Dijon : quatre interpellations après une nouvelle soirée de violences aux Grésilles

Après un week-end de violences, de nouveaux incidents ont eu lieu dans la journée et la nuit du lundi 15 juin 2020 dans le quartier des Grésilles à Dijon. Plusieurs véhicules ont été incendiés. Revoir l'édition spéciale consacrée à ces événements diffusée sur France 3 Bourgogne.

Lundi 15 juin, plusieurs véhicules ont été à nouveau incendiés dans le quartier des Grésilles à Dijon après de nouvelles scènes de violences. Le trafic des bus a dû être interrompu. Des immeubles de bureaux, des écoles, des commerces ont été fermés. Les habitants ont été invités à rentrer chez eux. D'importantes forces de l'ordre étaient présentes. Un escadron de gendarmes mobiles, soit 110 militaires, a été dépêché sur place.

Pour la quatrième nuit consécutive, des dizaines de personnes armées de barres de fer et d'armes de poing se sont rassemblées lundi à Dijon. Dans le quartier des Grésilles, elles ont tiré en l'air, visé des caméras de surveillance et incendié des poubelles et des véhicules, ont indiqué à l'AFP des sources policières.

"Une intervention est en cours" pour les disperser, indiquait vers 20h30 lundi soir le préfet Bernard Schmeltz, précisant que 60 gendarmes mobiles, une quarantaine de CRS et des renforts de la brigade anticriminalité (BAC) étaient mobilisés "contre une centaine d'opposants".

Selon lui toutefois, les troubles de lundi n'étaient pas le fait de membres de la communauté tchétchène, contrairement à ces trois derniers jours où plusieurs dizaines voire centaines d'entre eux s'étaient rassemblées dans le centre-ville de Dijon puis aux Grésilles pour y mener des attaques ciblées dans le cadre d'un règlement de comptes. "Nous n'avons identifié aucune présence extérieure, ce sont des personnes originaires de Dijon", a assuré Bernard Schmeltz au sujet des personnes rassemblées lundi soir. 
 

Visites de Laurent Nuñez, Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur, et de Marine Le Pen

Dans la soirée, le parquet a démenti les rumeurs concernant le décès d'une victime. "Il n'y a heureusement pas de victime décédée" a annoncé le procureur de la République Eric Mathais, lançant un nouvel appel à l'apaisement. Au moins quatre interpellations ont eu lieu, selon une source policière.

Dans un communiqué, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a appelé à "une réponse ferme" après "les violents troubles à l'ordre public et les actes d'intimidation survenus dans l'agglomération dijonnaise" qualifiés d'"inadmissibles". 

Laurent Nuñez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur, s'est rendu à Dijon mardi 16 juin. Il a rencontré les policiers pour leur dire que l'Etat était "présent" à leurs côtés. Il a annoncé qu'il y aurait 2 unités de forces mobiles à Dijon, soit 150 hommes en plus des effectifs locaux et que "cela sera maintenu autant de nuits qu’il faudra". 

En revanche, Laurent Nuñez ne s'est pas rendu dans le quartier des Grésilles où il devait rencontrer la population. A la place, une délégation d'habitants devait être reçue à la préfecture, mais personne n'a répondu à l'invitation. Les résidents sont partagés entre colère et indignation face à ceux qu'ils appellent "des miliciens" mais aussi face à l'attitude du préfet et des forces de l'ordre, trop passives selon eux.


La crainte d'un embrasement est dans tous les esprits. Dans la ville voisine de Chenôve, 19 véhicules ont été incendiés dans la nuit de lundi. "On a été réveillés à une heure du matin par l'odeur, confie un habitant de la rue Léon Gambetta, où deux voitures ont été touchées. Ça nous surprend. Cela fait sept ans que j'habite à Chenôve rue Gambetta, c'est la première fois. C'est résidentiel, on est tous propriétaires là-bas. On a quand même peur, surtout les enfants."

