Activiste pour le climat et membre du mouvement citoyen "Letzte Generation", Mathilde Irrmann a été condamnée le 27 juin 2023 à une amende de 2.375 euros. La jeune femme originaire de Strasbourg avait perturbé la circulation à Francfort en se collant la main à l'asphalte en avril 2022.
"Ce n'est pas envisageable de me dire que je laisserai le problème du climat à mon fils quand il sera plus grand". C'est par ces mots que Mathilde Irrmann, originaire de Strasbourg, justifie son action qui l'a menée devant la justice allemande, ce mardi 27 juin 2023. L'activiste pour le climat a été condamnée en première instance, par le tribunal de Francfort-sur-le-Main, à une amende de 2.375 euros pour une manifestation contre l'"inaction climatique". Elle a décidé de faire appel de cette décision
Celle qui est actrice dans la série "Bad Banks" et berlinoise depuis neuf ans avait participé à une action du mouvement "Letzte Generation" (dernière génération) en se collant la main sur l'asphalte afin de bloquer la circulation routière. L'événement a eu lieu à Francfort, à l'entrée du pont de la Paix, que les activistes bloquaient en restant assis avec leurs mains collées à l'asphalte.
"C'était ma première action en tant qu'activiste. Je me suis beaucoup posé de questions avant de me demander si c'est bien de bloquer une rue, puis j'en suis arrivée à la conclusion que je devais le faire car l'urgence climatique est trop grande et que l'on a plus le temps", indique Mathilde Irmann.
Le mouvement "Letzte Generation" est coutumier de ce genre de manifestation. En octobre 2022, les activistes avaient collé leurs mains au mur sous le tableau "Les Meules" peint par Claude Monet après y avoir jeté de la purée, au musée Barberini de Potsdam en Allemagne.
Cinq jours de garde à vue
Quelques minutes après s'être collé la main, Mathilde Irrmann constate que la police est déjà sur les lieux. "Ils ont d'abord calmé les automobilistes et réorganisé le trafic routier pour que la circulation puisse reprendre, explique-t-elle, puis ils nous ont décollés de la route, ça a pris près de deux heures". L'actrice a ensuite été emmenée au poste de police avant d'être mise en garde à vue durant cinq jours. "C'est le maximum autorisé dans le land de Hesse", précise-t-elle.
Pour la militante alsacienne, l'expérience a été une épreuve : "C'était très épuisant d'être en garde à vue, c'est quelque chose que je n'aurais pas imaginé il y a quelques années". Selon elle, la police ne connaissait pas ce mouvement et ne "comprenait pas qu'il était non violent". Les activistes ont longuement parlé aux autorités pour exposer leurs objectifs.
Je pourrai dire à mon petit garçon que j'ai essayé de sauver la planète
Mathilde Irrbinn, actrice et militante écologiste pour "Letzte Generation"
Mathilde Irrmann ne regrette rien de ses actions. "Nous avons mis nos corps en danger, en travers de la route. Ce n'est pas rien. J'ai un déterminisme quant à ce que je fais et ça m'a permis d'évacuer un sentiment d'impuissance face au réchauffement climatique. Je sais que je pourrai dire à mon petit garçon que j'ai essayé de sauver la planète, même si je n'ai peut-être pas réussi", admet-elle.
Devant la justice allemande le 22 mai 2023, le procureur a requis, contre l'actrice, une peine de 60 jours de prison ferme ou une amende de 3.000 euros. Toutefois, la séance a été suspendue ce jour-là en raison d'un manque de preuves relatives à la longueur des embouteillages engendrés par le blocage. Le procès a repris et s'est achevé ce 27 juin.
Une résonance avec les Soulèvements de la Terre
Le mouvement "Letzte Generation" a été la cible de plusieurs perquisitions depuis sa création en 2014. Deux de leurs comptes bancaires ont été saisis dans le cadre d'une procédure visant à déterminer s'il s'agit d'une organisation criminelle ou non. "Certains de nos collègues ont été sortis du lit avec un revolver sur la tempe. Certains ont vu les policiers défoncer leur porte d'entrée à 6h du matin alors qu'ils vivent avec des personnes âgées", raconte l'activiste.
Le parquet allemand a admis, le 25 juin 2023, avoir placé sur écoute une partie des militants écologistes de ce mouvement. Le porte-parole du parquet a reconnu que les conversations entre ces membres et des journalistes avec été surveillés. "La surveillance aurait commencé en octobre 2022, nos courriels ont aussi été scrutés", déplore Mathilde Irrmann.
Une situation qui rappelle celle du mouvement des Soulèvements de la Terre en France. Bien qu'ils n'aient pas été mis sur écoute, le collectif a été dissous par le gouvernement. Des interpellations de certains membres ont même été menées par la sous-direction antiterroriste (Sdat) de la police judiciaire. Au total, une trentaine de personnes ont été placées en garde à vue, dont un élu marseillais, suite aux actions contre la cimenterie de Bouc-Bel-Air (Bouches-du-Rhône) et aux affrontements à Sainte-Soline (Deux-Sèvres).
La dissolution du mouvement français a choqué la jeune femme, sans la surprendre. "Il y a des dérives autoritaires en France, autres qu'en Allemagne. Le plus inquiétant, c’est de voir que les gouvernements choisissent de nous criminaliser plutôt que de prendre des actions pour protéger la planète. On préfère nous faire peur à nous plutôt que de remettre en cause un système mortifère". L'activiste ne prévoit pas d'arrêter ses actions. Elle estime que les dissolutions ordonnées par les autorités ne freineront jamais leur détermination.