VIDÉO. Vignes plus hautes, nouveaux cépages... à quoi pourraient ressembler les vins de Bourgogne du futur ?

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Les vignes de Bourgogne sont contraintes d'évoluer pour s'adapter au changement climatique.
Le dérèglement climatique inquiètent les viticulteurs de Bourgogne. Pour s'en prémunir, certains ont choisis de prendre les devants et de tenter de faire évoluer leurs pratiques. ©Guillaume Desmalles et David Segal / France Télévisions

Face aux conséquences du dérèglement climatique, les vignerons sont contraints de faire évoluer leurs pratiques. Si certains optent pour des cépages plus résistants, d'autres choisissent de varier les techniques de taille et de palissage dans leurs domaines.

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Le vignoble de Bourgogne est contraint d’évoluer. Avec cet été 2024 très pluvieux, le printemps bousculé par le gel, le mildiou, ou encore les sécheresses répétées de ces dernières années, nos vignes ont grandement souffert du changement climatique. 

Avec l’installation du siège de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) à Dijon en Côte-d’Or, la centralisation des recherches et des innovations dans le secteur va s’effectuer au plus près des domaines. Le 45e congrès mondial de la vigne et du vin a pour thème "La vigne et le vin, un patrimoine innovant face aux défis du siècle". Des débats ont lieu cette semaine pour discuter de l'avenir de la filière. Dans les vignes, les expérimentations ont déjà commencé et donnent des résultats très encourageants.

Une vigne taillée plus tard...

Dans le souci d’améliorer le rendement des récoltes et surtout d’éviter les pertes, il faut d’abord comprendre la vigne. C’est justement le rôle de Nicolas Poly, ingénieur physiovigne à l'université de Bourgogne. Dans sept domaines, situés dans la côte de Beaune et de Nuits en Côte-d'Or, le scientifique a mené deux expérimentations.

Le premier test consiste à retarder la taille de la vigne. "Avec la plus grande précocité des débourrements du fait d'hivers plus doux, la vigne commence son cycle végétatif plus précocement en saison et cela pose un risque de gel pendant une plus longue période", présente calmement Nicolas Poly. L’idée ici est d’essayer de retarder au maximum le développement des bourgeons.

"La nature est quand même bien faite. La vigne a un phénomène qu’on appelle l’acrotonie, qui fait que les bouts des sarments pilotent le cycle du végétal et tant qu’on les laisse, cela va inhiber le débourrement des bourgeons qui porteront le plus de grappes", explique-t-il.

"Donc si on retarde la taille de la vigne, qui se fait traditionnellement en hiver, on peut décaler le débourrement, donc le début du cycle végétatif de la vigne à plus tard, en espérant passer la période à risque pour le gel printanier."

Si on emploie cette technique trop précocement, on n'aura pas d’impact sur le débourrement. Et si on la fait trop tardivement, on risque d’impacter le débourrement, mais aussi et surtout grandement le rendement de la vigne, sa productivité et peut-être même sa vigueur à long terme.

Nicolas Poly

ingénieur physiovigne à l'université de Bourgogne

Pour le moment, il reste des choses à expérimenter et à adapter au cépage, aux différentes régions, au matériel et à la vigueur de la vigne. En tout cas, dans la parcelle testée, l’expérimentation "a très bien fonctionné". "Le débourrement a pu être décalé d’une dizaine de jours sans impacter le rendement", se félicite l’ingénieur.

...et qui pousse plus haut

Au milieu de cette parcelle de vigne, un rangée saute aux yeux et pour cause : le palissage dépasse deux mètres de haut. "Sur le papier, on pourrait penser que ce n’est pas forcément un avantage, parce que quand on augmente la hauteur de feuillage, la vigne va consommer plus d’eau", reconnaît Nicolas Poly.

Mais en modulant astucieusement la hauteur du tronc et en gardant la même quantité de feuillage tout en augmentant la pousse verticale des sarments, l'ombre générée va permettre de protéger le raisin.

"On a eu beaucoup d’étés très chauds et très secs, avec des situations de stress hydrique et donc, une maturité du raisin très accélérée qui aboutit à des vins très alcooleux", regrette le spécialiste.

