltigheim, Ostwald). Dans la foulée, un sénateur écologiste avait été élu dans le Bas-Rhin : il s'agit de Jacques Fernique.
À l'occasion des élections régionales, la liste écologiste d'Éliane Romani réalise un score intéressant (troisième position avec 21% des voix, plébiscitée à Strasbourg notamment). Mais les départementales ont été moins prolifiques, la vague verte moins puissante. Au second tour, la droite a quasi-systématiquement battu les écologistes en concentrant les deux-tiers des suffrages.
À Schiltigheim, la victoire était proche pour Sevil Aras et Benoît Steffanus, avec 48.1% des voix. Un score proche, 45.0%, a été marqué par les écologistes qui ont perdu à Mulhouse-1. La surprise est venue du canton de Bischwiller, remporté par les écologistes Christelle Isselé et Michel Lorentz (Divers écologistes, bizarrement étiquetés Divers centre par le ministère de l'Intérieur).
Sur les six cantons de Strasbourg, scrutée à la loupe, la droite a conservé les quatrième et sixième cantons en battant les écologistes sans surprise. Il s'y jouait la prolongation des élections municipales : les Verts ont déjà défait les socialistes en 2020. Quatre cantons étaient détenus par des figures de l'ancienne majorité municipale (PS, LREM), et les écologistes les ont affrontées.
Ces quatre cantons étaient gagnables par les unions formées par la gauche et les écologistes (EELV, PCF, DVE, Génération.s). Le premier canton a été gagné en battant un binôme LREM (le socialiste Mathieu Cahn était conseiller sortant mais a été éliminé au premier tour). Le deuxième a aussi été remporté, mais à moins d'une centaine de voix. Les socialistes ont réussi à garder le troisième canton, et le parti présidentiel le cinquième (malgré un ballotage défavorable).
Les socialistes et autonomistes en déroute
Les alliances conclues par les écologistes et le Parti communiste français (PCF, qui entre à nouveau au département) ont privé les socialistes de quatre de leurs six sièges. Françoise Bey et Serge Oehler ont réussi néanmoins à sauver les leurs dans le canton de Strasbourg-3. Personnalités politiques autrefois bien établies, Mathieu Cahn, Éric Elkouby, et Martine Jung n'ont plus aucun mandat...
À noter la réélection de Marie-France Vallat et Pierre Vogt dans le canton de Wittenheim. Ce binôme possède une étiquette Divers droite (DVD), bien que le ministère de l'Intérieur leur attribue une étiquette Divers gauche (DVG). Il faut préciser que ce binôme ne se réclame en fait d'aucune étiquette. Et qu'il a siégé avec la majorité de droite et du centre au département du Haut-Rhin, puis à la CEA.
Toujours dans le Haut-Rhin, les autonomistes d'Unser Land, Marie-Christine Huber-Braun et Jean-Denis Zoellé, n'ont réuni qu'un tiers des voix dans le canton de Saint-Louis. Il s'agissait du seul où le parti alsacien était présent au second tour.
Les résultats chiches de la majorité présidentielle
Pour La République en marche (LREM), deux élu(e)s avec l'étiquette LREM ont gagné. Il s'agit respectivement de Lara Million, dans le canton de Mulhouse-2. Et de Nicolas Matt (ex-PS), qui a sauvé son siège dans le canton de Strasbourg-5 après avoir été menacé par les écologistes. Sa colistière est Anne Reymann, du parti de centre-droit Agir. Dans le canton de Strasbourg-1, le duo macroniste d'Édith Peirotes et Mathieu Zeggiato a été battu par les écologistes.
Sous une étiquette Divers centre (DVC), on retrouve Brigitte Klinkert du canton de Colmar-2. Il faut noter qu'elle a été élue avec Éric Straumann (LR). Elle est proche de La République en marche (LREM), puisqu'elle a mené la liste de la majorité présidentielle aux élections régionales, en plus d'être ministre déléguée à l'Insertion professionnelle.
Élu conseiller d'Alsace dans le canton de Mulhouse-2 avec Fatima Jenn (DVC), le député du Haut-Rhin Bruno Fuchs fait partie du Modem. Il s'inscrit donc lui aussi dans l'action de la majorité présidentielle.
Les espoirs déçus de l'extrême-droite
"On doit se remettre en question, notamment sur notre manière de mobiliser", constatait Christelle Ritz du Rassemblement national (RN, ex-FN) lors de la soirée électorale du 27 juin. Elle venait d'apprendre qu'il n'y aurait pas de conseillère ou conseiller d'Alsace provenant du parti frontiste.
