RC Lens maintenu en Ligue 2 : 6 questions sur un sauvetage

La DNCG a finalement rendu un verdict favorable, mardi soir, en autorisant le RC Lens à évoluer en Ligue 2 la saison prochaine. Mais de nombreuses questions sur l'avenir immédiat du club restent en suspens.

1. Quel rôle a joué Daniel Percheron ?

Depuis l'annonce mardi soir du maintien du RC Lens en Ligue 2, le sénateur et président socialiste de la région Nord Pas-de-Calais fait le tour des médias mais reste évasif sur le rôle qu'il a véritablement joué, en compagnie de Gervais Martel, pour convaincre les experts-comptables de la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG). "J’avais mis mon maillot sang et or, celui que je garde précieusement depuis que j’y ai joué tout petit", a-t-il confié à La Voix du Nord. "J’y suis allé avec Gervais. Le maintien de Lens en L2 peut être dicté ou non par les chiffres, il était aussi lié à Bollaert, l’un des stades de l’Euro 2016. Cet outil donne de véritables perspectives. Je suis allé dire à quel point les relations avec le Racing sont des relations transparentes." Selon l'Agence France Presse, qui cite une "source proche du dossier",  Daniel Percheron a présenté "un projet de reprise avancé avec certains politiques locaux permettant de pallier d'éventuelles défaillances futures". 

Si une issue heureuse a pu être trouvée mardi, le président de région a quand même dû hausser le ton, il y a quelques jours, à l'égard de Gervais Martel. Dans une interview à La Voix du Nord, il avait critiqué son manque d'ouverture et son entêtement à vouloir trouver, seul, une solution. "Les statuts du club protègent Gervais qui peut – qui veut – croire jusqu’au bout à son étoile", avait déclaré Daniel Percheron. "Pour l’instant, il est maître de son destin et ne souhaite pas entendre parler d’autres repreneurs. Il espère encore trouver les fonds nécessaires. (...) Gervais est viscéralement attaché au Racing. Il ne veut pas le quitter. Quelque part, il faudra toujours s’en souvenir quand les décisions tomberont." Finalement, les deux hommes semblent avoir trouvé depuis un terrain d'entente mais lequel ? Pour le président du conseil régional, le RC Lens est un enjeu majeur. Il a clairement poussé en faveur de la rénovation du Stade Bollaert-Delelis, un chantier à 70 millions d'euros pris essentiellement en charge par l'Etat et les collectivités locales (région, département, communauté d'agglomération...). Par ailleurs, les élections régionales se profilent en décembre, avec un Front National en position de force, notamment dans l'ex-bassin minier. Même si Daniel Percheron n'est pas candidat à sa succession, il n'avait sans doute pas intérêt à laisser ce club emblématique en souffrance.   

