La foire éco bio de Colmar devrait attirer cette année encore 40.000 visiteurs en quatre jours. Jean-Pierre Frick, l'un des cofondateurs, nous raconte pourquoi ce rendez-vous a été créé voilà 41 ans. Un producteur-exposant de la première heure, témoigne de son évolution.
La foire éco bio de Colmar (45.000 visiteurs en 2019 ) est devenue un rendez-vous annuel incontournable pour ceux qui s'intéressent à l'alimentation et aux produits biologiques. En 2022, après deux ans de pause pour cause de Covid, elle rouvre ses portes.
"C'est la 39e édition, à cause des deux années de l'épidémie, mais on l'a créée il y a 41 ans", explique Jean-Pierre Frick, vigneron en biodynamie à Pfaffenheim (Haut-Rhin) et cofondateur du rendez-vous qui rassemblait alors 4.000 visiteurs.
"Vous imaginez, il n'y avait pas de portable à cette époque, pas de réseaux sociaux, on ne communiquait pas comme aujourd'hui." Or Jean-Pierre et son collègue Henri Bannwarth (aujourd'hui décédé) étaient pionniers dans les cultures sans pesticides et voulaient faire connaître cette filière au grand public et aux autres professionnels qui usaient et abusaient de toutes sortes de produits phytosanitaires.
"Il y a quarante ans, on utilisait des pesticides partout. Il n'y avait pas la moindre biocoop à l'horizon, ni en Alsace, ni ailleurs. On s'est dit qu'il fallait faire la promotion de l'agriculture biologique."
Un marché, une fête et de l'information
Les deux hommes ont donc décidé de créer une fête où le public pourrait boire, manger et s'informer bio. "Goûter la différence" était leur slogan. Il fallait sensibiliser tout le monde à cette nouvelle filière, le public mais aussi les paysans, agriculteurs, éleveurs, associations. En 1981, la certification bio venait seulement d'être créée, sous la présidence de François Mitterrand. "Dès le début on avait invité la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux) car si les oiseaux disparaissent, c’est aussi à cause des pesticides. Notre idée était de permettre à tous de se rencontrer autour d'un bon verre, d'une tarte flambée et de se parler. Les messages circulent plus vite que s'il faut passer par une chambre d'agriculture."
L'idée des fondateurs de "rapprocher producteurs et consommateurs autour d'une animation festive, avec un contenu écologique et éthique" a convaincu. Aujourd'hui, la bio se décline sur tous les stands d'agriculture et d'alimentation, chez les artisans, les associations. Une dizaine de stands accueillent aussi des éditeurs d'ouvrages sur la filière.
André Stentz, un producteur-exposant présent depuis 1985
André Stentz, viticulteur bio, détenteur du label "Nature et progrès" à Wettolsheim (68) participe à la foire depuis 37 ans. "Pour moi, c'est toujours un événement assez exceptionnel, car il rassemble tout le monde bio et écolo alsacien, voire au-delà. C’est vraiment une manifestation encourageante, où la solidarité s’exprime et la motivation se renforce."
Ce vigneron a été témoin de l'évolution des mentalités et des personnes présentes à cette foire. "Dès le début, elle a permis aux bio et aux non bio de se rencontrer. Certains venaient voir cette faune qui ne faisait que du bio. Avec les années on se rend compte qu'on n'est plus considérés comme des hurluberlus. C'est un changement culturel complet. Aujourd’hui entre les rangs de vignes on trouve de l’herbe, mais quand moi j’ai commencé c'était considéré comme des mauvaises herbes. Ça a évolué grâce à la foire éco bio."
Avec les années on se rend compte qu'on n'est plus considérés comme des hurluberlus. C'est un changement culturel complet.
André Stentz, viticulteur bio à Wettolsheim (68)
Faire de cette foire un lieu de rencontre et d'échange était l'idée des fondateurs et pionniers du bio en Alsace, et elle est restée cela, selon le viticulteur haut-rhinois.
"En viticulture, la bio représente 30 % des surfaces aujourd'hui en Alsace. Même les non- bio utilisent en partie des techniques faciles à mettre en œuvre. L’impact des pesticides a quand même diminué et la foire y a joué son rôle, car énormément de personnes s'y sont rassemblées. C'est une foire où idées et façons de travailler ont pu s’exprimer. On est parti d’une foire très militante. Aujourd’hui c’est plus éclectique et culturel, ça lui donne une nouvelle dimension et une autre forme de richesse."
Un engouement grandissant des exposants et des visiteurs
"Chaque année, nous avons entre 100 et 200 candidatures de nouveaux exposants" explique Roland Brucker, coordinateur de la foire, "mais nous ne pouvons pas tous les prendre. Nous avons donc un comité de sélection. Il donne la priorité à l'alimentaire, à l'habillement et aux associations militantes qui ont, au-delà du bio, une éthique sociale et salariale. Quant aux éleveurs, ils doivent être respectueux de la terre et du bien-être animal. Nous voulons aussi donner la possibilité aux producteurs de chanvre et de lin de présenter leurs filières."
"Désormais la partie culturelle est mise en avant" reconnaît Roland Brucker "pour que les familles et les enfants puissent bien en profiter, s'amuser, se cultiver au travers du cycle de conférences et bien sûr faire des achats. Les exposants qui font beaucoup de foires en France, nous disent que chez nous c'est spécial, convivial et agréable."
Les exposants et les visiteurs de la foire éco bio de Colmar viennent principalement d'Alsace, de quelques autres régions de France, d'Allemagne et d'Italie.