A moins de deux semaines du second tour des élections municipales, les violents événements survenus à Dijon font réagir la classe politique dans son ensemble. La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen s'est même rendue à Dijon mardi après-midi pour y tenir une conférence de presse. Elle a exposé ses arguments contre l'immigration et adressé de nombreuses flèches à Emmanuel Macron sans le citer, comme si elle se plaçait déjà dans la course à la présidentielle. Elle aussi ne s'est pas rendue dans le quartier des Grésilles, "faute de temps" a-t-elle expliqué. 

 

Revoir l'édition spéciale du 19-20 de France 3 Bourgogne du mardi 16 juin consacrée aux violents événements survenus à Dijon


 

 

Pendant les troubles de lundi "un conducteur a été agressé et son véhicule projeté contre un barricade enflammée". Une équipe de journalistes de France 3 Bourgogne "a été prise à partie et son véhicule caillassé", a précisé le préfet de Côte-d'Or.

 

 

Lundi en fin d'après-midi, aucune interpelation n'avait encore eu lieu. Face à l'incompréhension de certains habitants du quartier, Bernard Schmletz, le préfet de Côte-d'Or se justifie. "Hier [dimanche, ndlr] des policiers et des gendarmes ont garanti le respect de la paix publique dans une situation complexe en s’efforçant d’éviter tout débordement et d’encadrer les agissements des individus réunis pour en découdre. En aucun cas, on ne peut les accuser d’avoir abandonné les habitants des quartiers. A présent, il est temps que les esprits s’apaisent et que chacun rentre chez soi. Si tel n’est pas le cas et que les troubles persistent, dans un climat d’insécurité dirigé contre les personnes, les forces de sécurité intérieure interviendront pour rétablir la paix publique", a déclaré le préfet lundi en début de soirée.

 

Plusieurs jours de violence 

Ces événements font donc suite à plusieurs jours de violence. Tout est allé crescendo depuis vendredi. Dans la nuit du dimanche 14 juin au lundi 15 juin, une poussée de fièvre inédite a eu lieu à Dijon. Plusieurs dizaines de personnes se revendiquant comme étant Tchétchènes se sont à nouveau rendues dans le quartier des Grésilles, armées pour la plupart de barres de fer. Aucune exaction n'a pourtant été constatée ni par la police, très nombreuse, ni par nos journalistes présents sur place. Le groupe impressionnant s'est déplacé une bonne partie de la nuit en cortège de véhicules. Ses représentants nous affirment vouloir régler un conflit avec des "dealers" qui auraient passé un tabac un jeune Tchétchène il y a quelques jours, un jeune qui serait gravement blessé. 

"On n'est pas là pour tuer des gens"

Parmi eux, uniquement des hommes, plutôt jeunes et plutôt courtois avec les journalistes. Leur seule cible, affirment-ils, les dealers. "Ils nous ont insultés, ils ont frappé l'un des nôtres, on est là pour les tabasser", nous indique l'un d'entre eux. Le discours est sans détour. Le même homme ajoute toutefois : "la loi française ne nous permet pas de tirer sur des gens (sic) on n'est pas là pour tuer des gens". Et l'un de ses comparses d'ajouter dans cette étrange ambiance : "on ne voulait pas embêter les Dijonnais, on est désolé, on a fait peur aux gens mais il vaut mieux avoir peur qu'avoir un mort en bas du bâtiment le lendemain matin".

 

Résumé de la troisième nuit de tension avec Gabriel Talon et Amélie Douay

 

"S'il faut revenir tous les jours, on reviendra tous les jours"

Ce qui ressemble à une opération d'intimidation n'a cependant abouti à pas grand chose. Selon les Tchétchènes, des "bandes de Dijon" leur aurait donné rendez-vous ce dimanche soir... mais force est de constater que personne n'est venu à leur rencontre. Mais, la scène vécue dans le quartier des Grésilles est assez surréaliste : des dizaines et des dizaines d'individus se comportant en miliciens d'un côté ... à quelques centaines de mètres, des dizaines et des dizaines de CRS et de policiers en civil ... et encore un peu plus loin des dizaines de gendarmes. Et des cortèges de dizaines de voitures qui bloquent la circulation, s'arrêtent puis repartent. Sans que rien ne se passe vraiment. Mais, nous dit l'un des hommes, "s'il faut revenir, on reviendra tous les jours". Leur but, selon eux, est que leurs compatriotes tchétchènes qui vivent sur Dijon soient en sécurité.