2. Quid d'Hafiz Mammadov ?

L'actionnaire majoritaire du RC Lens est resté invisible dans la période de turbulences et d'incertitudes qu'ont traversée les Sang et Or ces dernières semaines. "On n'a pas évoqué le nom de Mammadov aujourd'hui, on se débrouille tout seul", avait déclaré Gervais Martel, le 10 juin, à la sortie de sa première audition devant la DNCG. Nos confrères de Ouest-France, présents en Azerbaïdjan pour les Jeux Européens de Bakou, ont tenté de retrouver sa trace. En vain... Pour autant, il reste juridiquement propriétaire du club, via sa maison-mère, RCL Holding, qu'il détient à 99,99% en association avec Gervais Martel, qui, lui, ne possède que 0.01% du capital mais 40% des voix au conseil d'administration, ainsi qu'une minorité de blocage. 
Selon L'Equipe ce mercredi, "une procédure sera bientôt entamée" pour le "sortir" de cette holding. Comment ? Il y a quelques jours, Dominique Bailly, le sénateur-maire PS d'Orchies, qui suit le dossier lensois de très près, avançait la solution suivante : "A partir du moment où la contribution de Mammadov n'est pas au rendez-vous et que Gervais n'est pas en capacité de financer, une des solutions c'est le dépôt de bilan de la holding, pas de la SASP", nous a-t-il expliqué. "Ainsi la SASP existerait toujours et conserverait ses droits sportifs pour la Ligue 2. Mais ce serait une autre structure qui reprendrait le club". Cette solution peut-elle être mise en oeuvre ? Pour y parvenir, il faut d'abord que RCL Holding soit techniquement en cessation de paiement, c'est-à-dire dans l'incapacité d'honorer ses factures et ses dettes. Or la holding est une petite structure qui a peu de frais, hormis la location d'un bureau dans le 16e arrondissement de Paris et la rémunération prévue par les statuts pour son président qui n'est autre que... Gervais Martel. En tant que représentant légal de RCL Holding, le patron des Sang et Or a la responsabilité de déposer le bilan si la société ne peut plus payer. Le fera-t-il ? A priori​, cela semble indispensable pour permettre, à terme, l'arrivée de nouveaux investisseurs. Mais il faudra obtenir un jugement du tribunal de commerce de Paris, seul apte à prononcer la liquidation de la holding et "libérer" ainsi le Racing Club de Lens qui pourrait alors être repris par une autre entité. Ce qui peut prendre un certain temps. 

3. De nouveaux investisseurs vont-ils reprendre le RC Lens ? 

Depuis plusieurs mois, un "plan B" a été élaboré pour tenter de proposer une solution de sauvetage alternative. Dominique Bailly, natif de Lens et sénateur-maire d'Orchies, en est l'une des chevilles ouvrières, aux côtés notamment d'un ancien joueur et directeur sportif du Racing. "Il y a des investisseurs, un important investisseur français même, qui est prêt à s'inscrire aussi dans une logique d'actionnariat populaire, avec aussi des entreprises locales", nous avait-il confié il y a une dizaine de jours. "Mais c'est Gervais Martel qui détient la clé. Ce projet alternatif ne peut voir le jour que si la holding est "liquidée", autrement personne n'entrera."

Ce mercredi, Dominique Bailly assure pourtant ne pas avoir été tenu au courant par Daniel Percheron de son déplacement à la DNCG en compagnie de Gervais Martel. "Je n'étais pas du tout informé de la présence de Daniel Percheron​, je n'ai pas d'infos particulières là-dessus", nous a-t-il assuré. "J'ai appris hier (mardi NDR) que Gervais Martel l'avait sollicité mais je ne sais pas du tout la teneur des différentes interventions. Je suis ravi de la décision de la DNCG. Dont acte." L'élu socialiste dit n'être "sollicité par personne" pour l'instant. "Je vais avoir un contact avec mon investisseur national et je ferai le point avec lui. Là visiblement, le budget a été trouvé pour une saison en Ligue 2  donc il n'y a pas matière à travailler à court terme sur un projet alternatif. De ce que j'ai entendu et lu, ça roule." D'après lui, les garanties présentées à la DNCG par Daniel Percheron n'ont donc rien à voir avec le projet qu'il avait esquissé. "On reste finalement dans une même gouvernance", ajoute-t-il. "Moi, j'ai une vision un peu différente d'une gouvernance classique des clubs de football aujourd'hui. A ce jour, je n'ai aucun contact, je ne pense pas que ce soit ça qui ait été légitimé hier. Ce sera un budget que je qualifierai de "classique" avec une gouvernance classique. Enfin, je pense...". Dominique Bailly prône depuis des mois un actionnariat diversifié pour le RC Lens, avec une participation des supporters dans le capital, à la manière de ce qui existe en Angleterre, en Allemagne ou en Espagne. Un projet auquel Gervais Martel a toujours été fermement opposé. Selon nos informations d'ailleurs, la mise en place de ce "plan B" avait pour préalable son départ de la présidence du RC Lens.  

