Jean-Luc Coronel de Boissezon avait été révoqué en 2019 pour sa participation dans la violente évacuation des manifestants qui occupaient la fac de droit de Montpellier en mars 2018. Le Conseil national de l'éducation supérieure et de la recherche vient de ramener sa sanction à quatre ans de suspension.
L'affaire avait fait grand bruit en mars 2018. Alors que la faculté de droit de Montpellier (Université de Montpellier 1) était occupée par un groupe d'étudiants pour protester contre la réforme des universités portée par la ministre de l'époque Frédérique Vidal, un commando avait violemment dégagé les contestataires. Des hommes cagoulés avaient fait usage de bâtons et de matraques, blessant plusieurs étudiants.
Très vite, les victimes et témoins avaient dénoncé des complicités au sein de l'université, notamment l'implication d'un professeur de droit, Jean-Luc Coronel de Boissezon, soupçonné d'avoir lui-même porté des coups, ainsi que celle de Philippe Pétel, le doyen de la faculté de droit. Celui-ci avait d'ailleurs démissionné le surlendemain des faits.
Un rapport de l'Inspecteur général de l'administration de l'Education nationale et de la recherche (disponible à cette adresse) en mai 2018, avait d'ailleurs retenu la responsabilité des ces deux individus et recommandait que des sanctions administratives soient prises à leur encontre. En février 2019, une procédure administrative délocalisée à la Sorbonne, avait donc examiné la situation des deux enseignants, et les avait lourdement sanctionnés. En interdisant le doyen d'enseignement pendant cinq ans, et en révoquant Jean-Luc Coronel de Boissezon. Des sanctions trop lourdes et injustifiées pour les deux pédagogues et leur conseils, qui avaient fait appel.
Une révocation ramenée à quatre ans de suspension
Et c'est cet appel qui vient d'être tranché par le Conseil national de l'éducation supérieure et de la recherche qui s'est réuni à Paris en mars dernier. Dans sa décision (disponible ici), le Cneser ramène la sanction visant Jean-Luc Coronel de Boissezon à "une interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pour une durée de quatre ans avec privation de la totalité du salaire." Une décision prise en mars, mais publiée seulement récemment au bulletin officiel du Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'Innovation. Un allègement qui a choqué les observateurs sur les réseaux sociaux.
Joint par téléphone, Philippe Augé, le président des universités Montpellier 1 et Montpellier 2, était manifestement au courant de cet aménagement lorsque nous l'avons contacté. Mais n'était pas encore en mesure de nous communiquer la position officielle de son institution :" Je dois voir les services juridiques ce lundi (23 mai) à la première heure pour faire le point avec eux sur les possibilités qui s'offrent à nous. L'après-midi, le sujet sera évoqué devant le conseil d'administration, qui doit se réunir."
Une décision "choquante"
Yann Bisiou, maître de conférence en droit à l'Université Montpellier 3 Paul Valéry, contacté par téléphone, trouve cette décision "choquante". Ce juriste estime légitime que la décision initiale de la Sorbonne ait été retoquée, en raison de plusieurs entorses aux droits de la défense en première instance. Mais s'étonne de la légèreté de la nouvelle sanction "qui parait faible, même si le Cneser nous dit qu'elle est proportionnée par rapport à celle infligée au doyen." Seule certitude pour ce juriste, en l'état, l'université se verra dans l'obligation de réintégrer le professeur dans ses effectifs, une fois sa suspension purgée. La nouvelle décision étant un appel, elle ne pourra être contestée que devant le Conseil d'Etat, qui ne statut pas sur le fond, mais uniquement sur la forme et les questions de procédure.
En mai 2021, ces mêmes faits avaient été au cœur d'un procès au tribunal correctionnel de Montpellier. Et le jugement, rendu en juillet, avait été plus sévère que les réquisitions du parquet. Sept personnes y étaient jugées. L'ex-doyen de la fac y avait été condamné à 18 mois de prison avec sursis ainsi qu'à deux ans d'interdiction d'exercer une fonction publique. Le professeur de droit Jean-Luc Coronel de Boissezon ainsi que sa femme, avait eux été condamnés à 14 mois d'incarcération, dont six mois fermes. Les quatre autres prévenus avaient également écopé de peines de prison ferme. Un procès en appel devrait avoir lieu dans les prochains mois.