Un spécimen de requin-taupe a été retrouvé mort le 14 janvier par des promeneurs sur une plage manchoise. Des chercheurs finistériens ont examiné, ce lundi, l'animal en voie d'extinction.
Drôle de surprise pour des flâneurs du dimanche. Le 14 janvier, les promeneurs de la plage de Sciotot, aux Pieux (Manche), ont eu l'étrange surprise de trouver sur leur chemin le corps sans vie d'un requin-taupe de près de deux mètres de long. L'espèce, considérée en danger d'extinction par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), est interdite à la pêche depuis 2010.
Le corps de l'animal, ensanglanté, mais en bon état de conservation, a été ramassé et abrité par les services techniques de la ville.
Il a été étudié ce lundi 15 janvier par les chercheurs de l'Association pour l’étude et la conservation des sélaciens (APECS), qui ont fait le voyage depuis Brest. "L'idée, c'est de prendre toutes les mensurations et de faire des prélèvements", explique Eric Stephan, coordinateur de la structure. Ce dernier cherchait à comprendre les causes du décès du squale et à "contribuer à améliorer la connaissance de l'espèce, et donc sa protection".
Une femelle et quatre embryons
Après l'examen du corps, les spécialistes affirment que le requin était une femelle, qui portait quatre embryons. "Au niveau des organes, rien ne laisse penser que l'animal était malade, rapporte Eric Stephan. On ne peut donc pas exclure que la mort ait été causée par une capture accidentelle", même s'il est impossible d'en avoir la certitude.
On ne peut pas exclure que la mort ait été causée par une capture accidentelle.
Eric Stephan, coordinateur de l'APECSà France 3 Normandie
Il n'est pas rare d'observer au large des côtes manchoises ce requin, un "Lamna lasus", aussi appelé "maraîche" ou "requin marsouin". Des spécimens de cette espèce, qui n'est plus pêchée depuis 14 ans, sont souvent observés autour du Cotentin. Il est moins fréquent en revanche que celui-ci s'échoue sur les plages. "Ça n'arrive pas tous les ans", avance Eric Stephan. Le dernier échouement d'un requin en Normandie avait eu lieu en janvier 2022 sur une plage de Fermanville (Manche). L'interdiction de pêche avait été décidée en 2010 pour éviter l'extinction de l'animal, chassé pour la revente de son aileron.
Les requins se reproduisant lentement, "il est trop tôt pour pouvoir sentir les effets de l'interdiction de pêche", explique Eric Stephan. Mais les "rencontres" entre promeneurs et créatures marines comme celle du 14 janvier pourraient devenir plus fréquentes si la population de requins est bel et bien à nouveau grandissante.
Des échouages en hausse
Requins, dauphins, phoques ou encore tortues de mer : plusieurs fois par an, des animaux marins terminent leur course sur les plages de Normandie. Si l'APECS est spécialisée dans la conservation des animaux à branchies (requins, raies), le soin des mammifères marins (dauphins, baleines, phoques) sont la prérogative de l'observatoire Pelagis, basé à La Rochelle, parfois assisté dans sa tâche par le Centre d’hébergement et d’étude sur la nature et l’environnement (CHENE) d'Allouville-Bellefosse (Seine-Maritime).
Chez les mammifères marins, les échouages sont un phénomène plus récurrent, comme le rappelle la prise en charge médiatisée, il y a un an, d'un phoque à Étretat. Rien que pour les phoques, jusqu'à une dizaine d'échouages sont recensés chaque année en Normandie. Le bilan augmente encore si l'on compte les individus retrouvés morts.
Mais ces échouages ne sont pas toujours le signe que l'espèce est en grave danger. Au contraire. "Les populations de phoques (...) se portent bien et on constate une augmentation des effectifs", rapporte l'observatoire Pelagis, qui poursuit : "Du fait de l’augmentation des populations, le nombre de phoques qui se reposent simultanément à terre peut atteindre plusieurs centaines. Ainsi, les signalements de phoques (observations et échouages) se sont intensifiés".
Dans les baies de Veys et du Mont Saint-Michel, le nombre de phoques recensés est passé de quelques individus en 1990 à plus de 400 aujourd'hui, selon l'observatoire Pelagis. Les échouages ont augmenté proportionnellement. Une même augmentation est enregistrée pour les dauphins. En 2022, l'observatoire Pelagis a constaté 1 676 échouages de mammifères marins.
Les populations de phoques (...) se portent bien et on constate une augmentation des effectifs.
L'observatoire Pelagis
"Parfois, on n'a pas d'explication"
"La plupart du temps, c'est à cause des accidents de pêche", détaille Alain Beaufils, responsable des interventions de sauvegarde du CHENE. Pour les tortues de mer, les échouages sont le plus souvent causés par l'ingestion de plastique. Les cas de tortues échouées, comme en mars 2023 à Cherbourg, restent cependant marginaux. Alain Beaufils en a vu "moins de dix en 40 ans de carrière".
Ce dernier se garde bien de tirer des conclusions hâtives sur le retour, réel ou supposé, de certaines espèces, et sur l'effet du climat. "Ça fluctue, ça peut dépendre du climat, mais, parfois, on n'a pas d'explication", lance-t-il. Il mentionne des "descentes de marsouins" et des "montées de dauphins" restées mystérieuses.
Tous les sauveteurs d'animaux marins de Normandie se souviennent de l'épisode déconcertant de mai 2022, qui avait vu un orque de 1100 kilos remonter la Seine, entre Rouen et Le Havre, avant de mourir dans le fleuve. La cause de la présence de cet orque reste inexpliquée à ce jour.