Témoignages. “Amoureuse d’une personne et pas d’un genre” : paroles de bisexuels francs-comtois

Publié le Mis à jour le Écrit par Sarah Rebouh

À l’occasion de la journée de la bisexualité, qui a lieu le 23 septembre 2020, France 3 Franche-Comté a choisi d’aborder ce sujet peu médiatisé et peu documenté, objet de nombreux clichés et stéréotypes, à travers le témoignage de bisexuels francs-comtois.

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"C'est bien d'aborder ce sujet ! Je ne savais même pas qu'il existait une journée de la bisexualité" s'étonne Anna*, bisexuelle, la trentaine, installée à Besançon. "C'est un bon sujet d'article car on en parle très peu, alors que c'est un vrai sujet de société" témoigne quant à lui Jean-Charles, bisexuel bisontin âgé de 33 ans. 

La journée de la bisexualité a été lancée aux Etats-Unis, en 1999. Outre Atlantique, une petite communauté bi existe depuis longtemps, contrairement à la France où le mouvement est plus timide et se rattache machinalement à la communauté LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels, transexuels), tant bien que mal.

En France, peu d’études existent au sujet de la bisexualité. Le pourcentage des adultes s’identifiant comme bisexuel est d’ailleurs difficilement quantifiable. Selon une étude de l’Institut national d'études démographiques (INED), réalisée en 2015 sur un échantillon de 27 268 personnes (15 556 femmes et 11 712 hommes) âgées de 20 à 69 ans, 0,9% des femmes se disent bisexuelles et 0,8% des hommes. 

Les chiffres ci-dessus apparaissent bien éloignés de la réalité et des comportements sexuels de la génération Y (personnes nées entre 1980 et 2000), et bien plus encore de celles qui suivent. À l’heure où Disney met en scène pour la première fois une héroïne bisexuelle, cette orientation reste souvent incomprise, parfois méprisée et surtout invisibilisée. 

Mais qu’est-ce que c’est finalement, être bisexuel.le ? On définit couramment la bisexualité comme le fait d’être attiré par ou d’éprouver des sentiments amoureux pour des personnes des deux sexes. “Une attirance sexuelle ne se traduit pas nécessairement par des pratiques, et des pratiques sexuelles avec des personnes de même sexe n’amènent pas nécessairement à se définir comme homosexuel ou bisexuel” nuance néanmoins l’enquête de l’INED.

“Je ne me sentais pas normale”

Jean-Charles est musicien. Il est âgé de 33 ans et se revendique ouvertement bisexuel. Son attirance physique et sentimentale pour les femmes, conjuguée à son attirance sexuelle pour les hommes n’a pas été facile à apprivoiser. “Ça a été compliqué. Je pense que je le savais depuis très longtemps. J’ai eu une première expérience sexuelle avec un garçon vers 13, 14 ans. Cela m’avait bien troublé. J’ai réfréné ça pendant longtemps. Ensuite, je suis sorti avec des filles. Et un soir, je me suis dit qu’il fallait que j’essaie vraiment avec un homme. J’avais 29 ans. Je me suis mis sur l’application de rencontre homo Grindr et quelques heures après j’étais avec un mec” explique le Bisontin. 

Meghane, 30 ans, a découvert sa bisexualité à 19 ans : “J'ai rencontré une collègue et ça a été un déclic. Car avant, je pensais n'être attirée que par les hommes.” Depuis, elle a eu quatre relations amoureuses sérieuses avec deux hommes et deux femmes. 

L’homosexualité est déroutante, parfois difficile à assumer et surtout à faire accepter, mais la bisexualité suppose des attirances multiples, contradictoires aux yeux d’une société extrêmement normée.

"À l’adolescence, c’était plutôt clairsemé parce que pas assumé. Des flirts de-ci de-là avec des garçons puis avec des filles qui étaient aussi paumées que moi, un bisou, beaucoup de gêne puis plus de nouvelles. J’essayais d’oublier ce que je ressentais, de ne pas y penser, parce que je ne me sentais pas normale. On est tous habitué à être rangé dans des cases avec des étiquettes et j’avoue ma propre ignorance au sujet de la bisexualité. À l’époque, sans internet, je ne me rappelle pas en avoir entendu parler. On commençait à peine à entendre vraiment parler d’homosexualité à la télévision” explique Sasha*, une Franc-Comtoise de 38 ans travaillant dans l’éducation.

Une sexualité “hors catégorie”

Pour Anna*, la trentaine, la compréhension et l’acceptation de sa bisexualité s’est fait plus naturellement : “J’ai la chance d’avoir un entourage familial qui m’a toujours compris. J’ai principalement été élevée par ma mère qui nous a éduqué sur des bases de tolérance et d’ouverture d’esprit. D’ailleurs ma soeur est également bi. Ma bisexualité, par rapport à ma personnalité, mon vécu, c’est une façon de définir mon besoin de liberté et d’indépendance. Ce n’est pas un hasard que je sois bi, c’est mon mode de vie. C’est le symbole de ne pas choisir, de ne pas te catégoriser.”

C’est là tout l’enjeu de la bisexualité, inclassable orientation sexuelle dans une société en recherche de conformité, habituée à placer les individus dans des compartiments pour pouvoir les accepter. “Je suis contre les étiquettes parce que les étiquettes sont collées aux autres dans le but de rassurer : c’est rassurant de pouvoir catégoriser et ainsi de pouvoir comprendre un comportement” explique Sasha*. 

La web-série belge intitulée “La théorie du Y” illustre d’ailleurs bien l’impression de rejet que peuvent parfois ressentir les personnes bisexuelles. 

“Les gens me disent souvent que je suis forcément d’un côté ou de l’autre de la barrière. Je dis toujours pour rigoler que je suis à cheval dessus” plaisante quant à lui Jean-Charles, qui n’a jamais été en couple avec un homme mais qui les rencontre pour des rapports sexuels, via Internet ou en se rendant dans des saunas gay. 

Si chacun vit sa bisexualité différemment, toutes les personnes interrogées dans cet article se retrouvent sur ce point : de nombreux stéréotypes collent à la peau des bisexuels. “On nous considère comme des personnes qui enchaînent des centaines de partenaires sexuels ! Je me suis parfois sentie jugée. Tout le monde semble s'accorder sur le caractère "indécis" ou "pas fiable" des bisexuels ou pire nier la bisexualité ou la considérer comme une passade ou une mode, comme si on était fofolle au point de juste embrasser une meuf en soirée parce que c'est cool pour la street-cred !” lance Meghane, tenancière de bar à Besançon.

Anna* confirme : “Chez les hétérosexuels c’est souvent - tu es bi ? Tu te tapes tout ce qui bouge. Tu es catégorisé comme ultra open. Pour les homos c’est que tu n’assumes pas vraiment ton homosexualité. Ben non, ce n’est pas vrai ! Je suis amoureuse d’une personne et pas d’un genre. J’ai 30 ans, non je ne me cherche plus, et heureusement !” 

Une étude américaine de 2016, citée dans un article de Slate.fr abordant la question de la biphobie, révèle que 43,5% des participants à cette étude nourrissent une peur envers les hommes bisexuels et 30,9% envers les femmes. 

Le compte Instagram @payetabi (Paye ta biphobie, plus de 10 000 abonnés) recense d’ailleurs les vexations subies par les bisexuels : suspicion, déni, mépris, accusations d’immaturité ou de manque de fiabilité… comme le rappelle Maïa Mazaurette, dans une chronique publiée sur Lemonde.fr.

“Tu peux passer toute ta vie sans que personne ne le sache”

“Il n’y a pas un aspect communautaire assez fort chez les bisexuels. On arrive à passer entre les gouttes. Tu peux passer toute ta vie sans que personne ne sache que tu es bi. Ça peut être ton jardin secret. Pour les homos c’est plus dur” explique Jean-Charles, qui aime le côté libéré et instinctif des relations avec les hommes. Il précise : “Moi par exemple, je suis catalogué dans les hétérosexuels dans la vie de tous les jours. Si moi, de moi-même, je ne le dis pas, ça ne se voit pas. J’ai cette chance là. Enfin, cette chance... J’ai déjà eu peur de me faire casser la gueule. J’y pense en tout cas quand je sors d’un lieu référencé gay.”

Et d’ajouter : “Mais, on se repère entre nous. C’est assez fou. Quand je vais au sauna, les mecs captent directement que je suis bi et pas complètement gay.”

La sexualité est propre à chacun. C’est une manière extrêmement personnelle de vivre son rapport aux autres, à son corps et à son intimité. 

L’exemple de Lucien* est parlant. Ce Franc-Comtois âgé de 30 ans a eu plusieurs expériences sexuelles avec des hommes mais se définit comme hétérosexuel. Pourquoi ? “J'ai eu des relations homosexuelles, des relations sexuelles à trois et des relations sexuelles avec des femmes, le plus souvent. Certains hommes m'attirent mais surtout sur le plan psychique. Je peux avoir envie d'un homme, mais force est de constater que mon corps ne réagit pas vraiment...” détaille-t-il. “Je suis un hétérosexuel qui n'a pas peur de vivre des expériences.” 

Finalement, seul un individu peut se définir réellement en fonction de ses propres codes. Partant de ce principe, inutile de juger les comportements des autres, du moment qu’ils ne nuisent à personne et qu’ils respectent le consentement de chacun. 

*Pour garantir l’anonymat, ces prénoms ont été changés.
 
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