À Beaumont-de-Lomagne, dans le Tarn-et-Garonne, Johanna, la fille du couple décédé lors de vacances à Madère, rouvre le commerce ce lundi 15 avril. Avec courage et dignité, elle fait le point sur la situation et le peu d'informations dont elle dispose sur l'enquête. Interview.
À Beaumont-de-Lomagne, dans le Tarn-et-Garonne, la boulangerie du couple décédé lors de vacances à Madère, rouvre ses portes. C'est Johanna, la fille de Laurent et Véronique Blond qui prend sur elle pour continuer à faire vivre le commerce. Ses parents ont disparu sur l'île de Madère dans le courant du mois de mars, alors qu'elle était en vacances avec eux. Les corps des randonneurs ont été découverts le 4 avril dernier 2024 dans une zone montagneuse.
France 3 : dans quel état d'esprit, avez-vous ouvert la boulangerie ce matin ?
Johanna Blond : Là aujourd'hui c'est difficile parce que la réouverture du commerce sans mes parents à l'intérieur, c'est de fortes émotions. J'ai l'impression qu'on leur fait faux bond et en même temps, j'ai l'impression qu'on leur rend hommage. Mais c'est vraiment dur de passer la porte et de ne pas les voir.
France 3 : c'est important que le commerce survive ?
Johanna Blond : De toute manière, on en a besoin parce qu'un commerce qui ne fonctionne pas, c'est un commerce qui perd de l'argent. Et on ne pense pas qu'à l'argent, mais il faut y songer un petit peu. Le commerce ne doit pas perdre de sa valeur si nous, on veut pouvoir soit le faire perdurer, soit le revendre. Et on a des salariés qui comptent sur nous aussi donc c'était important que tout le monde retrouve sa place et son travail et le salaire qui va avec. Et que les clients puissent aussi retrouver le confort d'avoir un commerce de proximité avec des produits de qualité comme auparavant.
France 3 : comment s'est passée la réouverture ?
Johanna Blond : C'est un petit peu moi qui ai géré avec les salariés. On avait fait une première réunion ensemble, il y a quinze jours, pour essayer de repenser les horaires d'ouverture au mieux, en prenant en compte les contraintes de chacun pour que ça ne dépasse pas les horaires de travail habituel. Qu'on puisse faire beaucoup de production en qualité, c'est plutôt ce qu'on essaie de mettre en avant plutôt que la quantité.
Ensuite, c'est un mandataire judiciaire qui a pris le relais pour la gestion des comptes en banque, des salariés, des fournisseurs, donc ça nous déleste ma sœur et moi d'un certain poids (...). On a deux cogérants en moins, donc forcément la production qui n'est pas faite à deux heures du matin par mon père, il y a quelqu'un d'autre qui doit la faire. Et même chose, ma mère qui faisait toutes les après-midi toute seule, elle n'est pas là, donc il faut qu'on change un peu les choses pour que ça corresponde à tout le monde.
L'enquête à Madère : "on n'a eu aucune information"
France 3 : quelles sont les informations que vous avez en provenance du Portugal ?
Johanna Blond : Rien du tout. C'est seulement le 4 et le 5 avril qu'on nous a appris que deux corps avaient été retrouvés, mais moi, je n'ai eu aucune information sur l'ADN. J'ai lu dans un article que l'ADN avait été prouvé pour le corps de ma mère, mais moi, je n'ai eu aucune information. On ne connaît rien sur les causes de l'accident. On pense que c'est accidentel, mais on n'a eu aucune information.
France 3 : vous souhaiteriez qu'il y ait des obsèques à Beaumont-de-Lomagne ?
Johanna Blond : Non pas nécessairement. On aimerait rendre un hommage ici à mes parents pour que tout le monde puisse se recueillir parce que je pense qu'il y a certains clients et des amis de mes parents qui habitaient dans le coin et qui aimeraient se recueillir aussi, ce qui est normal.
Mais on va peut-être faire le choix de faire les funérailles côté toulousain où j'ai de la famille, mais on fera quelque chose ici aussi en leur mémoire.
France 3 : les clients rencontrés ce matin étaient très émus...
Johanna Blond : Oui, j'ai cru comprendre, j'ai eu beaucoup de messages sur les réseaux sociaux. Le plus beau dans tout ça, c'est que les gens ont su vraiment capter l'âme de mes parents. Quand ils les décrivent, ils parlent de ma mère étant très souriante, empathique et mon père toujours avec son petit mot rigolo. C'étaient totalement eux et je suis très heureuse que les gens aient su capter leur caractère et comprendre qui ils étaient.
France 3 : que peut-on vous souhaiter ?
Johanna Blond : De se reconstruire et de vivre au jour le jour. On souhaite avant tout pouvoir entamer notre deuil avec un enterrement décent. Tant qu'on n'aura pas ça, malheureusement, ce sera difficile pour nous de vraiment réaliser que c'est la réalité parce que tant qu'on n'a pas d'urne, c'est difficile... On le sait, mais ça reste fictif. On a l'idée, mais on n'a pas la réalité. Ce qu'on souhaite avant tout c'est de leur rendre hommage avec des obsèques dignes de ce nom. Et ensuite, on va essayer de se reconstruire individuellement chacun, de reprendre notre petite vie, faire le travail et peut-être reprendre des projets. Mais pour l'instant, on vit au jour le jour.