A Conliège près de Lons-le-Saunier, Brigitte Roz, présidente de la SAS Tournerie Roz et son mari Patrick Bruchon, ont arrêté les machines en septembre. Après un dernier boom de fabrication et ventes de jeux d'échecs, le couple part sereinement en retraite.
Le confinement et le retour des Français aux jeux de société made in France, puis la sortie sur les écrans de la série "le jeu de la Dame" narrant les exploits d'une orpheline aux échecs, avaient considérablement relancé l'activité de la tournerie Roz en 2020. Le fabricant artisanal de reines, fous, cavaliers et autres pièces en buis, plombés et feutrés à la main, avait produit et vendu en nombre de beaux plateaux dans ses locaux de Conliège dans le Jura.
L'ultime rebondissement d'une longue histoire familiale. Fondée en 1959 par Michel Roz, la tournerie était dirigée depuis 1990 par sa fille Brigitte Roz. "J'ai fait ce que mon père m'a demandé, explique la gérante. Il avait commencé son activité par le jeu d'échecs, et on finit comme on a commencé. Malgré tous les coups durs, l'histoire finit donc bien." Dans les années 1990 et 2000, l'entreprise a beaucoup souffert. Plusieurs clients se détournent du Made in Jura pour se tourner vers l'Asie. La fabrique licencie, Brigitte Roz part travailler dans une autre entreprise, tout en cherchant de nouveaux marchés pour son mari, Patrick Bruchon, resté aux machines. Il produit alors des cuillères à moutarde, des boules, des petits chevaux, des manches d'opinel...Grâce à un site de vente en ligne ouvert en 2017, Brigitte Roz maintient son activité et gère le succès des plateaux d'échecs susnommé.
Pas de repreneur
Depuis 2019, Brigitte Roz prépare la cessation d'activité. Elle pensait avoir trouvé un repreneur en la personne d'un joueur d'échecs mais finalement "le type n'était pas très honnête, on ne s'est pas mis d'accord". Tant pis, la présidente n'en tire aucune amertume. Elle a vendu les machines, les tours à décolleter, à ses collègues tourneurs du Jura. Son fichier client à un autre repreneur. Seules ses machines à fabriquer les jeux d'échec et leurs clients n'ont pas trouvé preneur, car elle n'avait plus de buis pour l'accompagner. "La pyrale du buis a tout détruit, explique Brigitte Roz. Il n'y a plus de réserve et comme il faut deux ans pour faire sécher les souches que l'on retrouve, on ne pouvait pas fournir de stock de bois avec les tours." Des machines par ailleurs obsolètes, qui seront vendues à l'étranger ou partiront pour la ferraille.
Le site de vente restera ouvert tant qu'il y aura des pièces à vendre : des jeux d'échecs n°5 notamment, les autres sont déjà tous partis. Il faudra ensuite vider l'atelier. Brigitte Roz et Patrick Bruchon envisagent de vendre l'ensemble du bâtiment, avec le logement au-dessus dont ils descendaient parfois au petit matin dans les périodes de grosses productions. Mais quand ils auront construit une "belle maison de plain-pied, sans escaliers". "On n'aurait pas pu continuer plus longtemps de toutes façons, conclut la gérante de 63 ans. Mon mari a eu des soucis de santé et on n'avait plus la forme physique." Mais pas question de rester inactive. Brigitte Roz prépare depuis un an son investissement à l'UNAFAM, l'Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques. Elle l'a prouvé, Brigitte Roz a toujours un coup d'avance.