Gel dans les vignobles : les viticulteurs peinent à estimer les dégâts

Un "grand désarroi" touchait mercredi les viticulteurs de Bourgogne et du Val de Loire après l'épisode de gel intense fin avril, dont les conséquences sont encore difficilement mesurables.


Solide gaillard aux cheveux mi-longs, Philippe Bouzereau effrite entre ses doigts les bourgeons roussis par le froid sur sa parcelle de Meursault (Côte-d'Or). "Du gel aussi haut sur le côteau, c'est exceptionnel", se lamente le trentenaire, qui pronostique déjà un millésime 2016 "bien compromis", même s'il est encore "trop tôt pour estimer la perte de récolte".
Selon les premières estimations de l'interprofession, sur les 29.250 hectares que compte le vignoble bourguignon, environ 6.700 hectares ont des pertes allant de 31 à 70% suite au gel et sur 6.800 hectares, les pertes atteignent de 71 à 100%. "Personne n'est épargné", déplore Jean-Michel Aubinel, le président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB). "Cette année, il a gelé dans des zones où il n'avait jamais gelé", ajoute-t-il.
Même constat de désolation dans le Val de Loire où l'ensemble des vignobles de Touraine est touché. Dans les appellations de Bourgueil et Saint-Nicolas de Bourgueil, où le thermomètre est descendu à -6°, 60 à 80% des bourgeons sont perdus. Sur les appellations touraine Azay-le-Rideau et touraine Noble Joué, les dégâts sont les plus importants, autour de 85%. Le gel a frappé la moitié des ceps de l'appellation Chinon, le vignoble le plus étendu, selon Jean-Martin Dutour, président de l'appellation.

Claude Chevalier, le président délégué du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), fait le point sur les dégâts causés par le gel de printemps dans les vignes. Il est interrogé par Emmanuel Pinsonneaux et Stéphane Robert. ©France 3 Bourgogne


Le volume de récolte est inconnu

Pour sauver la récolte, M. Aubinel dit "beaucoup miser sur les contre bourgeons", s'ils n'ont pas été "grillés" par le froid qui a perduré après les gelées de la nuit du 26 au 27 avril. Ils sont cependant moins fructifères que les premiers bourgeons. "Il faudrait être devin pour annoncer aujourd'hui le volume de récolte", a-t-il soupiré.
La préfète de la région Bourgogne-Franche-Comté, Christiane Barret, a annoncé que les administrations concernées allaient "tout mettre en place" afin d'aider les viticulteurs à "passer le cap", notamment des allègements de charges. L'interprofession (le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne) a de son côté indiqué que des expertises étaient en cours pour demander le classement des communes touchées en catastrophe naturelle et en calamité agricole.
Le préfet d'Indre-et-Loire, Louis Le Franc, a détaillé un plan d'urgence comprenant du chômage partiel indemnisé, des allègements de charges sociales et des reports d'échéances bancaires en 2017, ainsi que des autorisations de rachat de vendanges entre viticulteurs. Le département a débloqué 200.000 euros, tandis que la Région va financer une étude régionale sur les dispositifs de protection contre les aléas climatiques.

Les vignerons doivent-ils s’équiper contre le gel ?

Cet épisode a mis en évidence en Touraine le faible équipement des viticulteurs, déjà pointé lors de l'épisode de grêle de juin 2013. "Je suis étonné que nos assureurs ou les représentants de nos professions ne prennent pas le sujet à bras le corps pour nous aider à investir dans des tours antigel", a observé Nicolas Brunet, jeune viticulteur de Vouvray. Trois ans après un violent épisode de grêle, les dispositifs contre les grêlons ne sont toujours pas en place dans ce département, alors que le département voisin du Loir-et-Cher en est équipé.
En Bourgogne, dans le Chablis, habitué au gel, de nombreux vignerons avaient ressorti de leurs caves les bougies pour les disperser parmi les rangs la nuit, afin de lutter contre le froid. Ils avaient aussi utilisé la technique de l'aspersion d'eau pour créer un "igloo" autour de la végétation.
Mais sur le reste du vignoble bourguignon où les experts estiment habituellement le risque de gel à 1%, les viticulteurs se sont retrouvés bien démunis. "Le coût de l'installation est énorme et, c'est comme les assurances, il faut voir si le coût en vaut la chandelle", a déclaré le président délégué du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), Claude Chevalier.
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