Au terme du second tour des élections régionales dans les Hauts-de-France, le Rassemblement national a nettement reculé par rapport à 2015. Deux tiers d'électeurs en moins à l'échelle de la région. En cause, l'abstention et une baisse significative dans les bastions du parti. Décryptage.
Outre la victoire écrasante du président sortant Xavier Bertrand et l’abstention record, l’autre enseignement des élections régionales et départementales dans les Hauts-de-France reste le net recul du Rassemblement national. Un recul qui se traduit par le nombre de sièges octroyés au parti de Marine Le Pen dans l’hémicycle régional : 32 pour les six prochaines années contre 54 lors du mandat qui vient de s’achever.
En 2015 lors du second tour, 1 015 662 électeurs avaient offert leur vote à Marine Le Pen, alors candidate du parti d’extrême-droite dans la région. Cette année, Sébastien Chenu en a récolté 668 714 de moins. Soit 66% d’électeurs en moins en six ans. Une chute vertigineuse.
Un pourcentage qui correspond parfaitement au taux d’abstention enregistré dimanche 27 juin dans la région. C’est d’ailleurs en s’appuyant sur le faible taux de participation que les cadres du RN ont justifié cette chute vertigineuse du nombre de voix par rapport à 2015. "Bougez-vous" avait lancé Sébastien Chenu à ses électeurs au soir du premier tour. Marine Le Pen leur demandait de "déconfiner (leurs) idées" et de se rendre aux urnes.
Mais le message n’a pas été entendu puisqu’entre le premier et le second tour, le candidat d’extrême-droite n’a récolté que 22 000 voix de plus. Et derrière ces (très) mauvais chiffres de la participation, l’effritement de l’électorat RN se constate dans plusieurs communes.
Bertrand grappille des voix dans les bastions RN de la région
Pour constater ce phénomène, il faut se plonger dans les chiffres. Du premier tour tout d’abord. Aux régionales de 2015, la liste conduite par Marine Le Pen avait récolté plus de 50% des voix dans six communes de plus de 10 000 habitants des Hauts-de-France : Auchel, Bruay-sur-l’Escaut, Harnes, Hénin-Beaumont, Montigny-en-Gohelle et Vieux-Condé. Cette année, seule la ville d’Hénin-Beaumont, bastion historique du RN, a réitéré cette performance au soir du premier tour dimanche 20 juin.
Des résultats décevants liés à l’abstention ? Oui, mais pas seulement. Parallèlement, Xavier Bertrand a récolté beaucoup plus de voix dans toutes ces communes par rapport à 2015, à l’exception de Vieux-Condé où le résultat du président sortant est quasiment identique à quatre bulletins près. À Harnes par exemple, 716 électeurs ont glissé un bulletin Bertrand dans l’urne au soir du premier tour en 2021 contre 501 en 2015. Soit une progression de 43% malgré l’abstention plus importante. Même constat à Hénin-Beaumont où le président sortant a gagné 300 voix par rapport au premier tour de 2015, passant de 1 062 à 1 317 électeurs. Dans la ville voisine de Montigny-en-Gohelle, Xavier Bertrand double quasiment son score en passant de 276 à 490 électeurs.
Un constat cependant impossible à faire en comparant les résultats du second tour. En 2015, Pierre de Saintignon s’était retiré dans l’entre-deux-tours pour favoriser le front républicain face au Front national de l’époque. Les électeurs de gauche s’étaient fortement mobilisés, faussant la comparaison avec 2021 puisqu’une liste de gauche s’est maintenue au second tour.
Hénin-Beaumont et Bruay-la-Buissière votent (toujours) RN
Cependant, les résultats du second tour permettent de constater une véritable hécatombe du côté de l’électorat du Rassemblement national par rapport à 2015. Il y a six ans, Marine Le Pen avait récolté plus de 50% des voix au second tour des régionales face à Xavier Bertrand dans 13 villes de plus de 10 000 habitants des Hauts-de-France : Aniche, Auchel, Bruay-la-Buissière, Bruay-sur-l’Escaut, Bully-les-Mines, Douchy-les-Mines, Harnes, Hénin-Beaumont, Lillers, Méricourt, Montigny-en-Gohelle, Somain et Vieux-Condé. Des communes toutes situées dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais.
