Magasin de producteurs, brasserie, pub... Depuis six mois, la coopérative Kooma fait la part belle à l'alimentation bio, en plein cœur de Strasbourg. Un véritable lieu de vie, qui réunit agriculteurs, restaurateurs et citoyens.
C'est un lieu unique en son genre, entièrement dédié au bio, qui a ouvert ses portes il y a six mois pour régaler les Strasbourgeois (mais pas seulement). Sur le site de l'ancienne Manufacture des Tabacs, Kooma défend le bien manger, local et durable. Un magasin de producteurs, des restaurants et un espace animation sont rassemblés dans un même bâtiment. Du champ à l'assiette, sans intermédiaire, c'est toute l'idée.
14 producteurs sont engagés dans l'aventure. Tous, hormis un Mosellan, sont alsaciens. Ils gèrent ensemble leur magasin. "Nous sommes tous patrons, explique François Beiner, viticulteur. C’est un beau projet. C'est nous qui décidons et fixons les prix de manière à pouvoir vivre dignement et à payer nos collaborateurs correctement. Kooma nous permet de faire notre métier comme on a envie de le faire."
L'intérêt pour lui, comme pour ses collègues : avoir un point de vente ouvert en permanence à Strasbourg. De quoi gagner en visibilité, et en proximité avec les consommateurs. Car les agriculteurs sont présents régulièrement au magasin, ils assurent des permanences à tour de rôle aux côtés des salariés.
Aller au contact des clients
"L'idée, c'est d'amener nos produits en ville, mais aussi d'expliquer notre démarche. Aucun d'entre nous ne serait agriculteur s'il ne travaillait pas en bio. On veut expliquer au client d'où vient le produit qu'il consomme", indique Vincent Schotter, maraîcher et président du groupement de producteurs.
Une pédagogie indispensable pour Kévin Goetz, éleveur. Il prend l'exemple de son jambon : "Depuis 30 ou 40 ans, on a habitué les consommateurs à ce qu'il soit de couleur rose, mais normalement, il n’est pas rose, il est plutôt grisâtre. C’est le cas chez nous, car on n'utilise ni additif ni sel nitrité, et on voulait pouvoir l'expliquer aux clients. Dans un magasin qui propose six jambons différents, c'est beaucoup plus difficile de justifier pourquoi le sien se distingue."
Grâce à Kooma, les agriculteurs veulent ainsi pouvoir rester fidèles à leurs convictions. Et Vincent Schotter est convaincu que ce premier magasin de producteurs 100% bio à Strasbourg a de l'avenir. Si le marché bio recule ces derniers mois, c'est surtout au niveau des grandes surfaces, assure-t-il, mais la demande serait bien là.
"Pendant 15 ans, le bio a progressé de 10 ou 15% chaque année. Puis il y a eu un ralentissement après le covid et certaines grandes surfaces ont tout simplement décidé de supprimer les rayons. Forcément, ça fait baisser les chiffres. Mais sur nos fermes, les ventes continuent à augmenter de 5%. Preuve que le consommateur a envie de faire ses courses directement chez le producteur."
Un premier bilan plutôt positif
Le maraîcher est également présent sur des marchés et des AMAP, mais il espère pouvoir rapidement se focaliser sur le magasin de producteurs : "Certes, un marché nous coûte moins cher au départ : on paye environ deux euros le mètre linéaire, alors qu'ici, 28% de ce que l’on gagne est reversé au magasin pour les frais de fonctionnement. Mais malgré tout, ça vaut le coup. Parce qu’un marché nous demande aussi beaucoup de temps. Pareil pour les AMAP, il faut préparer les commandes. L’idéal pour nous, ce serait de pouvoir concentrer 20 ou 30% de nos ventes ici, en un lieu. Et cela permettrait de faire de la place sur les marchés à de petites fermes qui démarrent."
Après six mois, Vincent Schotter et ses collègues dressent un premier bilan positif, même si la fréquentation n'atteint pas encore le niveau escompté. La faute à des travaux qui ont pris du retard sur le site de la Manufacture et dans les rues aux alentours, décourageant les passants à entrer.
Mais ils ont confiance en le potentiel de Kooma. Car au-delà du magasin de producteurs locaux, c'est aussi une épicerie d'ici et du monde, une brasserie, un pub, un espace animations... Le tout 100% bio. L'aboutissement de neuf ans de réflexion menée par un collectif d'acteurs engagés : agriculteurs, restaurateurs, associations, citoyens et collectivités territoriales, rassemblés au sein d'une Société Coopérative d'Intérêt Collectif (SCIC).
Une coopérative qui mise sur le bien-être
Ils construisent le projet ensemble, avec des règles de base. Au moins 70% des produits cuisinés à la brasserie doivent par exemple provenir des producteurs de Kooma. "On s'est entourés de personnes convaincues par la bio, qui comprennent que les légumes ont bien plus de goût et qu’il faut parfois travailler les produits différemment pour les valoriser. La viande, par exemple : pourquoi ne pas utiliser un morceau moins noble pour sublimer une sauce... C'est toute notre démarche, proposer une cuisine de brasserie simple mais de qualité", décrit Kévin Goetz. L'éleveur est également le directeur général de la coopérative.
Des ateliers cuisine et des conférences sont régulièrement organisés. Kooma, dans le quartier de la Krutenau, veut être un lieu où il fait bon vivre. Jean-Sébastien Chaise, citoyen strasbourgeois, est impliqué depuis le départ. Son envie : se reconnecter au sol et à la campagne et combattre l'irrespect climatique.
Il fait partie du comité coopératif, participe donc aux décisions pour faire évoluer le projet, et offre régulièrement de son temps : "Je suis bénévole de différentes manières. Je donne des coups de main lors d'événements et je dispense des massages. J'ai un diplôme, donc j'en fais profiter les employés qui en ont envie. Pour moi, ça fait partie des valeurs de ce lieu qu'il y ait du bien-être et qu'on prenne soin des gens qui travaillent", confie-t-il.
Livraisons, casiers, rooftop... les idées ne manquent pas
Comme une grande famille où chacun prend soin des autres. Cela passe par l'alimentation et tout un état d'esprit qui va avec. "Pour nous, ce modèle, c'est l’avenir. Il faut respecter le consommateur. On ne peut pas vendre n’importe quoi. Le client est un être humain, il veut bien manger, soigner l’avenir de ses enfants. On se bat pour ces valeurs. On ne veut pas empoisonner les gens", conclut Vincent Schotter.
D'ici quelques mois, en plus de la brasserie et du pub, un troisième espace de restauration va ouvrir. Les producteurs envisagent également de proposer des livraisons et d'installer des casiers à côté du magasin pour permettre aux clients d'y déposer leurs courses le temps de se restaurer. Prochainement, un rooftop sera également opérationnel. De quoi déjeuner, dîner ou boire un verre avec vue sur la Cathédrale. Les idées ne manquent pas à Kooma.