Entre sécheresse chronique, crise viticole et épidémie de fièvre catarrhale ovine, les agriculteurs catalans sont à genoux. La visite annoncée de la nouvelle ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, jeudi 17 octobre, sonne pour eux comme la dernière chance d'être entendus. Ils espèrent des aides d'urgence, estimant leur temps désormais compté.
Entre Sainte-Colombe-de-la-Commanderie et Terrats dans les Pyrénées-Orientales, voilà maintenant 15 ans que les viticulteurs n'en finissent plus d'attendre le projet qui pourrait sauver leurs vignobles : deux retenues collinaires alimentées par l'eau de la Têt via le canal de Thuir. Elles permettraient d'irriguer 350 hectares de vignes et serviraient de réserve pour les pompiers en cas d'incendie.
C'est là que la nouvelle ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, pourrait se rendre demain, jeudi 17 octobre, lors de sa visite annoncée en terres catalanes. Les exploitants espèrent qu'elle débloquera enfin le dossier.
Certaines études pourraient être accélérées, le chiffrage a été fait, mais on est toujours dans l'attente de savoir si, oui ou non, on nous laisse faire et on nous aide. Clairement, on retarde systématiquement les choses. C'est le yo-yo depuis 15 ans !
Jérôme de MauryMaire de Sainte-Colombe-de-la-Commanderie (66)
Plus le temps d'attendre
Or, du temps, les agriculteurs catalans n'en ont plus. Avec le changement climatique qui assèche le département depuis deux ans, ils voient dans ce projet leur unique planche de salut.
Un "plan Marshall" de la dernière chance
Ailleurs dans le département, c'est le même cri d'alerte et d'angoisse. La pénurie d'eau met en danger les cultures. Selon Jean Henric, le président du syndicat des Jeunes Agriculteurs des Pyrénées-Orientales (JA 66), lui-même viticulteur à Bages, "on est à 60% de pertes, les viticulteurs n'ont plus d'argent".
C'est vraiment la dernière année. Ce qui se passe dans les Pyrénées-Orientales ne s'est jamais passé ailleurs en France. On est à un grand tournant et il faut des mesures urgentes, un plan Marshall pour sauver les exploitations et les emplois.
Jean HenricPrésident des Jeunes Agriculteurs 66
Il attend des annonces fortes, des aides à la trésorerie et pour payer les charges. "On veut qu'elle se rende compte de la situation catastrophique", ajoute-t-il en évoquant la visite très attendue de la ministre. Annie Genevard devrait aussi aller à la rencontre d'arboriculteurs et de viticulteurs de la vallée de l'Agly.
Crises multiples et à répétition
Mais de l'aveu même de Jean Henric, l'espoir est ténu : "on n'y croit plus. Mais, si on laisse tomber alors que des milliers d'emplois sont concernés, ce sera catastrophique". Le syndicaliste dresse un tableau sombre de l'agriculture catalane : "on a des vignes et des vergers qui sont morts et des éleveurs qui perdent leurs troupeaux à cause de la fièvre catarrhale ovine".
Car les raisons d'être inquiets sont multiples. Et la colère gronde, comme dans les départements limitrophes et ailleurs en Occitanie. Pour autant, pas question pour autant de se joindre à la manifestation prévue la nuit prochaine en Haute-Garonne, où les syndicats FDESA et JA appellent à retourner et bâcher les panneaux des communes. Une opération déjà menée il y a quelques jours dans les Pyrénées-Orientales.
Pour l'instant on reste calme. La ministre a entendu notre appel, elle vient. Du coup, on va rendre les panneaux qu'on a enlevés. Ensuite, si il n'y a pas de réponse, ça risque de partir vite et fort.
Jean HenricPrésident des Jeunes Agriculteurs 66
Visite ministérielle bientôt dans l'Aude
Une visite qui sera scrutée aussi par les voisins de l'Aude, où la situation de la viticulture est, là aussi, critique. Interpellée mardi à l'Assemblée nationale par le député RN audois Christophe Barthès, Annie Genevard a dit son intention de s'y rendre également prochainement. Elle a rappelé les mesures déjà entérinées après la crise de cet hiver : des prêts bonifiés pour permettre à ceux qui ont le plus de problèmes de trésorerie de rembourser les prêts garantis par l'Etat accordés pendant le Covid, et un plan de 120 millions d'euros pour l'arrachage définitif des volumes de vignes excédentaires.
L'arrachage a commencé
En attendant, dans les Pyrénées-Orientales, on devrait atteindre un niveau bas record de 300 000 hectolitres de vin, contre près de 800 000 hectolitres il y a 10 ans. Une campagne d'arrachage commence cette semaine. 5 à 18 mille hectares de vignes pourraient disparaître.
Écrit avec Marie Boscher et Lilia Khelfaoui.