Après plusieurs années de disette, la récolte de truffe connaît un regain en 2024. Exemple en Haute-Saône, territoire peu connu pour ce champignon très prisé, mais où les passionnés multiplient les cueillettes.
"C'était une belle matinée". Lorsque nous le contactons, Emmanuel Jacquet à le sourire aux lèvres, ce 21 novembre 2024. Pourquoi ? Avant que la neige ne recouvre la Franche-Comté, le pizzaïolo itinérant était en balade, accompagné de son chien dans les forêts de Haute-Saône, à la recherche... de truffes de Bourgogne.
"J'y suis depuis 8h, et j'en ai bien ramassé 400g" savoure-t-il. Depuis plusieurs années, le Haut-Saônois est le président de l'association truffière de Noroy-le-Bourg. Cette structure rassemble environ 25 passionnés du petit champignon de la famille des tubéracées, connu pour son goût intense... mais aussi pour son prix élevé. "Ce matin, on en a bien cueilli un kilo à nous tous" explique Emmanuel Jacquet. "Ça fait vraiment plaisir, surtout après les années galères qu'on a connues".
Une pluie bénie
En effet, pour les cueilleurs de truffes, "2021 et 2022, c'était la catastrophe, on n'avait rien" raconte Jean-Marc Henriot, président de la Société de trufficulteurs de Champlitte. "En 2023, on a vu une légère amélioration. Mais en 2024, ça donne bien, c'est une belle année". La raison de cette amélioration ? La pluie.
C'est vrai que contrairement à la plupart des professions agricoles, on était plutôt content des précipitations cet été. La pluie est indispensable au bon développement des truffes.
Emmanuel Jacquet,président de l'association truffière de Noroy-le-Bourg
"Les truffes ont un cycle de six mois" reprend Emmanuel Jacquet. "Elles naissent au printemps, se gorgent d'eau en juillet-août pour grandir convenablement et arriver à maturité à l'automne". Problème, avec les sécheresses rencontrées les derniers étés (exceptés 2024), le champignon mourrait avant même d'être cueilli."Ce n'est pas le cas cette année" assure Jean-Marc Henriot. "Mais je pense que nous ne battrons pas les records, car il a manqué un petit peu de chaleur à partir de septembre".
Ainsi, la récolte des 150 actionnaires de la Société de trufficulteurs de Champlitte, commencée en septembre, dépasse les dix kilos, "et nous pouvons encore cueillir jusqu'à fin janvier" affirme Jean-Marc Henriot. En effet, les "truffes de Bourgogne" sont récoltées en Bourgogne-Franche-Comté entre le 15 septembre et le 31 janvier et ont alors une plus grande valeur que les truffes dites "d'été", ramassées le reste de l'année.
"On peut se régaler sans se ruiner"
"La truffe de Bourgogne, c'est vrai, c'est cher" admet Emmanuel Jacquet. "Selon la rareté du produit, on peut aller de 500 jusqu'à plus de 1 000 euros le kilo". Mais ce champignon souffre d'une mauvaise image selon le président de l'association truffière de Noroy-le-Bourg.
On aimerait démocratiser la truffe de Bourgogne. Pour le grand public, c'est un produit de luxe. Alors oui, au kilo, c'est cher, mais personne n'achète une telle quantité. On peut se régaler sans se ruiner.
Emmanuel Jacquet,l'association truffière de Noroy-le-Bourg
C'est dans ce but qu'Emmanuel Jacquet et son association ont créé une "truffière pédagogique". Dans cette zone boisée de 30 ares autour de Noroy-le-Bourg, en plus d'aller "caver" entre cueilleurs (c'est-à-dire aller à la chasse aux truffes), la structure organise des journées pédagogiques grand public.
"Lorsqu'on parle de truffes, on ne pense pas forcément à la Franche-Comté" reprend Emmanuel Jacquet. "La truffe de Bourgogne, pour les gens, c'est plus en Côte-d'Or ou dans l'Yonne. Ces territoires sont en avance sur nous dans la trufficulture, mais on essaye petit à petit de rattraper notre retard".
La Haute-Saône, territoire truffier historique
Pour renouer avec une période dorée ? En effet, "la Haute-Saône était historiquement un haut lieu de la production de truffe" rappelle Jean-Marc Henriot, de la Société de trufficulteurs de Champlitte. "Nous avons un sol calcaire qui se prête particulièrement bien à leur développement".
La preuve, fin XIXe siècle, 12 tonnes de truffes étaient cultivés en Franche-Comté, dont quatre pour la Haute-Saône. Avant que la Première Guerre mondiale ne vienne stopper cet élan. Alors, la truffe haut-saônoise parviendra-t-elle à retrouver ces lettres de noblesse ? C'est tout ce qu'on lui souhaite.