Une mobilisation a été organisée par le collectif Nous Toutes dans le centre-ville de Lille pour honorer la mémoire des 122 femmes victimes de féminicides depuis le 1er janvier 2024 en France. Parmi elles, au moins 10 ont été tuées dans le Nord et le Pas-de-Calais.
Samedi 16 novembre 2024, en plein centre-ville de Lille. Au milieu des terrasses de cafés bondées et de la foule qui entame le shopping de Noël, une voix résonne. "Jeudi 11 janvier, Leïla, 50 ans, a été tuée par son compagnon. Lundi 15 janvier, Michelle, 60 ans, a été tuée par son compagnon". Amy Bah énumère au mégaphone les prénoms des 122 femmes tuées en raison de leur genre depuis le 1er janvier 2024 en France, selon le décompte de l’association Nous Toutes. "Dans 70% des féminicides, les victimes sont tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint", rappelle la présidente du collectif lillois.
À chaque prénom scandé, une femme se lève sur la place de la Treille. Certaines sont assises sur les marches de la cathédrale, d’autres aux abords des terrasses. Les passants s’arrêtent, écoutent, observent. Une mise en scène répétée depuis un mois.
"On fait ça au beau milieu du Vieux-Lille pour sensibiliser. On veut montrer aux passants qu’on est là, qu’on n’a pas honte, qu’on est légitimes". Un happening visuel et bruyant pour attirer les regards et rappeler un constat alarmant : en France, une femme meurt en moyenne tous le. 2 à 3 jours, sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint. "On crie, on prend l’espace", assume Amy Bah. "Ces femmes qui ont été tuées sont silenciées, ne peuvent plus parler et nous sommes là pour prendre leur voix".
Peggy, Elise, Zahia, Alicia
Parmi les prénoms qui résonnent sur la place de la Treille, celui de Peggy, dont la vie s’est brutalement arrêtée le 14 septembre 2024. Maman de 7 enfants, âgée de 43 ans, elle a été mortellement poignardée à son domicile de Carvin, dans le Pas-de-Calais. Son compagnon a été mis en examen pour meurtre sur conjoint. La stèle qui la représente est portée par Justine Leblanc, étudiante de 19 ans. Elle participe pour la première fois à une action du collectif féministe. "Porter son nom fait remonter beaucoup d’émotions. Je la représente, j’ai l’impression d’avoir entre guillemets une partie de son histoire en moi et de porter sa voix qui a été tue".
Le prénom de Peggy vient s’ajouter à la longue liste des femmes victimes de féminicide dans le Nord et le Pas-de-Calais depuis le début de l’année. Le 28 janvier 2024, Alicia, 28 ans, a été retrouvée morte à son domicile de Beussent (Pas-de-Calais). Après avoir indiqué avoir découvert le corps sans vie de son épouse en rentrant de la boulangerie, Nicolas H. avoue, deux mois plus tard, le meurtre prémédité de sa compagne.
Le 27 mai, Pascaline, 33 ans, était tuée d’une balle tirée d’un fusil de chasse par son ex-conjoint alors qu’elle se trouvait chez ses beaux-parents à Torcy, dans le Pas-de-Calais. Celui-ci avait ensuite retourné l’arme contre lui. Cette maman de deux enfants avait déposé plainte en mai 2024 pour des faits de violence et de harcèlement.
Quatre jours plus tard, Zahia, 41 ans, était abattue d’une balle dans la tête à Bruay-sur-l’Escaut (Nord), en présence de 3 enfants. Son compagnon a été mis en examen pour homicide volontaire par conjoint et placé en détention provisoire.
Cet été, Lysiane, 82 ans, Sylvie, 58 ans, Dominique, 66 ans, Elise, 37 ans et Marie-Louise, 66 ans, ont également perdu la vie dans le Nord et le Pas-de-Calais. Selon le collectif Nous Toutes, au moins 10 femmes ont été tuées dans les deux départements depuis le 1er janvier 2024.
Le Nord et le Pas-de-Calais enregistrent le plus grand nombre de violences conjugales en métropole
Devant les marches de la cathédrale, un cercueil fait de carton et peint en noir a été déposé. Sur celui-ci, des roses blanches, quelques bougies, et un message écrit sur une stèle : "1 039 femmes tuées depuis 2017, début de la présidence Macron". Amy Bah explique : "Ce cercueil représente toutes les femmes assassinées depuis 2017, depuis qu’Emmanuel Macron est au pouvoir. On est à plus de 1 000 femmes. Que fait l’État ? Vous ne voulez pas voir ce chiffre ? Alors nous allons l’imposer".
Une action coup de poing pour rappeler que derrière les chiffres, des vies se sont brutalement stoppées. Une action également menée pour sensibiliser sur les féminicides, une semaine avant la manifestation contre les violences sexistes et sexuelles organisée à Lille samedi 23 novembre 2024.
En France en 2023, les services de sécurité ont enregistré 271 000 victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaire, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2022. Dans le Nord et le Pas-de-Calais, on dénombre en moyenne 15 victimes de violences conjugales pour 1 000 habitantes (contre 10,6 pour 1 000 habitantes en moyenne en France). En 2023, ces deux départements affichent les plus forts taux de victimes de violences conjugales en métropole.
Le 3919 est un numéro d’écoute anonyme et gratuit, qui délivre des informations pour toutes les femmes victimes de violences sexistes, notamment conjugales, et leur entourage. Il existe aussi une plateforme de signalement en ligne anonyme et gratuite, gérée par des policiers et accessible 24h/24 et 7j/7.