Si la piste proposée par Dominique Bailly n'a pas été retenue, cela signifie-t-il que d'autres investisseurs pourraient bientôt sortir de leur boîte, une fois Mammadov mis hors-jeu ? Début mai, Gervais Martel avait affirmé dans une interview à France Football qu'il tenait un nouveau partenaire "issu d'un pays européen beaucoup plus proche de la France", qui aurait "pignon sur rue et les reins solides", mais dont il ne souhaitait pas dévoiler l'identité. Le nom de l'homme d'affaires belge Roland Duchâtelet, propriétaire du Standard de Liège et de plusieurs clubs européens, avait été évoqué, mais démenti de part et d'autre. Une rencontre a bien eu lieu le 9 juin, à Bruxelles, mais selon Duchâtelet, il ne s'agissait que de discussions sur d'éventuels transferts de joueurs...  

4. Quel avenir pour Gervais Martel ? 

Malgré la bonne nouvelle délivrée mardi soir par la DNCG, Gervais Martel s'est fait extrêmement discret, ce qui ne peut que surprendre. Le président lensois reste-t-il maître à bord et va-t-il conserver la présidence du club ? "Oui, sauf s’il décide du contraire", a déjà répondu Daniel Percheron à La Voix du Nord. "Ça a été une année d’enfer pour lui, compte tenu du comportement de son actionnaire majoritaire, aux abonnés absents."

Comme nous l'avons évoqué précédemment, Gervais Martel, président et représentant légal de la holding qui chapeaute le club, reste un personnage incontournable. S'il faut déposer le bilan de la "maison-mère" pour écarter Hafiz Mammadov et faire entrer de nouveaux partenaires, cela devra passer par lui et par lui seul. Pour le moment, le président lensois a refusé nos demandes d'interview, mais il tiendra une conférence de presse ce mercredi à 18h30.

5. Quels moyens financiers pour la saison prochaine ?

Pour l'instant, en l'absence de nouveaux investisseurs, le RC Lens semble devoir composer avec les moyens du bord. Selon Daniel Percheron, les Sang et Or auraient réuni les 4 millions exigés par la DNCG grâce aux transferts de trois de ses anciens joueurs et aux pourcentages reçus en tant que club formateur : celui de Serge Aurier de Toulouse au PSG sur lequel Lens doit toucher 20% en vertu d'une clause à la revente (soit environ 2 millions d'euros) ; celui de Gaël Kakuta de Chelsea à Séville sur lequel le RCL aura droit à 1.5% grâce au "mécanisme de solidarité" mis en place par la FIFA (soit un peu plus de 50 000 euros) ; et celui enfin de Geoffrey Kondogbia de Monaco à l'Inter Milan. Concernant ce dernier joueur, le club artésien va faire coup double. Lens devait déjà empocher 750 000 euros à la suite d'un jugement favorable du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) de Lausanne, concernant le précédent transfert de Kondogbia, en 2013, de Séville à Monaco. Ces deux clubs avaient tenté de contourner les règlements FIFA pour éviter de s'acquitter des 3% qui auraient dû revenir aux Sang et Or en tant que club formateur. Mais Lens va aussi toucher un nouveau versement grâce au transfert du joueur conclu cette semaine entre Monaco et l'Inter pour un montant qui pourrait dépasser les 40 millions d'euros. Selon nos calculs, le club artésien récupérerait au moins 1.2 million sur cette transaction. Pour doper ses recettes, Lens pourrait aussi vendre plusieurs joueurs dans les jours ou les semaines qui viennentL'Equipe évoque ce mercredi les noms de Jean-Philippe Gbamin, Wylan Cyprien et Baptiste Guillaume. Jusqu'ici les clubs acheteurs semblent avoir joué la montre et attendu que la DNCG décide du sort des Sang et Or pour formuler des offres. Avec l'assurance désormais d'évoluer en Ligue 2, le mercato lensois pourrait se décanter.  

