Rund Um. En dix ans, le nombre de Jersiaises a triplé en France. Cette vache sort peu à peu de l'ombre dans le pays, alors qu'elle est déjà la deuxième race laitière en terme d'effectifs dans le monde. À Berrwiller, la famille Krust ne jure que par elle depuis plus de 20 ans.
Chez les Krust, les Montbéliardes ne sont déjà plus qu'un lointain souvenir. Lorsqu'ils ont rencontré la Jersiaise au salon de l'agriculture à Paris, ils ont eu le coup de foudre. Au point de très vite renouveler leur troupeau et de se lancer dans la création d'une fromagerie, à Berrwiller, en 1999. La vache, originaire de l'île de Jersey, cochait plusieurs cases : plus propice à leur philosophie d'agriculture biologique et surtout plus rentable.
Vingt-trois ans plus tard, ils ne regrettent pas. Thomas, le fils, aujourd'hui à la tête de l'exploitation, ne s'étonne pas de voir la Jersiaise monter enfin en puissance en France. L'effectif aurait été multiplié par trois en une décennie.
"Il y a 10 ans, on répertoriait 7.000 Jersiaises au contrôle laitier, aujourd’hui on est à plus de 30.000, explique l'éleveur. Cela progresse, mais aux Etats-Unis ou en Afrique du Sud, les gros producteurs de lait, il y a déjà beaucoup plus de Jersiaises. C’est même la deuxième vache laitière la plus importante dans le monde. Les gens se rendent enfin compte de l'intérêt de la race. En plus, elle est magnifique avec ses yeux de biche."
En tête de toutes les races pour la richesse de son lait
À commencer par la qualité de son lait. Il est connu pour être plus riche en protéines et en matières grasses, offrant ainsi de meilleurs rendements. Tout en étant plus digeste que la plupart des autres laits de vache.
Thomas Krust vend un tiers de sa production à une laiterie. Il affirme obtenir en moyenne entre dix et douze centimes supplémentaires par litre par rapport à une autre race. Le lait est aussi mieux valorisé lors de la transformation : l'agriculteur dit utiliser 15 litres pour produire un kilo de beurre, alors qu'il en faudrait 30 avec celui d'une Holstein. "La Jersiaise est en tête de toutes les races pour la richesse de son lait, assure-t-il. Cela donne des fromages avec plus de couleur et surtout plus de goût."
Le produit phare de la ferme, le fameux "Bertschwiller", a été commercialisé dans le monde entier. Petit à petit, il laisse la place à d'autres produits, comme le "pèlerin" - une recette de gouda retravaillée - et de la raclette, très appréciés des chefs cuisiniers du coin.
Une empreinte carbone serait inférieure de 20 % par kilo de fromage
Grâce à leurs Jersiaises, les Krust ont ainsi pu se démarquer commercialement. Mais si la race est de plus en plus plébiscitée, c'est également parce qu'elle est particulièrement adaptée à l'agriculture biologique. D’après une étude américaine, son empreinte carbone serait inférieure de 20 % par kilo de fromage à celle des autres vaches.
"La Jersiaise a un petit gabarit, elle se contente de foin et d'un peu de céréales l'hiver. Tout est produit sur le domaine. Une Holstein ne donnerait pas autant de lait avec ces fourrages pauvres", indique encore Thomas Krust, dont les parents ont converti l'exploitation au bio dès 1979.
Ses bêtes pâturent une grande partie de l'année. "Grâce à son poids léger, la Jersiaise peut sortir plus tôt au printemps sans faire de dégâts et rester dehors plus longtemps en automne. Selon le principe du système bio, les vaches doivent passer le plus de temps possible sur les prés. C'est parfaitement possible avec cette race". Des arguments qui parlent pour cette jolie vache, dont la morphologie est faite pour durer.