Témoignage. "Pour son enfant, on trouve des ressources insoupçonnées", Isabelle, aidante, prend soin de sa fille depuis 28 ans

Publié le Écrit par Isabelle Michel

La journée nationale des aidants a lieu ce dimanche 6 octobre. L'occasion de se pencher sur le rôle de ces personnes qui prennent soin, au quotidien, d'un proche âgé, malade, ou en situation de handicap.

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Isabelle K. a 65 ans. Elle vit à Mulhouse. Sa fille, Sarah, est atteinte d'une maladie orpheline génétique rare. Elle ne peut pas vivre seule. C'est sa mère qui s'est toujours occupée d'elle au quotidien. Cette éducatrice de jeunes enfants, à la tête d'une famille monoparentale, a dû tout concilier. "C'est une charge mentale énorme, les gens ne se rendent pas compte. Pour son enfant, on trouve des ressources insoupçonnées. Je ne pouvais pas m'arrêter de travailler pour des raisons financières, alors j'étais sur le pont 24h/24. Je ne pouvais d'ailleurs pas avoir d'ambition professionnelle, je n'en avais pas l'énergie."

Sarah, qui aujourd'hui a 28 ans, vit depuis quatre ans dans un foyer d'accueil spécialisé. "Ça a été très dur de la laisser partir, mais il le fallait, elle est adulte, il faut préparer son avenir. Je ne suis pas éternelle. Je voulais qu'elle ait le temps de se préparer à vivre sans moi. Mais elle revient régulièrement à la maison."

Sa vie a été entièrement tournée vers sa fille. "Depuis qu'elle est bébé, je m'occupe d'elle. Au début, on ne se rend pas compte. On le fait sans se poser de questions. C'est ensuite que je me suis rendu compte que j'étais devenue l'aidante de Sarah. Elle a de gros problèmes moteurs, et une déficience intellectuelle. Elle ne peut pas se faire à manger, elle ne peut pas vivre seule. J'ai toujours été là, en plus de mon travail à assurer. C'était difficile. Longtemps, je me suis renfermée, j'étais seule, et puis à un moment donné, j'ai cherché de l'aide."

Lorsque l'on est aidant, on ressent en permanence une fatigue immense, et l'on est toujours inquiet

Isabelle, maman de Sarah

C'est alors qu'elle frappe à la porte d' "Au fil de la vie", basée à Thann, dans le Haut-Rhin. Cette association est composée de parents et d'amis de personnes en situation de handicap. "Ça m'a fait beaucoup de bien. J'ai pu échanger, trouver du soutien, des conseils, des pistes, parfois des solutions. Je me suis sentie moins seule. C'est quelque chose de très important, car dans ce genre de situation, il ne faut pas se renfermer."

Refuser de se poser en victime

"On est toujours maman à vie, mais dans ce cas-là, comme le dit Isabelle, c'est particulièrement vrai. Au-delà de ma propre souffrance, j'ai éprouvé beaucoup de peine pour elle. Car Sarah a une certaine conscience de sa différence. Il lui a fallu faire le deuil d'une vie normale. Lorsque l'on est aidant, on ressent en permanence une fatigue immense, et l'on est toujours inquiet. On porte énormément de choses sur ses épaules. C'est lourd, mais on ne peut pas faire autrement, donc on le fait, on avance comme on peut. On n'a de toute façon pas le choix."

Il est parfois difficile de se confier à son entourage. "Vous ne pouvez pas faire porter ce problème à tout le monde, alors c'est compliqué. Parfois, on se retrouve seule avec tout ça. Heureusement que j'ai trouvé l'association "Au fil de la vie". Mais vous savez, il y a eu aussi des moments merveilleux avec Sarah, et il y en a toujours. Nous avons une relation magnifique. Je suis heureuse d'avoir été là, d'être encore là pour elle. Elle a fait énormément de progrès. On essaie de saisir la moindre occasion de rire, on se raconte des blagues, on part en vacances, On se promène."

Isabelle refuse de se poser en victime. "J’ai appris à regarder l'autre comme il est et à l'accepter avec ses différences. Je suis devenue ce que je suis aussi parce que j'ai vécu cette aventure-là avec ma fille, même si cela n'a pas été tous les jours facile. Être aidant, c'est un métier. Il faut s'adapter aux besoins spécifiques de l'enfant, puis de l'adolescent et de l'adulte, coordonner le parcours de santé, assurer les rendez-vous. On n'a pas le mode d'emploi, mais on fait au mieux. Les aidants devraient être plus aidés, mieux soutenus. Ça bouge, mais pas encore assez. Quand on vit une telle aventure, on ne peut plus voir la vie de la même façon." Un chemin de 28 ans entre Isabelle et Sarah, qui n'est pas terminé. 

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