Côté dépenses, l'heure semble être aux économies drastiques. En mai, Gervais Martel évoquait un budget de 25/30 millions d'euros. Finalement, selon L'Equipe, le budget pour la prochaine saison serait plutôt de 10/12 millions. Du simple au double, c'est-à-dire bien plus que les coupes budgétaires effectuées entre 2012 et 2013 par le Crédit Agricole Nord de France, lorsque la banque avait le contrôle du club. Daniel Percheron évoquait mardi soir, dans La Voix du Nord, une "masse salariale à la baisse". La DNCG a effectivement décidé - comme ces deux dernières saisons - d'encadrer cette masse sariale et a interdit le club de recruter "à titre onéreux" (pas de transferts payants). Le défenseur Ludovic Baal - joueur le mieux payé cette saison (55 000 euros mensuels d'après L'Equipe)  - est parti à Rennes, et d'autres pourraient suivre. Mais la compression de la masse salariale ne suffira pas à diviser les dépenses par deux. Mardi soir, le RCL a également obtenu un petit coup de pouce de la ville de Lens, propriétaire du Stade Bollaert-Delelis. Comme nous l'annoncions lundi, le conseil municipal a accepté que le club rembourse 650 000 euros de loyer qu'il doit à la ville de manière fragmentée jusqu'en 2052. Cette somme correspond à trois échéances de loyer qui ont été différées en raison des travaux réalisés dans le stade pour l'Euro-2016. Initialement, elle devait être intégralement versée entre mars 2016 et mars 2017. Concrètement, les Sang et Or auraient donc dû payer un total de 876 704,64 euros HT à la ville la saison prochaine (1 052 049,26 euros TTC). Finalement, ils ne verseront que 231 091,37 euros HT. La diminution de charges est conséquente, mais elle reste insuffisante. Il faut donc s'attendre à ce que d'autres coupes budgétaires soient annoncées. Mais à quel niveau ?  

6. Quel entraîneur et quels joueurs à la reprise ?         

L'entraînement doit reprendre ce jeudi à La Gaillette mais qui le dirigera ? Après une saison très difficile sur le terrain comme en coulisses, Antoine Kombouaré  semblait sur le départ, malgré l'année de contrat qui le lie encore au RC Lens. Le coach kanak touchait, lors de la saison 2013-2014, le plus gros salaire du club, avec un peu plus de 100 000 euros mensuels primes incluses. Est-ce que ce salaire est "supportable" avec ce budget de 10/12 millions évoqué par L'Equipe ? Quid également du projet sportif ? Début mai, Gervais Martel disait viser une remontée immédiate en Ligue 1... mais avec un budget de 25/30 millions d'euros. Avec une enveloppe annoncée comme deux fois moindre, quelles ambitions peut nourrir le club cette saison en Ligue 2 ? Tous ces éléments pèseront assurément dans la balance, de part et d'autre.

Côté joueurs, l'incertitude règne aussi. Trois membres de l'effectif, désormais libres de tout contrat, ont déjà fait leurs valises : Ludovic Baal est parti à Rennes, Benjamin Boulenger à Charleroi et Alharbi El Jadeyaoui à Qarabag en Azerbaïdjan. Sept autres sont également arrivés au terme de leur bail et peuvent s'engager avec le club de leur choix : Adamo Coulibaly, Rudy Riou, Boubacar Sylla, Quentin Lecoeuche, Patrick Fradj, Samuel Atrous ainsi que le jeune David Faupala. Des joueurs encore sous contrat pourraient également s'en aller. Outre Jean-Phillippe Gbamin, Wylan Cyprien et Baptiste Guillaume, Loïc Landre, Yoann Touzghar et Pablo Chavarria seraient eux aussi courtisés. Pour ce qui est des arrivées, Lens ne pourra pas faire de folies en raison des restrictions de la DNCG. Le club pourra toujours tenter de se renforcer en recrutant des joueurs sous forme de prêt ou libres de tout contrat. 

Il faudra faire vite en tout cas  pour bâtir un groupe. Le premier match officiel de la saison, ce sera le 31 juillet à Metz. 
L'actualité "Sport" vous intéresse ? Continuez votre exploration et découvrez d'autres thématiques dans notre newsletter quotidienne.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
Hauts-de-France
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité