Ce jeudi 14 mars est la journée nationale de l’audition, dédiée cette année à l’information sur les acouphènes et à leur dépistage. Il y a 2 ans, nous relations le témoignage d'un Bourguignon victime d'acouphènes, suite à une vaccination contre le Covid-19. Où en est-il maintenant ?
Benoît Laurioz est victime d’acouphènes depuis presque 3 ans. Ses symptômes sont apparus à la suite d’une vaccination contre le Covid-19, un lien reconnu par l'OMS, l'Organisation Mondiale de la Santé.
“ça reste très galère au quotidien”
Des symptômes comparables parfois à un vrombissement de moteur dans l’oreille gauche. Un handicap qu’il supporte parfois avec difficulté, même si le Côte-d'Orien a trouvé des moyens pour pouvoir supporter au quotidien ce mal invisible.
"Je me suis un peu arrêté sur la recherche de solutions, témoigne Benoît Laurioz. Je me suis arrêté sur ce qui pouvait être trop médicamenteux. On entend beaucoup parler de traitements anti-épileptiques qui donnent des résultats chez pas mal de gens. Pour ma part, je suis resté sur l’équipement de base (bouchons d’oreille, casque à conduction osseuse) et sur l’auto-hypnose également.”
Bruit blanc et hypnose
Benoît porte en effet en permanence un casque audio à conduction osseuse, qui diffuse du bruit blanc (ensemble des fréquences audibles additionnées) pour masquer les acouphènes. De même, il utilise des bouchons d’oreilles pour les environnements sonores trop bruyants : “Je dois éviter tous les lieux trop sonores, je galère toujours pour les annonces dans les trains, les sifflements quand les portes se ferment. J’ai un mouvement de recul, les gens me regardent parfois bizarrement, je ressens effectivement les sons beaucoup plus fort que les autres personnes. C’est l'hyperacousie, souvent associée aux acouphènes. On s’habitue, mais cela reste très galère au quotidien.”
Mais l’autre discipline qui lui permet de ‘tenir’ sur une journée, c’est l’hypnose : “Tous les matins dans le train, je fais mon quart d’heure d’auto-hypnose. Je veille vraiment à avoir des nuits les plus longues possibles, car là il y a une corrélation directe entre le manque de sommeil et la puissance des acouphènes le lendemain. Dès qu’on fait un excès, aller au cinéma un soir, ou bien se coucher une heure et demie plus tard le soir, le lendemain cela a directement des incidences sur le volume des acouphènes. C’est très clair. Je veille à respecter cette hygiène de vie.”
S’isoler pour supporter les acouphènes
Benoît doit faire attention à l’environnement dans lequel il se trouve. Il ne fréquente plus certains lieux, y compris dans le monde professionnel : “les réunions au travail, des moments plus conviviaux comme des repas, moi je n’y vais pas, je sais que cela va être tout de suite pénible à supporter. Je ne vais même pas pouvoir m’intégrer donc je ne vais même pas être présent parce que ça n’est pas plaisant, ni pour moi, ni pour les autres, ils ont l’impression que je fais la gueule mais ce n’est pas le cas.”
Au niveau professionnel, Benoît a repris son travail à 80%, “c’est le maximum que je peux donner”. Il reconnaît que l’employeur est “compréhensif”. Malgré “une perte de salaire, je n’ai pas souhaité faire une reconnaissance de handicap. Je suis à peu près valide, par rapport à d’autres gens qui ne le sont pas (à cause des acouphènes ndlr). Le fait de m’engager pour eux, c’est ça aussi qui me fait tenir.”
L’environnement personnel de Benoît est également affecté : “Les gens qui me connaissent bien, ils savent. Mais cela peut avoir d’autres répercussions sur d’autres personnes qui vont penser qu’on s’isole volontairement, qu’on n’y met pas du nôtre. Je me suis éloigné de pas mal de gens, enfin ces personnes se sont éloignées de moi, ça marche dans les deux sens, à cause de ces problèmes auditifs.”
Un partage d’expérience dans une association
A la suite de l’apparition de ses acouphènes, Benoît avait publié un blog, qui lui a permis de recueillir beaucoup de témoignages. Depuis, le blog est devenu association, et les personnes présentant des troubles auditifs sont nombreuses. “Il y a beaucoup de monde dans l’association, des gens qui ont des maladies potentiellement mortelles ou incurables. Il y a des victimes d’acouphènes, associés à des symptômes neurologiques plus lourds. Je n’ai pas d’autres symptômes, il y a d’autres personnes qui ont ces graves problèmes en plus. Je m’efforce de relativiser ce qui m’arrive au contact de ces personnes, c’est une aide importante pour moi. Quelque part, le fait de relativiser, forcément ça m’aide."
De son côté, Benoît poursuit son investissement personnel dans l'entraide et la recherche de solutions : "OK c’est galère, ma qualité de vie est peut-être meilleure que celle que d’autres qui souffrent plus. Donc mon investissement aussi dans l’association, ça m’aide, on essaie de se développer et de se faire entendre.”
Des actions qui vont aussi jusqu'au partage de solutions et d'information sur les acouphènes. De plus, dans l'association, un médecin spécialisé ORL intervient dans la modération, dès qu'il s'agit d'évoquer certains traitements médicamenteux.
“Entre toutes les techniques et toutes les cordes à mon arc, j’arrive à gérer, même si j’ai des moments où le moral est au plus bas, là où les acouphènes sont à fond du matin au soir et je me dis c’est pas possible. C’est toujours un équilibre à trouver.”
"les acouphènes, il faut apprendre à vivre avec"
Benoît salue l'initiative de la journée nationale de l’audition cette année qui se concentre sur les acouphènes : "c’est bien, on voit qu’il y a pas mal de jeunes qui témoignent. Il y a des questions de prévention qui comptent, mais il faut aussi évoquer toutes les causes possibles d’acouphènes. "
Le mal invisible que représentent les acouphènes reste encore difficile d'approche pour un diagnostic médical précis, et les solutions sont rares : "La perception des acouphènes, dire si c’est grave, si c’est fort, pas fort, c’est totalement subjectif. Les chercheurs pour eux, ça n'est pas mesurable, les études sur ce sujet sont rares. On peut mesurer la perte d’audition, on peut faire des études. Les acouphènes, sur une échelle de 1 à 10, d’une personne à une autre, il n’y a pas de correspondance possible, c’est ça qui complique l’étude de ce phénomène."
Dans l'association, Benoît évoque les cas des personnes les plus affectées et les plus désespérées : "La plupart des gens ne vont plus voir d’ORL, à part ceux qui sont suivis car ils ont une perte d’audition et doivent y retourner au moins une fois par an pour être sûr que cela ne se dégrade pas. Sinon cela n’apporte plus rien d’aller les voir, ils nous disent que les acouphènes il faut apprendre à vivre avec, point."
Lueur d'espoir pour Benoît, une opération chirurgicale qui pourrait résoudre ses problèmes d'acouphènes, mais sans aucune garantie de guérison totale."Ça me laisse un espoir d'améliorer mon quotidien" conclut-il.