Procès de l'attentat de Strasbourg : pour ses avocats, "Audrey Mondjehi est juste un type qui n'a rien vu venir"

À la veille du verdict du procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg, les avocats d'Audrey Mondjehi ont soutenu que leur client ignorait tout du projet terroriste de Chérif Chekatt. Ils ont dénoncé le "cynisme" du parquet national antiterroriste, qui a requis 30 ans de prison.

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Pendant près de neuf heures, huit avocats se sont succédé à la barre de mercredi 3 avril 2024. D'abord Amandine Sbidian, avocate de Stéphane Bodein, contre qui le parquet national antiterroriste a requis l'acquittement la veille. Puis Rachid Madid et Moad Nefati, conseils de Christian Hoffmann, accusé d'avoir livré deux armes à Audrey Mondjehi pour le compte de Chérif Chekatt.

Enfin, Raphaëlle Rischmann et Guillaume Halbique pour Frédéric Bodein, qui a transmis le numéro d'Albert Bodein, le fournisseur de l'arme qui servira à commettre l'attentat du 11 décembre 2018. Tous ont demandé les acquittements de leurs clients accusés d'association de malfaiteurs. Mais la journée a été marquée par les plaidoiries des conseils d'Audrey Mondejhi, le seul accusé à faire face à des charges terroristes.

Wacquez s'en prend à l'accusation

24 heures plus tôt, les avocats généraux avaient requis 30 ans de réclusion assortie d'une période de sûreté aux deux tiers et d'une interdiction du territoire français contre l'Ivoirien de 42 ans. Sur ce dernier point, Michael Wacquez, avocat d'Audrey Mondjehi, n'a pas hésité à dénoncer le "cynisme" du parquet et le "mépris de l'accusation" envers les quatre accusés. De quoi esquisser un sourire narquois sur le visage de l'avocat général. "30 ans, quand on en a 42, c'est infranchissable", tacle la défense.

"Il y a une volonté indéfectible de la part de l'accusation de faire de cet homme un coupable idéal", lance Michael Wacquez. "Si Chérif Chekatt est le terroriste, il a forcément un complice. Alors il faut le trouver. Il est là, quelque part. Et Monsieur Mondjehi, on a décidé que ça sera vous. [...] On demande une exigence de preuve, pas une simple déduction. Ça ressemble à un coupable, mais c'est tout. Ce n'est pas aussi simple, le droit", complète son confrère Harold Bataille.

Ce dernier a reconnu un trait de la personnalité de son client que toute l'audience a remarqué depuis le début de ce procès un mois plus tôt. "Audrey Mondjehi se défend mal. Il s'interroge, change de sujet, ne comprend pas les questions, revient sur un point de détail d'une minute à l'autre."

Il n'y a pas de stratégie du côté de monsieur Mondjehi

Harold Bataille

Avocat d'Audrey Mondjehi

La veille, le ministère public avait assuré que le rappeur strasbourgeois avait voulu faire croire une version selon laquelle il ignorait tout de la radicalité de Chérif Chekatt. "Il n'y a aucune volonté de sa part de travestir quoi que ce soit. Il n'y a pas de stratégie du côté de monsieur Mondjehi. Il y a juste un homme, seul dans son box, dépassé par les enjeux et écrasé par ce qu'il risque", répond Harold Bataille.

Ce dernier a rappelé les absences de Chérif Chekatt au procès, tué par la police, et du fournisseur de l'arme Albert Bodein, jugé inapte à suivre l'audience en raison de son état de santé. "Audrey Mondjehi a reçu la souffrance des victimes en pleine figure. Ce sentiment qu'on attend forcément quelque chose de lui, qu'il est forcément responsable de ça."

Mondjehi, "un accusé pris au piège" ?

Harold Bataille note aussi l'absence de membres de la famille de Chérif Chekatt sur le banc des accusés. "Ça donne une coloration particulière à ce dossier, une idée du sort qu'on va réserver à Audrey Mondjehi. Il y a le sentiment de voir un accusé pris au siège. Au début, on ricane de ses réponses. Puis ça en devient triste."

"Il a beau répéter mille fois le mot 'jamais', on lui dit 'Non Audrey, n'importe qui aurait pu savoir que Chekatt était radicalisé'. Ou alors, Audrey Mondjehi est juste quelqu'un de différent, qui n'a pas la même perception des choses", continue l'avocat à la barre, taclant "les approximations opportunes du parquet" dans ses arguments.

Pas de caractère terroriste pour la défense

"Monsieur Mondjehi ne prétend pas qu'il est complètement innocent. La réalité, c'est qu'il a servi d'intermédiaire pour l'acquisition d'une arme. Simplement, il ignorait la radicalisation de Chérif Chekatt", ajoute Harold Bataille. Plus tard, Michael Wacquez demandera à la cour d'assises spéciale de juger en conséquence : "L'association de malfaiteur terroriste ne peut pas tenir. S'il doit être condamné, c'est uniquement pour une association de malfaiteurs de droit commun."

En aidant Chérif Chekatt à se procurer une arme, Audrey Mondjehi a commis "une gigantesque connerie qui a eu des conséquences énormes" selon Harold Bataille. Pour ce dernier, son client n'avait pas de mobile. "C'est juste un type qui n'a rien vu venir et qui ne se serait jamais lié à un projet pareil. [...] On vous vend la fable du duo parfait mais c'est le piège dans lequel on essaie d'entraîner la cour", continue-t-il en visant le Pnat. Le verdict est attendu ce 4 avril après les dernières paroles des accusés.

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