"Polluants éternels" : les cheveux de quatre habitants du Jura testés à la recherche d'une contamination aux PFAS

Quatre volontaires aux profils différents, mais tous vivants dans le Jura, ont envoyé dimanche 4 février leurs mèches de cheveux pour analyse, dans le cadre de tests de dépistages. L'objectif est de confirmer la présence de "polluants éternels", les PFAS, dans leur organisme.

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Les mèches sont coupées à ras des racines, scellées dans une enveloppe, prêtes à être envoyées pour analyse. Cette matinée du dimanche 4 février, ils sont quatre volontaires à avoir accepté de se séparer d'un brin de cheveux. Un syndicaliste de l'usine Solvay à Tavaux, un agriculteur de Peseux, une élue de Dole, une adolescente de Damparis – un panel jurassien éclectique ; "des citoyens soucieux d'en savoir plus sur la pollution des PFAS", résume, au micro de Norbert Evangelista, Dominique Voynet. 

Les quelques centimètres de cheveux, une fois arrivés au laboratoire, seront minutieusement examinés. L'objectif : détecter la présence de "polluants éternels". "Cette analyse va nous permettre de savoir où nous en sommes, car les PFAS, y'en a partout", ajoute la secrétaire régionale d'Europe-Ecologie-les-Verts (EELV) et ancienne ministre de l'Environnement. Elle était présente lors des prélèvements, à Dole.

Pourquoi le Jura ? Car, "au cœur de ce territoire, et qui le fait vivre", se trouve l'usine Solvay, l'un des cinq producteurs de "polluants éternels" en France. Pointée du doigt dans les révélations du quotidien Le Monde et de 16 autres médias européens, elle fait actuellement l'objet d'une enquête préliminaire pour pollution des eaux, des milieux et écocide, lancée par le parquet de Besançon en juin. 

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"C'est important pour moi de savoir si je suis contaminée par les PFAS", explique Fiona en glissant l'une de ses mèches, fraîchement coupée, dans l'enveloppe. Pour l'adolescente, cette démarche personnelle est aussi "citoyenne". "L'impact sur la santé m'inquiète. J'habite près d'une usine chimique, nous sommes particulièrement exposés".

"Il est temps d'y voir clair." Pour Vincent Guillemin, agriculteur bio à Peseux, à quelques kilomètres de l'usine Solvay, c'est aussi l'occasion de voir l'impact des polluants sur lui, "sachant [qu'il] n'utilise pas de produits phytosanitaires". 

Dans un communiqué transmis à la presse suite à la parution de cet article, l'usine de Solvay tient à rappeler que, pour l'heure, "aucune conséquence de l’activité de  l'établissement sur l'environnement n’a été démontrée". Elle soulgine également son engagement "à travailler en étroite collaboration avec les autorités compétentes pour organiser les prélèvements requis par l’arrêté ministériel PFAS". 

Les PFAS, des substances chimiques présentes partout

Les PFAS – acronyme de per- et polyfluoroalkysées, à prononcer "pifasses" – ou simplement "polluants éternels", sont des substances chimiques. Leurs propriétés uniques (antiadhésive, imperméabilisant, résistance aux fortes chaleurs, quasi indestructible) en font des produits massivement utilisés pour nombre d'objets de la vie quotidienne.

Pêle-mêle, on peut citer les poêles, les emballages alimentaires, les lentilles de contact, les lignes de pêche, les revêtements des touches de piano ou encore les répulsifs contre les moustiques. Avec le temps, ces substances s'accumulent dans l'air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture... jusqu'au corps humain. 

Les PFAS englobent des milliers de familles différentes, mais les plus répandues sont le PFOA (acide perfluorooctanoïque) et le PFOS (sulfonate de perfluorooctane). En novembre dernier, ces deux substances ont été classées respectivement "cancérogène pour les humains" et "cancérogène possible" par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). 

La totalité de la population contaminée

Si les examens sanguins sont privilégiés pour la recherche de ces substances toxiques dans le corps humain, ce n'est pas la première fois qu'est réalisée une analyse de mèches de cheveux. Celle-ci s'inscrit dans une campagne plus large, un "tour de France" des PFAS lancé par le député EELV de Gironde, Nicolas Thierry, il y a quelques mois. 

Il s'était lui-même prêté au test en juin dernier, avec 11 autres élus écologistes : sur douze PFAS recherchés, huit avaient été détectés dans les mèches prélevées. Parmi eux, le PFOA, interdit en France depuis 2020, retrouvé dans la totalité des échantillons. 

Des résultats comparables avec ceux obtenus lors d'une des étapes de ce "tour de France", en Isère. Les cheveux de plusieurs habitants de la région de Grenoble avaient été testés, rapportaient nos confrères de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes. 70 % des Isérois étaient porteurs de PFOS, et l'un d'eux présentait même jusqu'à sept des douze substances cherchées.

On ne peut pas se résigner à être empoisonné par les pesticides, les métaux lourds, les PFAS, par toutes les nouvelles familles de produits chimiques que l'on va découvrir. 

Dominique Voynet, secrétaire régionale d'Europe-Ecologie-les-Verts

à France 3 Franche-Comté

Les résultats des échantillons prélevés à Dole seront dévoilés le 7 mars prochain, Nicolas Thierry s'y rendra pour l'occasion. Mais les conclusions ne font que peu de doute. En 2019, le programme national de biosurveillance Esteban estimait la présence de PFOA et de PFOS dans la totalité de la population française. 

Ces tests sont néanmoins nécessaires, estime Dominique Voynet, notamment pour la sensibilisation de la population. "Il faut faire en sorte que ces analyses soient plus fréquentes et plus vigoureuses, afin que les normes soient revues pour protéger notre santé", abonde l'élue EELV. "On veut vivre dans un environnement sain, qui nous ne rend pas malade." 

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