Les bergers, chargés de conduire et de surveiller les troupeaux en estive, sont les premiers témoins des attaques de l'ours l'été dans les Pyrénées. Pablo Garcia est l'un deux. Il travaille en Ariège et témoigne. Isolement, stress et peur font partie de son quotidien.
Alors que les attaques d'ours ont progressé de 21% entre janvier et juillet 2023, gros plan sur les bergers, chargés de surveiller les troupeaux en estive. Entre amour du métier et stress, voici le témoignage de l'un d'entre eux.
1750 brebis à surveiller...Et l'ours qui rôde
Pablo Garcia est berger en Ariège. Son métier, il le pratique depuis 3 ans et il l'aime. Mais depuis la réimplantation de l'ours dans les Pyrénées, son quotidien en estive a changé : "on ne peut plus rester seul maintenant, alors on s'entraide avec ma copine. On est monté à deux cette année."
Deux, parfois 3 même pour surveiller son troupeau de 1750 brebis jour et nuit. Mais toujours le risque d'une attaque de l'ours. La dernière, pas plus tard que cette nuit d'orage entre le 27 et le 28 juillet : "J'ai perdu au moins deux brebis, peut-être plus", regrette Pablo.
"C'est dangereux en estive"
L'ours n'est jamais très loin. Surtout en Ariège, où vit 90% de la population des plantigrades. Il n'est pas rare pour Pablo de retrouver sa trace ou de le rencontrer en estive : "L'année dernière, je l'ai vu une quinzaine de fois, j'avoue que maintenant j'arrête de compter."
Pablo risque même régulièrement sa vie pour protéger son troupeau : "c'est dangereux en estive", nous confie-t-il. "J’ai déjà vécu une charge d'ours dans ce secteur. J'ai couru pour lui échapper, et dans ma fuite, je me suis assommé. J'ai perdu connaissance pendant une demi-heure, d'après ma collègue. Une autre nuit, je l'ai vu tuer 6 brebis, juste pour le plaisir."
"Le stress revient chaque été"
Le travail de berger est plus que jamais un travail difficile : "On est des travailleurs isolés et sans moyens de défense", explique Pablo Garcia. "En estive, on est en zone blanche, aucune communication possible. Alors le stress revient chaque été". Et de rajouter : "je fais des cauchemars et j'ai peur de passer à certains endroits."
La Mutualité Sociale Agricole propose une aide d'urgence psychologique aux bergers qui en auraient besoin, mais Pablo Garcia n'a jamais fait appel à ce service : "j'encaisse pour l'instant, j'espère que je ne craquerai pas. Mais je dois avoir une mémoire traumatique très forte, car je n'ai jamais été aussi malade que ces dernières années."
Les bergers sont de plus en plus difficile à trouver pour travailler en estive en Ariège, faute de mesures de sécurité suffisantes. Ils ont écrit en mars aux élus et aux responsables de l'État pour dénoncer cette insécurité et demander la mise en place de moyens supplémentaires. Ils n'ont reçu aucune réponse à ce jour.