 

Un accident spectaculaire en début de soirée

La soirée avait commencé avec un accident spectaculaire en plein coeur du quartier des Grésilles. Alors que le groupe de "Tchétchènes" était déjà arrivé sur place, un conducteur est passé, apparemment à plusieurs reprises, à très grande vitesse, avant de heurter un autre véhicule et de se retourner sur le toit. Les spectateurs de la scène se ruent alors vers la voiture mais ils n'auront finalement commis aucune exaction sur le conducteur, selon les autorités. Le chauffard, grièvement blessé, a été transporté par les pompiers au CHU de Dijon. Il est toujours hospitalisé. Selon le procureur de la République de Dijon, Eric Mathais, "il conduisait au moment de l'accident sous l'empire d'un état alcoolique". Concernant son idendité et ses intentions, "on en sait pas plus, priorité à l'enquête," explique le procureur. La vidéo de l'accident a été largement diffusée sur les réseaux sociaux.

La voiture roulait à vive allure sur l'avenue où était rassemblé le groupe de Tchétchènes avant de se retourner sur le toit.

 

Un élu municipal dénonce l'abandon de l'Etat

Dans un post sur son compte Facebook, le conseiller municipal de Dijon Hamid El Hassouni accuse très directement l'Etat, après ces 3 nuits de tensions. "J'accuse le Préfet d'avoir abandonné les habitants des Grésilles! Oui, j'assume cet écrit", précise-t-il. Il ajoute : "Ces 3 derniers jours 8000 habitants ont vécu l'enfer. Ecoutez leur témoignage! Edifiant! Le Préfet a une part de responsabilité en n'ayant rien anticipé! Incompétence ou acte délibéré", conclue cet élu des Grésilles, membre de la majorité municipale.

Eric Mathais, procureur de la République de Dijon, n'est pas du même avis. "Je n’ai pas eu l’impression que l’Etat abandonnait. Il y a eu une mobilisation très forte de la police. Le directeur de cabinet du préfet, le procureur de la république et les commissaires de Dijon se sont mobilisés pour que la situation ne dégnère pas plus que ce que l’on pouvait observer à ce moment-là."

Dans un communiqué, le préfet Bernard Schmeltz, "invite chacun à conserver son sang-froid et à ne pas concourir, pas des excès de langage divers, à envenimer la situation. Les policiers et gendarmes ont fait leur devoir avec rigueur et professionnalisme dans une situation complexe."

 

Début des troubles vendredi soir

La nuit du vendredi 12 au samedi13 juin avait déjà été très agitée dans le quartier de la République à Dijon. Plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées aux alentours de minuit, place de la République, après avoir laissé leurs véhicules sur un parking, non loin de la Cité judiciaire. Il s'agit principalement de ressortissants de la communauté tchètchène, venus de la France entière. Sur Twitter, plusieurs vidéos confirment cette poussée de fièvre.

 

Un bar à narguilé pris pour cible

Ces individus s'en sont pris au bar à narguilé "le Black Pearl", sur le boulevard de la Trémouille. D'après les témoignages que nous avons pu recueillir, corroborés par les vidéos, la plupart étaient cagoulés et armés avec, en leur possession, des barres de fer, des couteaux, des marteaux, des tournevis et des battes de baseball. Alertés, les policiers de la Brigade Spécialisée de Terrain (la BST) et de la BAC sont intervenus rapidement sur les lieux. Ils ont dû eux-mêmes sortir leurs armes et faire usage de lacrymogènes pour disperser les individus et se désencercler. La vice-procureure de la République de Dijon fait état de 10 blessés, "dont certains sérieusement", en précisant que d'autres violences ont été commises la même nuit dans le quartier des Grésilles.

 

La piste du règlement de compte ?

Les forces de l'ordre ont pu rentrer en contact avec ces personnes qui se revendiquent d'origine tchéchène et qui leur auraient affirmé qu'elles n'avaient rien contre la police mais qu'elles auraient un "problème" avec un groupe dijonnais. Aucune interpellation n'a eu lieu.

Comme à Nice il y a quelques jours, ce groupe s'est en fait mobilisé pour intimider les dealers qui sévissent dans la ville, nous explique une représentante de la communauté. Surtout, ces faits interviennent quelques jours après qu'un jeune de 16 ans aurait été " passé à tabac " à Dijon par un groupe de dealers plus âgés. Il serait toujours hospitalisé dans un état grave. Menacé avec une arme à feu, on lui aurait dit : " on te laisse en vie pour que tu ailles dire aux autres (Tchétchènes) qu’on fera ça à chacun d’entre vous ".

Vendredi soir, le calme est revenu assez vite dans les rues de Dijon, où des bris de verre étaient néanmoins encore visibles samedi 13 juin, aux alentours du bar endommagé. 

 

Une rencontre entre les communautés dans la nuit de samedi à dimanche

Toujours selon cette source, une rencontre se serait tenue afin  "d'apaiser les tensions " dans la nuit de samedi à dimanche entre des représentants de la communauté tchéchène et le groupe de dealers. Pendant ces discussions, des « inconnus » auraient tiré à l’arme factice sur les véhicules des représentants des deux communautés. 

 

Un blessé par balle aux Grésilles

Plus grave, des tirs ont été entendus cette même nuit rue d'York, à la lisière du quartier des Grésilles. Et un homme, gérant d'une pizzeria, a été grièvement atteint. Son pronostic vital n'est pas engagé. Un riverain a filmé brièvement la scène et l'a posté sur le réseau Twitter... après vérification, il s'agit bien de la rue d'York :

Cette scène de violence a été filmée dans la nuit du 13 au 14 juin, à Dijon. Le parquet confirme qu'un homme a été grièvement blessé par balle.

 

Une information confirmée ce lundi par Eric Mathais, procureur de la République de Dijon. "Il y a eu des coups de feu qui ont été tirés et un blessé par balles samedi soir." Il nous a confirmé qu'aucune interpellation n'a pour le moment été effectuée. "Dans une situation de cette nature là, ce qui prime en premier lieu, c’est l’ordre public et limiter les faits graves qui se produisent. Il s’agit de faire en sorte que cela ne dégénère pas." 

 

Ouverture d'une enquête judiciaire 

Une enquête a été ouverte, "en particulier pour tentative de meurtre en bande organisée, dégradations, incitation à la violence", en cosaisine entre la police judiciaire et la sécurité publique, selon Eric Mathais. "L’enquête judiciaire aura lieu dans un deuxième temps pour essayer de retrouver les auteurs pour tirer le bilan judiciaire de cet épisode. Mais dans un premier temps, l’important c’est d’éviter qu’il y ait une situation encore plus grave que celle qui peut exister au moment où les policiers interviennent". Une enquête qui selon le procureur de la république sera "longue". 

 

110 CRS en renfort

Le parquet a indiqué dimanche que "tous les voyants sont au rouge". Le maire de Dijon François Rebsamen a indiqué avoir demandé un renforcement des forces de l'ordre. "Des renforts arriveront ce soir (lundi), une ou deux compagnies, afin de sécuriser et rassurer", a déclaré le maire socialiste sortant, après un appel téléphonique avec le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner.

La préfecture a précisé qu'une demi section de CRS (37 policiers) et des renforts de la brigade anticriminalité étaient déjà arrivés dimanche. Un escadron de gendarmerie mobile, soit 110 militaires, devrait donc être déployé ce lundi soir. 

 

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