Témoignage. Colère des agriculteurs. "Des suicides, il y en a plusieurs chaque jour", des mannequins pendus symboliquement sous les ponts des points de blocage

Publié le Écrit par Mélanie Caron

Désespérés, les agriculteurs de la Haute-Garonne bloquent toujours la A64. Au milieu du barrage, des mannequins sont pendus afin de rappeler les chiffres inquiétants du taux de suicide dans la profession. Depuis plus de 30 ans, Guy Serrès préside le Samu social agricole du Gers pour tenter de les soutenir.

C’est une histoire qui se répète inlassablement. Première région agricole en France, l'Occitanie comptait 64 370 exploitations en 2020, et tout autant d'appels au secours. Pour Guy Serrès, créateur du Samu social agricole en 1992 (sous le nom de comité départemental pour le désendettement des agriculteurs), la situation n’a fait qu’empirer en 30 ans.

« Au début, nous avons créé le comité pour venir en aide aux agriculteurs qui ne pouvaient plus rembourser leurs emprunts après les trois années de calamité successives en 1988, 1989 et 1990. Puis ça s'est perpétué. » Conseiller juridique et économique, Guy Serrès « retrousse les manches » pour sortir les agriculteurs de situations désespérées, asphyxiés par les dettes et les cotisations, confrontés aux saisies et aux liquidations judiciaires. Des éleveurs, des maraîchers, des vignerons dont le métier et les terres représentent leur vie entière.

Un problème qui n'évolue pas

La France ne respecte pas ses agriculteurs, on meurt économiquement

Guy Serres, Samu social agricole

 Et surtout, dans le silence. Car la profession est isolée, mentalement et géographiquement. La situation ne s’améliore pas, bien au contraire, et les cas de suicide explosent : une étude de Santé publique France, menée en 2017, sur des données de 2007 à 2011, montre qu’un agriculteur se suicide tous les deux jours en France (soit 300 personnes en deux ans). Pour Guy Serrès, ces chiffres sont bien en deçà de la réalité : une étude de la MSA, menée en 2019 sur des chiffres de 2015, fait état de deux suicides par jour environ (soit 605 personnes).

« Certains agriculteurs ne peuvent même pas payer la cantine de leur enfant. D'autres perdent leur famille, leur compagne… Quand vous en arrivez là, vous êtes devant l’impossible.» L’impossible, Michel Bini, éleveur du Gers, l’a vécu. Écrasé par un impayé de 300 000 euros de cotisations sociales, il était allé jusqu’à la tentative de suicide. Nous l’avions rencontré en 2017, 15 ans après s’être relevé aux côtés du Samu social agricole. Lui s’en était sorti, là où d’autres n’ont pas eu cette possibilité. Mais la sensation de malaise ne s'est jamais vraiment effacée.

Pour le gersois Guy Serrès, la situation est grave et le mal-être, de plus en plus intense. « On ne doit pas se contenter des mesurettes qui seront proposées. Les aides compensatoires ne compensent plus rien. Le système de cotisation sociale doit être complètement revu et les productions, payées à leur juste valeur », s’exaspère le président. Des vrais actes selon le « papa des agriculteurs » pour les sortir du gouffre financier qui les aspire tous et, peut-être, inverser la tendance exponentielle des suicides dans le monde agricole.

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