Procès de l'attentat de Strasbourg : le principal accusé Audrey Mondjehi complice du terroriste Chérif Chekatt ou "couillon de service" ?

L'interrogatoire d'Audrey Mondjehi, principal accusé du procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg, s'est terminé ce 28 mars. La cour d'assises spéciale s'est intéressée aux trajets qu'il a effectué avec le terroriste le 11 décembre.

En emmenant Chérif Chekatt à Colmar chercher une arme le 11 décembre 2018, Audrey Mondjehi savait-il ce que son passager comptait en faire ? L'accusé assure qu'il pensait que c'était pour un braquage. "Je ne lui ai pas demandé, je n'allais pas dans les détails", répète-t-il depuis plus d'une semaine pendant son interrogatoire.

Six jours plus tôt, les deux hommes avaient fait la route de Strasbourg à Sélestat pour rencontrer la fratrie Bodein, connue d'après Mondjehi comme étant des vendeurs d'armes. De ce rendez-vous, Audrey Mondjehi obtient le numéro d'Albert Bodein, qui pourrait les aider dans leur quête.

Depuis septembre et le jour où Chekatt a demandé à Mondjehi s'il peut lui fournir une arme, les deux compères sont fourrés ensemble. Ils traînent, s'appellent et s'envoient des SMS très régulièrement. Plus de 350 fois d'après l'avocat général. Puis le 11 décembre au matin, tout s'accélère. À 6h d'abord, le domicile de Chérif Chekatt à Strasbourg est perquisitionné. Les forces de l'ordre le recherchent pour un braquage commis en août à Eckbolsheim. Ce matin-là, Chekatt n'est pas là et dort chez sa mère.

Son père l'appelle pour le prévenir : "Les chiens te cherchent". Après cet appel, Chérif Chekatt casse sa puce de téléphone. Peu avant 10h, il demande à un passant son téléphone et joint Audrey Mondjehi. Aussitôt, le rappeur débarque avec son Audi TT orange. "Vous arrêtez tout ce que vous faites et vous foncez retrouver Chérif Chekatt ?", demande la présidente à l'accusé. "Oui, je suis quelqu'un qui me lève tôt. Je n'avais rien à faire alors, je suis venu."

Il me dit qu'il a l'impression que les policiers le suivent

Audrey Mondjehi

"Quand je retrouve Chérif, il me demande d'appeler le vieux dont j'avais le numéro", explique Mondjehi à l'audience. Les deux hommes prennent la direction de Colmar. Au téléphone, Albert Bodein leur donne rendez-vous sur le parking du magasin BUT. "Sur la route, il me dit qu'il a l'impression que les policiers le suivent", raconte l'accusé. "Et ça ne vous inquiète pas ?", répond Corinne Goetzmann. "Non, il me dit qu'il n'avait rien fait, il ne me parle pas de la perquisition. Mais il était en panique."

Pas de quoi soucier le conducteur qui continue sa route vers le sud. D'abord jusqu'au parking, puis au garage d'Albert Bodein à Wintzenheim (voir carte ci-dessous). "Là, le vieux a ouvert un tiroir avec deux trois armes. Il en a sorti une, l'a montrée à Chérif et lui a donnée. Chérif m'a donné l'argent, je l'ai donné à Albert et il lui a donné l'arme avec 50 cartouches", continue Mondjehi.

Vers 12h45, Chekatt et Mondjehi sont de retour à Strasbourg. L'Ivoirien dépose l'homme de 29 ans à un arrêt de tramway, continue sa vie et reste à Lingolsheim jusqu'au soir. Peu après 20h, son frère lui annonce ce qu'il se passe dans les rues de Strasbourg : un homme tire sur la foule. La cour d'assises spéciale cherche à savoir si l'accusé a très vite pensé à Chekatt alors que le nom du terroriste n'est dévoilé sur les réseaux sociaux qu'après 22h.

"En garde à vue, vous avez dit que quand vous avez entendu ça, vous avez dit 'J’espère que ce n'est pas ce fou de Chérif'", lui fait remarquer la présidente. Mondjehi nie une nouvelle fois. "Pourquoi vous envoyez un SMS au frère de Chérif Chekatt alors ? Est-ce que c'est parce que vous avez immédiatement pensé à lui comme l'auteur de l'attaque ?", continue Corinne Goetzmann. "Non, je ne savais pas que c'était Chérif."

Mondjehi était-il si paniqué ? 

