Gers : "C’est une aberration", un projet de centre de tri interdépartemental fait polémique

Un centre de tri interdépartemental devrait bientôt voir le jour à Masseube. Si la municipalité entend redynamiser cette commune de 1 500 habitants et défend la création de nouveaux emplois, certains riverains dénoncent la pollution générée par le passage quotidien de dizaines de camions supplémentaires.

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"Ils sont venus placer des micros sur la pelouse, au niveau de notre moulin. Pour faire une évaluation acoustique avant les travaux", raconte Jacky Marseillan. Cette médecin réside à Masseube (Gers) depuis 1987 avec Henry, son époux.

Le champ qui jouxte leur propriété est régulièrement traversé par des chevreuils. "Une faune exceptionnelle", bientôt remplacée par… 8 100 mètres carrés de béton, dédiés à la collecte des déchets recyclables du Gers, des Hautes-Pyrénées et du Comminges, partie sud de la Haute-Garonne.

L’espoir de nouveaux habitants à Masseube

La construction devrait démarrer fin 2023, pour une mise en service en 2025. Henry et Jacky Marseillan comptent sur la phase de consultation publique pour faire entendre leur voix – ils ont jusqu’au 14 mars. "On a lancé une pétition il y a un an et demi déjà", explique Henry Marseillan. Cette dernière a récolté près de 1100 signatures, en ligne et sur papier.

La municipalité leur a fourni une salle pour leur permettre de s’exprimer, mais défend bec et ongles Trigone, le syndicat mixte à l’origine du projet. "Nous pensons que ce centre peut représenter une réelle opportunité d’emplois sur la commune", justifie le maire, Roger Breil.

La communauté de communes est déficitaire en enfants. Trois classes ont déjà fermé à Masseube.

Roger Breil

à France 3 Occitanie

"Et peut-être qu’il fera venir quelques familles, et des enfants dans nos écoles élémentaires. La communauté de communes en est déficitaire", ajoute l’élu, qui évoque un enjeu vital. "Ici, trois classes ont déjà fermé. Des classes pour lesquelles nous avions investi un million d’euros."

"On va multiplier les transports de déchets"

L’argument ne convainc pas les plus fervents opposants. Selon eux, les 60 salariés nécessaires pour assurer le fonctionnement du centre pourraient être simplement mutés depuis les trois centres de tri des déchets déjà existants et voués à fermer. Finis, les centres de tri d’Auch, de Lannemezan et de Saint-Gaudens.

Nous ne sommes pas dans une zone urbanisée mais dans une zone rurale.

Jean-Paul Dugoujon

à France 3 Occitanie

"C’est une aberration. Dans ces centres, il y a le train à proximité. A Masseube, il n’y aura jamais le train", plaide Jacky Marseillan, qui avoue appréhender "un ballet incessant de semi-remorques".

C’est ce paramètre qui a conduit trois associations environnementales locales à rejoindre le mouvement : France Nature Environnement, Les amis de la terre 32 et Bien vivre dans le Gers. "Nous ne sommes pas dans une zone urbanisée mais dans une zone rurale", rappelle Jean-Paul Dugoujon, membre du conseil d’administration et trésorier à France Nature Environnement. "Et on va multiplier les transports de déchets."

10 à 20% d’augmentation du trafic

Le futur bâtiment de Masseube devrait charrier 35 000 tonnes de déchets par an. Des déchets triés puis envoyés par camions dans des usines spécialisées pour y être valorisés. Chaque jour, 275 camions circulent déjà dans la commune. Le centre en nécessiterait une trentaine supplémentaire, dans chaque sens.

"Ils évoquent une augmentation du trafic de 10%, mais ne comptent qu’un aller simple. En réalité, ça fait 20%. Les routes ne sont absolument pas prévues pour ce type de trafic", relève Henry Marseillan.

"Ce n’est pas qu’une question de pollution. C’est une question d’artificialisation des sols, alors qu’il suffisait de rénover les trois zones déjà industrialisées", avance Jean-Paul Dugoujon. "On ne peut pas admettre ce qui est en train de se faire : plus de 60% de ce qui va sortir d’un centre de tri s’en va à l’étranger. Tout ça se fait par camion : ce n’est pas l’avenir."

L’emplacement contesté

L’emplacement du futur centre est lui aussi remis en cause. Une partie du terrain est en effet classé en zone inondable. En cas de crue, même modérée, son futur parking pourrait se retrouver sous l’eau. Des aléas exceptionnels mais pas impossibles. "La dernière grosse crue, c’était en 1977. C’était inondé jusqu’à la route", se souvient Henry Marseillan.

Alors le couple avance un autre argument : le lieu d’implantation a mal été choisi. "On est tous assuré pour notre voiture même si l’on pense que l’on conduit bien. On n’est jamais à l’abri. Alors à faire un choix de localisation, pourquoi prendre des risques ?"

Pour Jacky, les conséquences seront dans tous les cas rapidement visibles et impacteront le tourisme : "de Auch jusqu’à Capvern, tous les villages vont être traversés. Masseube était le balcon vert des Pyrénées. Mais qui va venir ici en sachant qu’il y a un centre de tri ? Avec tout ce passage de camions et les risques d’inondations et d’incendies, le village est fini." Avant de conclure : "Masseube est une ville martyre."

Vers une augmentation de la taxe ordures ménagères ?

Le financement de ce projet, chiffré à près de 30 millions d’euros – et pris en charge à 10% par l'Agence de la transition écologique (ADEME), la région et Citéo – est loin d’être bouclé. Il pourrait nécessiter d’augmenter la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, alerte Jean-Manuel Fullana, vice-président des Amis de la terre 32.

Ce projet n'est ni d'actualité, ni innovant.

Jean-Manuel Fullana

à France 3 Occitanie

"C’est la taxe qui augmente le plus ces dernières années en France, elle augmente mathématiquement plus que la taxe foncière", rappelle-t-il. "Ce projet, pour nous, n’est ni d’actualité, ni innovant."

Un argument financier qui pourrait peser dans la balance. Henry et Jacky Marseillan espèrent pouvoir convaincre un maximum de Massylvains. Et les invitent à se rendre à la mairie de Masseube le 9 mars prochain, pour les rencontrer.

"Toutes les populations vont être impactées, de Lannemezan jusqu’à Auch. Aujourd’hui, nous voulons dire aux gens : allez en mairie ou sur Internet en préfecture. On nous donne cette chance, en France, d’avoir cette consultation avant enregistrement. Renseignez-vous."

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