En marge de sa visite dans le Bas-Rhin le 19 avril 2023, le président Emmanuel Macron déclare ne pas vouloir créer de "nouvelles divisions" et semble fermer la porte à une sortie de l'Alsace du Grand Est. Les élus alsaciens de la majorité temporisent et parlent d'une volonté de "calmer les ardeurs".
Alors qu'il s'était dit favorable à une "réflexion" sur la sortie du Grand Est durant la dernière campagne présidentielle, Emmanuel Macron fait volte-face. Après sa visite chahutée dans le Bas-Rhin, le mercredi 19 avril, le président de la République semble mettre un terme au retour d'une région Alsace, telle qu'elle existait avant la réforme territoriale mise en place par François Hollande en 2014.
Dans un entretien accordé aux Dernières nouvelles d'Alsace, les espoirs des Alsaciens, qui s'étaient prononcé à 92,4% pour une sortie du Grand Est lors d'une consultation de la CEA, paraissent douchés. "Je veux que les Alsaciens [...] sachent que la région Grand Est leur apporte beaucoup. C'est le cas notamment pour les transports, l'aménagement du territoire. C'est plus que ce que l'Alsace aurait pu faire seule", lance-t-il en ajoutant, "Je suis aussi attaché à ce que l’on ne crée pas de nouvelles divisions".
Les élus de la majorité temporisent
Ces propos ont suscité de l'émoi au sein même des députés alsaciens de la majorité. Un communiqué de presse a d'ailleurs été publié et signé par tous les élus, à l'exception de Louise Morel. Au lendemain de la déclaration d'Emmanuel Macron, ils affirment que les "portes ne sont pas fermées" et qu'ils "iront jusqu'au bout pour obtenir cette différenciation" avec la grande région.
Parmi les signataires, Brigitte Klinkert. "Je suis loyale à mes engagements", rappelle la députée Renaissance de la 1ère circonscription du Haut-Rhin, à France 3 Alsace. L'élue confirme qu'au cours d'un échange téléphonique avec le président de la République ce jeudi 20 avril, ce dernier lui a assuré que "les évolutions doivent se faire dans le dialogue et que les Alsaciens peuvent lui faire confiance" sur ce sujet. "Il y a une volonté de la part du président de calmer les ardeurs, mais le changement institutionnel voulu reste à l'ordre du jour", confirme Hubert Ott, député MoDem de la 2e circonscription du Haut-Rhin.
L'objectif est que le texte puisse être discuté à l'assemblée en 2024
Brigitte Klinkert, députée Renaissance de la 1ère circonscription du Haut-Rhin
Dans son interview, 'Emmanuel Macron évoque les répercussions positives du Grand Est pour l'Alsace, le député haut-rhinois rappelle que des problèmes persistent. "Il faut reprendre la main sur toutes les compétences de la région qui est trop centralisée. La situation dans les trains est parfois très compliquée, comme au col du Bonhomme où les wagons sont surencombrés en permanence", indique-t-il.
L'interview du président de la République ne semble pas démotiver les troupes dont "l'objectif est que le texte sur la sortie de l'Alsace du Grand Est puisse être discuté à l'assemblée en 2024", selon Brigitte Klinkert.
Les députés de l'opposition vent debout
Franck Leroy, président du Grand Est, affirme que certains "élus ne mesurent pas tout ce qu'apporte la région à l'Alsace", notamment d'un point de vue financier. Mais les députés alsaciens Les Républicains ne partagent pas le même avis. "Je n'ai pas été surpris par cette interview. Ce n'est pas un dérapage, selon moi. Il dit clairement aux Alsaciens de se contenter de ce qu'ils ont. Il jette de l'huile sur le feu tout en étant irresponsable", confie Raphaël Schellenberger, député LR de la 4e circonscription du Haut-Rhin, qui avait aussi déposé une proposition de loi en juin 2022 sur cette question. Lui et son collègue Patrick Hetzel, député de la 7ème circonscription du Bas-Rhin, indiquent qu'ils travailleront, dans les prochaines semaines, sur une nouvelle proposition de loi dotée d'un "texte plus technique et pouvant être appliqué sur le terrain"
Le parti politique Unser Land, qui revendique une Alsace autonome, estime que le chef de l'État renvoie "une fin de non-recevoir". "Macron vient d’envoyer une gifle cinglante à toute l’Alsace, laquelle l’avait pourtant plutôt soutenu jusqu’à présent [...] lorsqu’un président de la République s’estime ainsi seul détenteur de la vérité et gouverne contre le peuple, nous disons qu’il est du devoir de tout démocrate de l’arrêter", s'indigne Jean-Georges Trouillet, son président.
De son côté, Frédéric Bierry, président de la CEA, qui a lancé une contribution populaire pour préparer la sortie de l'Alsace du Grand Est, ne s'est toujours pas exprimé.