C'est aussi le cas dans les cantons où les scores RN sont les plus élevés. Dans celui d'Ensisheim, le binôme RN n'a pas dépassé 41% des voix. Et dans celui de Wintzenheim, les 38% n'ont pas été dépassés.
Répartition des sièges en détail
Voici le détail des partis représentés par les nouvelles conseillères et nouveaux conseillers d'Alsace (voir infographie ci-dessous). La liste qui suit permet d'avoir un décompte, de droite à gauche de l'hémicycle. Les noms soulignés indiquent un binôme sortant réélu.
Les Républicains (LR) : 42 sièges soit la majorité absolue
Étienne Burger et Marie-Paule Lehmann (Bouxwiller), Étienne Wolf et Christiane Wolfhugel (Brumath), Laurence Muller-Bronn (Erstein), Isabelle Dollinger et André Erb (Haguenau), Vincent Debes et Cécile Delattre (Hoenheim), Élisabeth Dreyfus et Yves Sublon (Illkirch), Valérie Ruch et Marc Séné (Ingwiller), Catherine Graef-Eckert et Sébastien Zaegel (Lingolsheim), Chantal Jeanpert et Philippe Meyer (Molsheim), Frédéric Bierry (Mutzig), Robin Clauss (Obernai), Nathalie Marajo-Guthmuller et Victor Vogt (Reichshoffen), Jean-Claude Buffa et Michèle Eschlimann (Saverne), Danielle Diligent et Jean-Louis Hoerlé (Schiltigheim), Jean-Philippe Vetter (Strasbourg-4), Jean-Philippe Maurer (Strasbourg-6), Paul Heintz et Stéphanie Kochert (Wissembourg)
Annick Luttenbacher et Raphaël Schellenberg (Cernay), Martine Dietrich et Yves Hedeminger (Colmar-1), Éric Straumann (Colmar-2), Joseph Kammerer (Ensisheim), Maxime Beltzung et Isabelle Hector-Butz (Masevaux), Alain Couchot et Catherine Rapp (Mulhouse-1), Pascale Schmidiger et Thomas Zeller (Saint-Louis), Lucien Muller (Wintzenheim)
Divers droite (DVD) : 21 sièges
Monique Houlné (Mutzig), Nathalie Kaltenbach-Ernst (Obernai), Catherine Greigert et Charles Sitzenstuhl (Sélestat), Anne Tenenbaum (Strasbourg-4), Sabine Drexler (Altkirch), Daniel Adrian et Nicole Béha (Brunstatt), Carole Elmlinger (Ensisheim), Francis Kleitz et Karine Pagliarulo (Guebwiller), Vincent Hagenbach et Fabienne Zeller (Kingersheim), Jean-Luc Schildknecht (Mulhouse-3), Patricia Bohn et Marc Munck (Rixheim), Pierre Bihl et Émilie Helderlé (Sainte-Marie-aux-Mines), Monique Martin (Wintzenheim), Marie-France Vallat et Pierre Vogt (Wittenheim)
Agir : 1 siège (DVD sur l'infographie)
Anne Reymann (Strasbourg-5)
Divers centre (DVC) : 2 sièges
Brigitte Klinkert (Colmar-2), Fatima Jenn (Mulhouse-2)
Union des démocrates indépendants (UDI) : 3 sièges (DVC sur info)
Denis Schultz (Erstein), Pascale Jurdant-Pfeiffer (Strasbourg-6), Nicolas Jander (Altkirch)
La République en marche (LREM) : 2 sièges
Nicolas Matt (Strasbourg-5), Lara Million (Mulhouse-3)
Mouvement démocrate (Modem) : 1 siège
Bruno Fuchs (Mulhouse-2)
Parti socialiste (PS) : 2 sièges
Françoise Bey et Serge Oehler (Strasbourg-3)
Divers écolo (DVE) : 3 sièges
Christelle Isselé et Michel Lorentz (Bischwiller), Florian Korbyn (Strasbourg-1)
Europe Écologie Les Verts (EELV) : 2 sièges
Ludivine Quintallet (Strasbourg-1), Damien Frémont (Strasbourg-2)
Parti communiste français (PCF) : 1 siège
Fleur Laronze (Strasbourg-2)
Le mandat de ces 80 conseillères et conseillers d'Alsace sera renouvelé lors des élections départementales de 2028.