Un marathon "pour se reconstruire" : après son grave accident, l'ex-patineuse de vitesse Tifany Huot-Marchand courra pour Paris 2024

Dans une semaine, Tifany Huot-Marchand, ancienne patineuse professionnelle multi-titrée, courra le "marathon pour tous" des Jeux olympiques de Paris 2024. Un grand et beau défi pour la trentenaire, éloignée de la compétition depuis une terrible blessure il y a deux ans. Et une étape nécessaire dans sa reconstruction personnelle.

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Samedi 10 août 2024. Une date gravée dans son esprit depuis de longs mois. Dans huit jours, Tifany Huot-Marchand fera partie des 20 064 athlètes amateurs qui participeront au "Marathon pour tous" des Jeux olympiques de Paris 2024.

De l'Hôtel de ville de Paris aux Invalides, elle parcourra plus de 42 km, en devançant de quelques heures seulement les athlètes olympiques, qui emprunteront le même parcours. Un vrai défi sportif pour la trentenaire, native de Besançon (Doubs). Comme elle les a toujours cherchés.  Et qui sont aujourd'hui essentiels à sa vie. Essentiels pour continuer à avancer malgré les coups durs et les obstacles qui l'ont mis à terre dans un passé proche.

Il y a deux ans, elle échappe par miracle à la paralysie

Car Tifany Huot-Marchand est une survivante. Une résistante. Une battante. Depuis ses 9 ans, la jeune femme vivait avec l'adrénaline provoquée par la pratique sportive. Celle du short-track, du patinage de vitesse sur piste courte découvert à Belfort (Territoire de Belfort). La glace, Tifany la domptait avec vitesse. Et avec brio. Championne de France, championne d'Europe, vice-championne du monde... La patineuse se construit un joli palmarès et vise les JO d'hiver de Milan 2026, après des Jeux de Pékin gâchés par le Covid en février 2022.

Ce destin doré s'est pourtant brisé de la plus cruelle des manières. Le 9 octobre 2022, Tifany Huot-Marchand dispute la Dutch Open, la première compétition internationale post JO, qualificative pour les prochains mondiaux. Sur la glace qu'elle a tant chérie, la patineuse chute à pleine vitesse, déséquilibrée malencontreusement par une adversaire, et finit contre la barrière de la patinoire.

J'ouvre les yeux. C'était la seule partie de mon corps que je pouvais bouger. Je me suis dit : ça y est, je suis tétraplégique.

Tifany Huot-Marchand

Transportée à l'hôpital de Zwolle (Pays-Bas), le verdict tombe : fracture déplacée à une cervicale avec une lésion au niveau de la moelle épinière. L'athlète est alors totalement paralysée et opérée en urgence . "Mon chirurgien m'a dit très vite : "il y a très peu de chance que tu remarches". Mais je m'étais fait l'intime conviction que ça allait être le contraire, que j'allais remettre mes patins et revenir à la compétition" témoigne la principale concernée à Tifany Huot-Marchand.

Cette rage la nourrit. Petit à petit, Tifany regagne en autonomie, bien aidé par son entourage. Chaque petit geste du quotidien devient une victoire : se nourrir elle-même, se coiffer puis... marcher. "J'ai fait quelque pas au bout de dix jours" se souvient-elle. "Les médecins disaient que j'étais une miraculée. Mais je ne pouvais pas envisager une vie immobile".

Le sport pour remonter la pente

Défiant les diagnostics grâce à sa volonté de fer, la Comtoise, part ensuite en rééducation à Lyon pendant trois mois. Au bout de cette période, elle arrivera à courir de nouveau, mais avec des séquelles. "Je m'accrochais à tout pour remonter la pente" se remémore-t-elle. "À mon rêve olympique, à ma nièce d'un an et demi qui, comme moi, apprenait à marcher et courir. Et puis quand j'ai remis des patins, ça a été un grand déclic psychologique".

Avec un mental soigné par un stage de yoga à Bali et une traversée des Pyrénées à vélo, Tifany passe une étape supplémentaire en mai 2023, en partant en stage de réathlétisation à Capbreton. Avec en ligne de mire, un rendez-vous décisif avec des médecins spécialisés, qui donneront leur feu vert, ou non, pour un retour à la compétition.

Leur avis a été négatif. Sur le coup, j'ai trouvé ça très cruel. Le short-track, c'était toute ma vie. Jamais plus je ne connaîtrais cette adrénaline, ses sensations avant, pendant et après la course.

Tifany Huot-Marchand

Les médecins ont en effet jugé sa moelle épinière trop fragile, avec des risques mortels en cas de nouvelle chute. "Ce jour-là, une partie de moi est morte" reprend Tifany Huot-Marchand, la voix prise par l'émotion. "J'ai dû faire le deuil de ma passion, un deuil que je n'ai pas choisi".

Une vidéo de soutien de Tony Estanguet 

Tifany se réfugie dans le sport : vélo, course à pied, ski de fond. "J'ai toujours eu besoin de me challenger, maintenant plus que jamais" confesse-t-elle. Le marathon des JO 2024, qu'elle envisageait déjà avant sa blessure, devient l'objectif numéro 1.

"C'est ma seule chance désormais de vivre cet esprit et ces valeurs de l'olympisme" explique Tifany. "Et puis je n'oublie pas que quelques jours après ma blessure, Tony Estanguet m'avait envoyé un message pour me garantir une place, en me disant que ce serait important dans ma reconstruction".

Une reconstruction heurtée par de nouveaux douloureux événements. Fin décembre 2023, une récidive de pneumothorax la ramène à l'hôpital. "Le choc a été terrible" avoue-t-elle. "J'ai eu l'impression que tous mes efforts tombaient à l'eau". Mais la blessure la plus profonde intervient deux mois plus tard quand, en mars 2024, son grand-frère décède subitement.

Un marathon comme un symbole

"Ça a été l'horreur" nous raconte pudiquement Tifany. "J'étais dans le dur. Au fond du seau". Comment se relever, encore, quand on a l'impression que la vie s'acharne ? "Par ma famille, mes amis proches" détaille la trentenaire. "Et par le sport". La sportive vient ainsi de terminer une traversée des Alpes à vélo, et s'est préparée pour ce marathon qui arrive à grands pas.

Grâce au sport, je garde la tête hors de l'eau. Je ne sombre pas. Ce marathon, je ne sais pas si je pourrais le finir, j'ai toujours des douleurs quand je cours. Mais c'est important dans mon parcours.

Tifany Huot-Marchand

Et la suite ? Si Tifany ne veut pas se projeter, elle espère retrouver une discipline sportive adéquate. Et cultive un rêve : "attendre l'hiver, pour chausser mes patins et partir sur un lac gelé en Franche-Comté". Un désir simple, mais aux bénéfices énormes pour une jeune femme que la vie n'a pas épargnée. Et qui, à nos yeux, restera quoi qu'il arrive une grande championne.

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