En Bourgogne-Franche-Comté, le Rassemblement national a recueilli 37,1 % des suffrages aux élections européennes 2024. Le parti d'extrême-droite a aussi rassemblé les 18-34 ans : en France, 32 % d'entre eux ont voté pour Jordan Bardella. Parmi les étudiants de l'université de Bourgogne, beaucoup ne comprennent pas ce chiffre.
32 % : c'est le nombre de 18-34 ans qui ont voté pour le Rassemblement national (RN) aux élections européennes. Pourtant, ce nombre en étonne plus d'un sur le campus universitaire de Dijon.
"On ne s’attendait pas à ça, quand on discute avec nos amis, personne ne vote Bardella, ça a été un choc", confie Omar, 18 ans.
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"Complètement satisfaite", "choquant et grave"
Choqué, c'est ainsi que se décrit le jeune homme suite aux résultats, mais c'est presque 1 jeune sur 3 qui a voté pour ce parti. À l'université de Bourgogne ou dans les lycées professionnels, on a du mal à les trouver. Sur une trentaine de jeunes interrogés, seulement deux s'estiment "satisfaits" de ces résultats.
"Personnellement je suis plutôt satisfait, les idées du parti ne sont pas forcément mauvaises, même s'il y a des trucs moins bien", révèle André, en CPGE (concours préparatoire aux grandes écoles) de mathématiques, et qui n'a pas voté.
Justine, 19 ans, en bac ST2S au lycée Simone Weil partage cet avis : "Je suis complètement satisfaite du résultat."
Ce qui m'a convaincue, ce sont les mesures sur l'immigration et sur la fermeture des frontières.
Justine, 19 ansen ST2S au lycée Simone Weil
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Baptiste, en CPGE de physique chimie au lycée Carnot, trouve quant à lui ce résultat imprudent : "C’est choquant et grave. Il y a 10, 20 ans on n’imaginait pas les extrêmes au pouvoir. Le programme RN est inquiétant, j’ai peur d’un potentiel Frexit."
L'nquiétude grandit autour de la montée des "extrêmes"
Edgar, étudiant en pharmacie, n'est pas surpris par le résultat du RN : "On le savait déjà grâce aux sondages, mais le pourcentage, c'est un choc."
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La plupart des étudiants interrogés n'avaient, comme Edgar, aucun doute sur le résultat de ces élections européennes, ils savaient que c'était "un des deux extrêmes" qui allait gagner. Aurélien, 21 ans, apprenti à l'institut Agro Dijon, est inquiet :
Les extrêmes, c'est jamais bon, mais on n’a pas le choix que de voter pour, ce sont eux qui attirent le plus de monde. On a le choix entre la peste et le choléra.
Aurélien, 21 ansapprenti à l'institut Agro Dijon
Titouan, 19 ans et étudiant en STAPS, est aussi préoccupé : "Ce résultat n’est pas surprenant et peut même être inquiétant. Il y a une vraie montée des extrêmes, ça ne m'étonne pas qu'un des deux soit élu, les gens en ont marre du gouvernement actuel."
Pour ces étudiants, les deux "extrêmes" sont le RN et la France Insoumise (LFI), les deux partis les plus votés par les 18-34 ans. 32 % pour le RN et 20 % pour LFI.
Je suis choquée, je ne comprends pas que ça soit eux qui passent, avec leur programme.
Laura, 22 ansétudiante en pharmacie
"On en parle avec mes amis et on est tous dans l'incompréhension", confie Laura.
Voter, pourquoi, pour qui ?
À défaut de voter (60 % des 18-24 ans n'ont pas voté, selon un sondage Ipsos) ces élections européennes sont un sujet de discussion "électrisant" pour les étudiants : "C'est compliqué d'en parler mais c'est fondamental de pouvoir débattre. Si on parle aux personnes qui ont le même avis que nous, on n'évolue pas", estime Edgar, 22 ans.
Dans les groupes d'étudiants réunis sur le campus universitaire, les élections sont sur toutes les lèvres : "Même ceux qui ne s’expriment pas d’habitude sur ce sujet en parlent en public. Ça a dû briser des amitiés", plaisante Julien, étudiant en droit.
Ces débats politiques se font dans le calme, affirment les étudiants, bien qu'ils puissent parfois se tendre : "Je suis ouvert aux débats, mais quand je parle avec des collègues qui votent Bardella, je leur dis que dans le futur, ils devront assumer leur choix", expose sereinement Milas, 21 ans, en faculté de biologie.
Aurélien surenchérit : "On ne peut pas avoir de débat avec certaines personnes, notamment celles qui ne sont pas renseignées."
Ce qui me choque le plus, c’est l’absention. C’est un vrai problème démocratique.
Lubinétudiant en CPGE littéraire
Seulement 40 % des 18-24 ans ont voté lors de ces élections. Les jeunes interrogés qui n'ont pas voté expliquent leur décision :" J'habite loin de Dijon. Le week-end, je n’ai pas le temps de rentrer chez moi pour aller voter et les procurations sont trop compliquées à faire", juge Coline, 24 ans, étudiante en master de biologie.
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La complexité de réaliser une procuration est récurrente dans le discours de ces jeunes étudiants à Dijon, mais originaire d'une autre ville. L'autre argument avancé est qu'ils ne se retrouvent pas dans la politique actuelle : c'est le cas de Vincent, en troisième année de licence d'histoire.
Je n'ai pas voté. J'estime que m'abstenir, c'est justement faire un choix
Vincenten troisième année de licence d'histoire
Anna, 22 ans et apprentie à l'Institut Agro Dijon, pense également que cela rentre en compte : "Ce que j'ai remarqué avec mes amis qui ne votent pas, c'est qu'ils en ont ras-le-bol de la politique, ils ne savent plus qui croire."
D'autres encore ne se rendent pas compte de l'enjeu de ces élections, c'est le cas d'un étudiant en CPGE de physique chimie : "Je ne sais pas quel impact réel ça a et ce que ça représente."
Nathan, 21 ans et étudiant en master biologie synthétique, approuve : "On n’est pas assez informé de l'impact, si on ne s'y intéresse pas, on ne sait pas."
L'abstention pourrait "faire bouger les choses", selon Julien, étudiant en droit : "Je pense que le pourcentage de gens qui n'ont pas voté, ne va pas voter pour Bardella. J'en parlais avec des amis qui n'ont pas voté, ils peuvent faire bouger les choses."
Vers une mobilisation des jeunes pour les élections législatives ?
Lorsque Lubin, étudiant en CPGE littéraire, déclare "qu'il faut accepter les résultats, et que c'est la démocratie", Thomas, son camarade d'étude, s'insurge : "Non il ne faut pas l’accepter ! Il faut combattre et montrer qu’on n’est pas d’accord."
Les deux étudiants du lycée Carnot ont notamment participé à la manifestation du lundi 10 juin 2024 à Dijon, et se disent prêts à manifester encore, maintenant qu'ils sont en vacances.
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Mais y aura-t-il plus de jeunes qui vont voter aux élections législatives ? Anna l'espère. "Ça peut ouvrir les yeux ces résultats et engendrer plus de votes, comme un effet choc."
Les jeunes interrogés n'ayant pas voté dimanche 9 juin ne comptent néanmoins pas se mobiliser pour les prochaines élections. "C'est trop conflictuel, ça ne m'intéresse pas la politique", déclare Manon, en deuxième année d'administration économique et sociale.
Le premier tour des élections législatives aura lieu le 30 juin 2024. Laura, 22 ans étudiante en pharmacie, a un message à faire passer : "Il ne faudra pas s'étonner et se plaindre des résultats, si on ne vote pas."