Le tribunal administratif de Strasbourg, saisi d'une procédure en référé-liberté visant à annuler l’arrêté préfectoral qui impose le port du masque à l'extérieur dans les villes de plus de 10.000 habitants du Bas-Rhin, a demandé ce 2 septembre à la préfète d'édicter un nouvel arrêté.
Le tribunal administratif de Strasbourg a été saisi d'une procédure en référé-liberté visant à annuler l’arrêté de la préfecture du Bas-Rhin qui impose le port obligatoire du masque à l'extérieur, dans les communes de plus de 10.000 habitants du département. Dans son ordonnance publiée ce mercredi 2 septembre, le juge des référés a demandé à la préfète Josiane Chevalier d'édicter un nouvel l'arrêté, excluant les communes et "les périodes horaires" qui ne sont pas caractérisées "par une forte densité de population" ou "des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion" du coronavirus, avant le lundi 7 septembre à 12h.
La préfecture ne fait pas appel
Dans un communiqué diffusé dans la soirée du 2 septembre, la préfecture annonce qu'elle ne fera pas appel de la décision du tribunal et mettra en oeuvre "sans délai la décision en s’appuyant sur le couple « maire-préfet ». La préfète invite les maires des 13 communes de plus de 10.000 habitants du département "à lui faire connaître pour chacune de leur commune les secteurs et périodes pour lesquels ils considèrent que le port du masque est souhaitable."Elle propose aux édiles de "soumettre les propositions qu’ils lui feront à leur conseil municipal", ce qui semble compliqué à organiser en terme de temps, avant le 7 septembre. Le délai pour la convocation d'un conseil municipal est de cinq jours francs pour les communes de plus de 3.500 habitants. La Ville de Strasbourg a ainsi d'ores et déjà annoncé qu'elle définira ses propositions lors du conseil municipal du 21 septembre.
Une réunion entre l'ensemble des maires et Josiane Chevalier doit se tenir vendredi 4 septembre. Mais si le 7 septembre à midi, la concertation entre les mairies concernées et la préfecture n'est pas achevée, il pourrait y avoir une période de vacance, sans réglementation.
Le "caractère général et absolu" de l'arrêté contesté
Dans son ordonnance, le juge a rappelé que le texte actuel porte sur une période de 33 jours, et surtout qu'il "s'applique toute la journée et sur l'ensemble du territoire des 13 communes concernées". "La préfète du Bas-Rhin, à qui le caractère général et absolu de son arrêté a été opposé à la barre, n'a apporté aucune justification sur ce point, alors que les dispositions précitées de l'article 1er du décret du 10 juillet 2020 autorise uniquement le représentant de l'Etat à rendre le port du masque obligatoire lorsque les circonstances locales l'exigent.Il ajoute "qu' il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait en permanence et sur la totalité des bans communaux concernés une forte concentration de population ou des circonstances particulières susceptibles de contribuer à l'expansion de la covid19".
"Une atteinte immédiate à la liberté d'aller et de venir"
Le juge indique également que l'arrêté contesté "porte une atteinte immédiate à la liberté d'aller et de venir et à la liberté personnelle des personnes appelées à se déplacer sur le territoire des communes dans lesquelles il s'applique. Il n'apparaît pas, notamment pour les motifs exposés aux points précédents, qu'un intéret public suddisant s'attache à son maintien dans son intégralité et jusqu'au 30 septembre."Il enjoint donc la préfète à produire "un nouvel arrêté excluant de l'obligation du port du masque les lieux des communes concernées et les périodes horaires qui ne sont pas caractérisées par une forte densité de population ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion de ce virus, au plus tard le lundi 7 septembre à 12h."
Si la préfète du Bas-Rhin n'a pas pris ces nouvelles dispositions dans les délais impartis, "l'exécution de son arrêté du 28 août sera automatiquement suspendue" menace le tribunal.
Deux professionnels de santé à l'origine du recours
Deux Strasbourgeois, le psychologue hospitalier Vincent Feireisen et le médecin Christian Chartier, sont à l'origine de ce recours. Ils avaient déjà saisi la justice au mois de mai, pour contester l’arrêté municipal rendant obligatoire le port du masque dans le centre-ville de Strasbourg."Nous se sommes pas du tout anti-masque", indique Vincent Feireisen. Le psychologue, touché par le covid entre mars et juin pointe "le caractère disproportionné de cet arrêté". "On met en place des contraintes, ce n'est pas de la prévention, mais une forme de contrôle social qui viole ostensiblement la vie privée car disproportionnée et inadéquate à ce qui est visé : la protection de la santé. Depuis le début de l'épidémie et sans contraintes, les gens dans les magasins et dans les lieux clos mettent le masque, car ils sont intelligents".
Selon lui, l'arrêté préfectoral du 7 août, qui rendait obligatoire le port du masque en extérieur sur les marchés, brocantes, et pour les rassemblement de plus de dix personnes, était "plus pertinent, plus mesuré". Le fait de devoir le porter systématiquement à l’extérieur, sur tout le territoire de la commune, même dans les parcs comme l'Orangerie, lui semble inutile.
"On a pas d’informations scientifiques bien établies concernant l’utilité du masque à l’extérieur si la distanciation physique peut être respectée" explique-t-il. "Si une distance physique ne peut pas être possible, là ça prend du sens", précise-t-il. "Mieux vaut se centrer sur les espaces intérieurs, nous sommes du côté de la prévention, de l’éducation par la santé". "Si on infantilise les gens comme ça, où allons-nous ?, s'interroge le professionnel de santé.
Mercredi, les deux hommes ont appelé la préfète "à se rapprocher des maires des villes concernées, afin de définir avec nos élu.e.s les horaires et les lieux où le port du masque à l’extérieur constituera un outil supplémentaire de protection contre l’épidémie, en association avec les gestes barrières indispensables." "C'est une victoire et une satisfaction, c'est exactement ce qu'on avait plaidé", mardi à l'audience, a réagi le même jour leur avocat, Me Marc Jantkowiak.