"Certains vignerons essayent donc de recréer un microclimat de la vigne qui soit plus bénéfique, en essayant de remettre ces raisins plus à l’ombre pour ralentir un peu la maturation de la vigne contre les effets du changement climatique. La hauteur du tronc est aussi intéressante pour moduler la résistance de la vigne au gel."

Si les grappes se retrouvent plus hautes par rapport au sol, elles vont être généralement mieux protégées du gel.

Nicolas Poly

ingénieur physiovigne à l'université de Bourgogne

Nicolas Poly confie que ces méthodes remontent à une période ancienne, mais que les vignobles modernes ont presque tous opté pour le modèle de la vigne basse palissée afin d’exposer un maximum les raisins et accélérer leur maturation. "Sauf que dans le contexte de changement climatique, on s’interroge sur des pratiques qui étaient parfois ancestrales et qui n’ont pas été bien suivies ou bien qualifiées et qu’on a besoin de redécouvrir et de remettre aux goûts du jour", conclut-il.

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Une situation qui se complique pour les vignerons

Ces expérimentations sont menées depuis un an au domaine Hubert Lignier, à Morey-Saint-Denis, et dans six autres domaines sur la côte de Nuits et de Beaune. "On s'est réunis pour pouvoir financer avec PhysioVigne des programmes de recherches sur différentes conduites de la vigne", rappelle Laurent Lignier, viticulteur.

Ce professionnel est confronté à plusieurs problèmes qui tendent à évoluer négativement. "Depuis plusieurs années, on a eu sur cette parcelle et d'autres exposées plein sud, des raisins grillés", regrette-t-il.

"La grillure, c'est quelque chose qui n'est pas très bon pour la qualité du vin. En plus, ça demande beaucoup de travail de trier et d'enlever les grains secs. Vinifier avec des grains grillés, ça ne fait pas du bon vin. On est là pour en faire du bon."

Les vignes contraintes d'évoluer

C'est avec un ton résigné que Frédéric Barnier, directeur technique du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) confie sa vision de la situation du secteur face aux changements climatiques : "La première chose dont on a tous pris conscience, c’est qu’on avait probablement une volatilité de notre production."

Notre gros souci en Bourgogne, ce n’est pas tant la qualité, je pense que nos vins n’ont jamais été aussi bons, Mais par contre, d’un millésime à l’autre on produit beaucoup, puis on ne produit plus rien.

Frédéric Barnier

directeur technique du BIVB

L'objectif du BIVB et de la plupart des acteurs du secteur de la vigne, c'est de "travailler" sur ces problématiques. (Il faut essayer) "d’atténuer cette perte liée à des évènements, des maladies nouvelles, des vignes qui réagissent différemment par rapport à il y a quelques années", confie le directeur technique.

"Il faut aussi travailler sur le matériel végétal au sens très large, c’est-à-dire des cépages qui pourraient être différents de ceux qu’on utilise aujourd’hui, parce qu’ils s’adapteraient mieux. Donc il faut qu'on explore et qu'on arrive à cadrer tout cela. Dans le cadre de l'appellation d'origine contrôlée, on parle de modifier le cahier des charges."

De nouveaux cépages en Bourgogne ?

Francine Picard, des domaines Famille Picard (Chassagne-Montrachet), justement, a pris le pari de tester des nouveaux cépages comme le pinot kors ou le pinot volturnis. Depuis cinq ans, elle cherche à déterminer lesquels résistent le mieux aux changements climatiques.

Les premières observations portent des promesses très rassurantes : "On voit qu'une année dite normale, avec un petit peu moins d'eau qu'en 2024, on fera deux traitements anti-mildiou comparé à une dizaine de traitements en bio dans le reste de nos parcelles. Ça veut dire que ce sont des plants qui résistent mieux aux changements climatiques."

Ces nouveaux cépages testés dans plusieurs domaines sont reconnus pour leur saveur caractéristique du pinot noir. Ils seront bientôt agréés vins de France, comme l'explique cet article de Vitisphere. Cette reconnaissance prouve que le secteur viticole prend de plus en plus au sérieux le dérèglement climatique et ses impacts sur les vignes. De là à bousculer les traditions des vins de Bourgogne ?

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