Je veux remercier les électeurs pour leur confiance, les élus et militants qui ont fait un travail remarquable durant toute cette campagne.
— Sébastien Chenu (@sebchenu) June 28, 2021
Avec les 32 élus RN au conseil régional, nous allons travailler, défendre vos intérêts et expliquer qu’il est possible de faire autrement. pic.twitter.com/0lptWaBPEt
Symbole du délitement du vote d’extrême-droite à ces élections, seules deux communes du Pas-de-Calais sur les treize citées ont de nouveau majoritairement plébiscité le candidat du Rassemblement national cette année : Bruay-la-Buissière et Hénin-Beaumont (en rouge sur la carte), deux villes dirigées par des maires RN. Mais même dans ces deux bastions d’extrême-droite, le nombre d’électeurs a chuté d’un tiers par rapport à 2015. Sébastien Chenu arrive en tête à Douchy-les-Mines, Harnes et Montigny-en-Gohelle (en noir sur la carte), sans pour autant atteindre la barre des 50%.
Mais l’enseignement le plus intéressant se situe dans le rapport de force entre le RN et Xavier Bertrand qui bascule dans sept d’entre elles (en bleu sur la carte). Dans ces communes, la liste du président sortant dépasse la liste d’extrême-droite en termes de voix. Un basculement par rapport à 2015.
Exemple à Bully-les-Mines, où 900 électeurs ont voté pour la liste de Sébastien Chenu au second tour des régionales cette année contre 2 499 pour Marine Le Pen en 2015. Soit une perte sèche de 64% de l’électorat en six ans dans la ville. Parallèlement, Xavier Bertrand augmente nettement son score du premier tour dans la ville par rapport à 2015, malgré une abstention bien plus importante : 935 électeurs ont voté pour le président sortant le 20 juin dernier, contre 595 au premier tour il y a six ans. Au second tour, le président sortant obtient 44,67% des suffrages dans cette commune du bassin minier lorsque Sébastien Chenu obtient 32,85% des voix.
À Méricourt enfin (en vert sur la carte), le Rassemblement national est distancé par la liste de la gauche unie portée par Karima Delli qui arrive en tête dans la commune au soir du second tour.
L’exemple des départementales
Dans les Hauts-de-France, le recul du Rassemblement national se traduit également dans les hémicycles du Nord, du Pas-de-Calais, de l’Aisne, de l’Oise et de la Somme. Après avoir dirigé onze cantons depuis 2015, le parti d’extrême-droite n’en dirigera plus que trois ces six prochaines années, soit 6 conseillers départementaux sur 290 répartis dans les cinq départements. Tous sont situés dans le département du Pas-de-Calais.
Dans la Somme, le canton de Corbie avait basculé dans les mains du Front national de l’époque en 2015. Le binôme UDI s’est cette-fois-ci imposé avec 61,45% des voix et a délogé de l’hémicycle le RN pour les six prochaines années. Même scénario dans l’Oise, où le RN perd ses deux cantons acquis et n’en gagne aucun. Dans l’Aisne, le parti d’extrême-droite perd également deux cantons cette année dont celui de Villers-Cotterêts avec 24 voix de retard sur le binôme LREM. Quant au Nord, le département résiste toujours à l'entrée du RN dans l'hémicycle, puisqu'aucun binôme n'a été élu.
Triste réalité du système électoral en France : dans des départements entiers, le RN arrive en tête mais est privé d'élus par des règles absurdes et des magouilles en tout genre. Et les responsables de ce système ose pleurnicher à la télé sur l'abstention ? pic.twitter.com/wMn53KKIKE
— Jean Philippe Tanguy (@JphTanguy) June 28, 2021
Des camouflets dénoncés par les cadres du parti. En cause selon eux, le mode de scrutin et le découpage par cantons qui amène un décalage entre le nombre de voix récoltées et le nombre de sièges obtenus. Avec 35 988 voix dans l’Aisne, le parti d’extrême-droite représente pourtant plus de 30% des votants au second tour des départementales mais n’obtient aucun siège. Même constat dans le Pas-de-Calais où le RN a obtenu dimanche 27 juin 101 010 voix pour six sièges, lorsque les binômes de la droite et le centre, avec 82 351 voix en cumulé, en obtiennent 24.