"C'est choquant". Matières fécales, serviettes hygiéniques : dans le Doubs, un "tapis" d'excréments pollue un cours d'eau

Mercredi 3 janvier 2024, l'association SOS-Loue Rivières Comtoises alertait sur la pollution d'un ruisseau à La Cluse-et-Mijoux, dans le Doubs près de Pontarlier. Depuis une dizaine d'années, à chaque forte précipitation, un mélange d'excréments déborde des plaques d'égouts avant de se déverser dans le cours d'eau. Une situation qui inquiète.

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Le scénario semble se répéter inlassablement. "À chaque fois qu'il y a des fortes précipitations, c'est la même chose depuis plus de dix ans. L'eau s'engouffre dans les tuyaux souterrains des canalisations et la pression devient trop forte. Résultat, les excréments débordent par les plaques d'égouts" détaille Jean-Baptiste Rousset, garde particulier pour l'Association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques (APPMA) de la Gaule de Joux, à la Cluse et Mijoux (Doubs).

Matières fécales, serviettes et tampons hygiéniques, etc. Mercredi 3 janvier 2024, voilà ce qu'ont encore constaté des riverains à La-Cluse-et-Mijoux, près du hameau des Angles. Le tout forme un "tapis" maronnasse de 2 mètres de largeur sur 20 mètres de longueur, qui borde les rives du ruisseau de la Fontaine-Ronde. Un triste tableau, appelé "déversoir d'orage", qui suscite l'inquiétude de l'association SOS-Loue Rivières Comtoises, qui agit pour la défense des rivières en Franche-Comté. 

Ces déversements vont se retrouver ensuite directement dans le ruisseau, qui se jette après dans le Doubs. Il y a des risques au niveau sanitaire, avec des contaminations par les bactéries. Sans parler des risques écologiques, sur la faune et la flore.

Manon Silvant,

membre de l'association SOS-Loue Rivières Comtoises

L'association, prévenue par des habitants, s'est fendue jeudi 4 janvier d'une publication offensive sur le réseau social Facebook. "2024 qui commence les pieds dans la merde [...] On souhaite un bon appétit aux poissons [...] : MIAMMMM !  Un déversement qui fait des siennes dès qu'il y a trop d'eau, comme si on ne pouvait pas prévoir que ça va encore arriver" a dénoncé l'organisation. 

Comment en est-on arrivée à cette situation où "de la merde ressort pendant plusieurs heures des égouts" comme le raconte Jean-Baptiste Rousset, le garde-pêche ? Tous les interlocuteurs s'accordent sur un point : la vieillesse et la vétusté du réseau souterrain de canalisations, installé dans les années 60.

Des solutions trop chères ?

"Il y a trop d'eaux parasites" explique le maire de La Cluse-et-Mijoux, Yves Louvrier. "Le réseau d'assainissement n'est pas entièrement en séparatif. Comprenez par là qu'il y a des endroits où les eaux usées et l'eau de pluie sont collectées dans les mêmes canalisations. Et dans des tuyaux vieillots, enfouis près des rivières, quand il pleut, ça ne pardonne pas".

De son propre aveu, l'édile a contacté à plusieurs reprises la communauté de communes du Grand Pontarlier, à qui revient la compétence "eau et assainissement". Il l'assure, "des solutions tenables sont en train d'être réfléchies depuis plusieurs années". Entre-temps, des tentatives ont été faites pour résoudre le problème, comme le scellage des plaques d'égouts, sans succès. 

Une solution pérenne serait de changer les tuyaux, pour en mettre des plus récents et passer tout le réseau en séparatif. On pourrait aussi construire une nouvelle station d'épuration, plus proche de chez nous. Mais cela demande du temps, et beaucoup d'argent. Pas moins de 10 millions d'euros.

Yves Louvrier,

maire de La Cluse-et-Mijoux

"Comme toujours, l'argent est le nerf de la guerre" reprend Manon Silvant. "Mais à un moment, il faut privilégier la santé des citoyens et la protection de la faune et la flore. Si des serviettes hygiéniques sont rejetées, cela veut dire que toute la javel, la lessive et les produits chimiques sont rejetées aussi, en plus des bactéries". Et la membre de SOS-Loue Rivières Comtoises de rappeler la contamination bactérienne fécale qui avait touché l'eau de la Cluse-et-Mijoux en 2018.

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Des poissons impactés

Si aujourd'hui, aucune contamination n'est à signaler, "les poissons souffrent énormément" rappelle Jean-Baptiste Rousset. "Cela coule directement dans le ruisseau. Les micro-polluants vont se tasser au fond de l'eau et tuer tous les micro-organismes mangés par les poissons. C'est un gros problème".

Le garde-pêche local, "vraiment triste par rapport à cette situation", déplore également la mauvaise odeur qui se dégage des lieux, bien après les jours de pluie. "Ça pue, c'est moche. Les pêcheurs et les promeneurs voient ça. C'est choquant".

Des changements sont-ils prévus dans les mois à venir ? L'association SOS-Loue Rivières Comtoises a proposé la construction de zones tampons, ou un "bassin d'orage", une petite lagune pensée pour "recevoir les excréments pour ne pas qu'ils aillent polluer directement l'eau" souligne Manon Silvant.

Une idée réalisable ? Contactée par France 3 Franche-Comté, la Communauté de communes du Grand Pontarlier, l'institution décisionnaire dans ce dossier, assure s'être saisie du dossier. 

Il existe encore des réseaux unitaires (quartier du Frambourg et de La Tuilerie). Des campagnes de diagnostic des réseaux d'assainissement par inspection télévisée et inspection pédestre ont été réalisées sur les deux quartiers cités ci-avant. Des travaux ont été exécutés sur le secteur de la Gauffre en 2023 et des travaux sont programmés à court terme dans ces mêmes quartiers pour passer en séparatif et résorber les dysfonctionnements. 

Communauté de communes du Grand Pontarlier

Le maire de La Cluse-et-Mijoux, Yves Louvrier, promet, lui qu'une décision sera prise en 2024. Et le temps presse. Avec le dérèglement climatique, les violents épisodes pluvieux se multiplient. Au risque d'accentuer encore un peu ce phénomène polluant.

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