La vie après les inondations à Diemeringen : "On a tout perdu"

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Sujet Rund Um en alsacien sous-titré ©France Télévisions

Les inondations du 17 mai 2024 ont laissé de lourdes séquelles à Diemeringen, un petit village d'Alsace bossue. Des habitants n'ont plus de logement, des commerçants devront patienter des mois avant de pouvoir rouvrir. Témoignages.

À Diemeringen (Bas-Rhin), le temps semble comme suspendu depuis les inondations qui ont frappé la commune de 1.600 âmes, le vendredi 17 mai 2024. Plusieurs commerces ont le rideau baissé, des bâtiments et maisons sont tristement inoccupés. Mais le calme apparent tranche avec l'agitation qui règne souvent à l'intérieur. 

Dès le samedi suivant cette journée noire, Bertrand Bauer s'est mis au travail. Son loft, une ancienne grange qu'il a totalement rénovée il y a seulement un an et demi, est inhabitable. L'eau est montée jusqu'à 70 centimètres à l'intérieur. "Je viens de démonter la cuisine, c'est le dernier élément que je n'avais pas encore sorti. Tout est fichu, il ne reste rien. Le réfrigérateur, le four, tout est cassé", confie-t-il. Seules quelques maquettes de bateaux installées en hauteur - "mes occupations en hiver" - ont résisté à la boue. "C'est tout ce qu’il me reste…", poursuit-il.

Quand on voit ça à la télé, c'est impressionnant, mais quand on le vit... C'est très, très dur

Bertrand Bauer

Habitant de Diemeringen

Bertrand Bauer a dû agir vite : retirer dès que possible les meubles et le parquet, tous abîmés et gondolés, pour permettre aux murs et au sol de sécher. Son logement est quasiment vide. "À cinq minutes près, ma voiture aurait également été emportée. J'ai pu la déplacer in extremis. Quand on voit ça à la télé, c'est impressionnant, mais quand on le vit... C'est très, très dur", raconte cet habitant, qui tient toutefois à relativiser, ému : "Ma femme est toujours en vie, mes enfants aussi, c'est le plus important."

Dans un premier temps, le septuagénaire et sa femme ont été hébergés par des voisins, puis de la famille. Ils vivent désormais dans un meublé, qu'ils ont trouvé à louer à quelques kilomètres de Diemeringen. Ils y resteront le temps des travaux, au moins quatre ou cinq mois d'après les artisans qui ont constaté l'ampleur des dégâts. "Je veux revenir ici. Mais une fois, pas deux. Si un tel événement venait à se reproduire, ce serait fini", conclut-il.

Dans les commerces, gros outils et artisans ont remplacé marchandise et clients

Une lente reconstruction, à laquelle se préparent d'autres résidents et commerçants du village. 150 bâtiments, dont 54 commerces, ont subi des dégâts lors des inondations. Marimod, la boutique de Patricia Stirmann et Simone Hofstetter, située Grand Rue, est ravagée. Les gros outils et les artisans ont remplacé les vêtements et les clients. 

"C'est un crève-cœur d'observer tout ça, souffle Patricia Stirmann. Le samedi matin, quand on a découvert le chaos dans le magasin, on a pleuré. Ça fait vraiment mal. Il faut tout jeter. Notre magasin était si beau, on venait de refaire les vitrines avant la fête des mères..."

Tout est sale, plein de boue. Les vêtements ne sont même pas encore secs, certains commencent à moisir.

Simone Hofstetter

Cogérante du magasin Marimod

Avec sa collègue et cogérante, elles passent leurs journées sur place pour dresser l'état des lieux du stock. Mais elles savent d'ores et déjà qu'environ la moitié de la marchandise est invendable. "Tout est sale, plein de boue. Les vêtements ne sont même pas encore secs, certains commencent à moisir", décrit Simone Hofstetter. La force de l'eau, qui a atteint un mètre, a renversé les portants et les comptoirs sur lesquels les deux commerçantes avaient placé des habits, dans l'espoir de les protéger.

Elles devront s'armer de patience avant de pouvoir rouvrir. À l'automne au plus tôt. Difficile à encaisser pour elles, dans le métier depuis plus de 40 ans. Leur boutique est une institution à Diemeringen. Des clientes passent régulièrement leur apporter du soutien. Un réconfort apprécié dans le marathon de paperasserie et de coups de téléphone avec les experts et assurances.

Au-delà du traumatisme, la maire ne veut pas reproduire les erreurs du passé

Le jour suivant les inondations déjà, un énorme élan de solidarité s'était manifesté partout à Diemeringen. Des habitants, des anonymes venus parfois de loin, ont spontanément prêté main forte pour nettoyer, ranger. "C'était incroyable", témoigne Murielle Luschnat. Son commerce, Nakina Boutique, restera lui aussi fermé pour plusieurs semaines.

Mais il faudra bien plus de temps à la gérante pour se remettre de ce vendredi noir. "Je voulais rester ici pour sauver ma marchandise. Mon mari a fini par appeler les pompiers. Il m’a dit de sortir car on ne savait pas jusqu’où l’eau allait monter. Je suis partie avec les pompiers sur une petite barque. C'est quelque chose qu'on n'oubliera jamais", explique-t-elle, en écho aux propos de sa voisine Patricia Stirmann, qui se souvient "avoir hurlé. Je me suis dit : il faut absolument que je sorte, tout va s'effondrer sur ma tête. Je suis partie par l’arrière et j’avais déjà de l’eau jusqu’à l’entrejambe."

Ce qu’on vient de vivre peut très bien se reproduire. Le réchauffement climatique est une réalité, on n’a pas le droit de l’oublier et d’aller contre la nature.

Nicole Oury

Maire de Diemeringen

Un traumatisme général, dont Nicole Oury, la maire du village, veut tirer des enseignements. Plusieurs bâtiments communaux, dont l'école maternelle, sont en partie détruits.

Il a fallu faire de la place pour accueillir les élèves ailleurs. Un vrai casse-tête pour l'élue, et ce n'est pas terminé, car elle refuse de rouvrir l'école : "Ce bâtiment a été construit dans une zone inondable, à l’époque. Dans ces conditions, on ne peut pas faire revenir les enfants ici, c’est hors de question. Ce qu’on vient de vivre peut très bien se reproduire. Le réchauffement climatique est une réalité, on n’a pas le droit de l’oublier et d’aller contre la nature."

Autrement dit, ne pas reproduire les erreurs du passé pour préparer l'avenir. Même si Diemeringen n’avait plus connu de telles inondations depuis 1955.

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