La présidente continue son long interrogatoire, qui dure depuis plusieurs jours. Quand elle demande à quel moment l'accusé comprend que c'est un attentat, ce dernier répond une nouvelle fois à côté de la question et répète une énième fois qu'il ne pensait pas que Chekatt pouvait commettre un tel acte. "Oui, vous l'avez déjà dit vingt fois dans ce procès, si ce n'est plus", souffle Corinne Goetzmann.

Elle se demande aussi pourquoi il semble continuer son train de vie, en allant au restaurant vers la gare moins d'une heure après l'attentat et en demandant à un ami de lui livrer un deuxième repas vers 23h. "Vous êtes devant une cour d'assises spécialement composée, accusé de complicité d'acte terroriste. On essaie de comprendre votre état d'esprit ce soir-là", tente de vulgariser la présidente. Arnaud Friederich, avocat des parties civiles, s'émeut de la légèreté de la conversation qu'il a avec une fille qu'il fréquente le lendemain de l'attentat au vu de la gravité des faits.

 

J'étais pas bien, en panique !

Audrey Mondjehi

"Mais j'étais choqué, j'étais pas bien, en panique ! Si je ne suis pas tout de suite allé à la police, ce n'est pas que j'ai cherché à fuir ou peu importe. Tout le monde a peur dans une affaire de terrorisme", persiste dans son box l'accusé, qui a troqué ses chemises blanches et pâles pour une en velours côtelé.

Ce soir-là, Mondjehi voit beaucoup de proches, en appelle d'autres. Il ira jusqu'à demander à Christian Hoffmann, à qui il avait demandé une arme en septembre, de dormir chez lui à Haguenau, ce que son interlocuteur refuse. "Je ne voulais pas rester à Strasbourg avec tout ce qu'il s'est passé."

Il avait peur d'aller en prison et de ne jamais revoir son fils

Un proche d'Audrey Mondjehi

"Je n'ai jamais vu Audrey dans un tel état de stress. Il avait peur d'aller en prison et de ne jamais revoir son fils", indiquait un proche pendant l'enquête. Bien que la plupart des personnes avec qui il échange le 11 et le 12 lui conseillent de se rendre, Mondjehi retourne chez les Bodein, à Sélestat, le lendemain de l'attentat. "Ils étaient tous en panique. On est allé chez Stéphane et Frédéric et le vieux a trouvé une version qu'on devait donner à la police."

Le 13 décembre, à 11h05, Mondjehi se présente à l'hôtel de police de Strasboug. Pendant sa garde à vue, il est informé de la mort de Chérif Chekatt peu après 21h. Le terroriste vient d'être tué par la police en pleine rue. "Quand vous apprenez ça, vous dites 'C’est bien, il s'attendait à ça'", lui rappelle l'avocate générale. "Comprenez que ça interroge. Vous avez déjà parlé avec lui du fait de mourir sous les balles ?" 

"Jamais !", s'énerve Mondjehi, qui entre dans une colère encore plus vive quand le deuxième avocat général l'interroge sur sa téléphonie. Il pointe une journée où Mondjehi borne non loin de chez Chérif Chekatt après que ce dernier a appelé son ami Michaël Chiolo, un terroriste. "Vous me parlez de Chiolo ?! Un mec qui n'a aucune compassion pour les victimes et qui a dit dans ce procès qu'il était un soldat de l'État islamique ? Je suis venu ici pour laver mon honneur ! Vous allez trop loin alors qu'il n'y a rien du tout ! C'est pour ça que je suis en train de gueuler."

"La téléphonie a été abordée il y a quinze jours. Il n'y a rien de nouveau", ajoute son avocat Michael Wacquez. Rien de nouveau, c'est peu ou prou ce qui ressort de cette fin d'interrogatoire, entre les répétitions d'Audrey Mondjehi et l'agacement qu'il provoque auprès de tout le monde.

Le 28 au matin, l'interrogatoire d'Audrey Mondjehi s'est terminé par les questions de son avocat. Plus tôt, Michael Wacquez lui avait déjà dit qu'il était "complètement paumé" après des réponses au mieux confuses, au pire totalement contradictoires de son client. "On ne va pas vous faire passer pour ce que vous n'êtes pas, un homme doté d'une grande vivacité d'esprit", avait-il ajouté le lendemain. Pour terminer, il lui demande à la toute fin de l'interrogatoire : "On a toujours l’impression que vous êtes le couillon de service." Dans le box, Mondjehi hoche la tête.

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