À l’occasion de la journée mondiale des troubles bipolaires, samedi 30 mars, Sarah nous partage son histoire. Diagnostiquée bipolaire en 2016, elle nous raconte les étapes par lesquelles elle a dû passer et son lien avec la maladie.
Sarah est atteinte de troubles bipolaires. Cette cinquantenaire a attendu une dizaine d’années avant de se faire diagnostiquer. Traitée auparavant pour dépression, ce sont des troubles de l’humeur qui ont permis à sa psychiatre de déceler ses troubles bipolaires en 2016.
Le trouble bipolaire est une maladie psychique chronique responsable de dérèglements de l’humeur avec le plus souvent une alternance d’états d’exaltation et de dépression. “Pendant les phases maniaques, on possède énormément d’énergie, on peut ne pas dormir durant plusieurs jours, développer beaucoup de projets et avoir des pulsions comme des achats compulsifs”, explique-t-elle et de reprendre : “La phase dépressive, c’est l’inverse, on fait face à des pensées suicidaires, l’impossibilité de faire quoi que ce soit”.
Selon l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), un individu sur 100 est concerné par ce trouble psychique.
“On peut être tranquille pendant deux ans et puis repartir”
Selon cette Jurassienne, “c’est très difficile d’accepter cette maladie, car entre deux phases maniaques ou dépressives, on a des phases totalement normales. On peut être tranquille durant un ou deux ans et puis repartir, c’est aussi cela qui rend le diagnostic difficile”. D’autant que les malades peuvent faire face à des phases hypomaniaques, moins évidentes à repérer que les phases maniaques. Ce sont généralement les phases maniaques qui permettent de diagnostiquer la bipolarité.
Trouver le bon traitement pour chaque malade
Accepter de prendre des médicaments alors que l’on semble aller bien pendant plusieurs mois, voire des années n’est pas simple. Sans compter qu’on ne trouve pas forcément le traitement adapté dès le début du diagnostic. Sarah a dû faire face à plusieurs hospitalisations. La dernière date de 2021 et a duré trois mois : “C’est là où j’ai réussi à trouver le bon traitement. Ça n’est pas toujours facile d’autant qu’il y a des effets secondaires que l’on n'apprécie pas forcément comme la prise de poids”.
En plus des médicaments, une personne atteinte de troubles bipolaires doit s’astreindre à une bonne hygiène de vie pour espérer pouvoir espacer les crises. Il faut bien dormir, faire du sport et éviter les situations de stress. “Après, tout le monde ne le fait pas, mais comme dans la vie normale”, note-t-elle. Sarah, pour sa part, aime ce cadre de vie.
Je m’estime chanceuse, mais j’ai mis la gomme. On m’a dit qu’il fallait faire ça et je le fais parce que je voulais avoir le contrôle sur ma maladie.
Sarah, atteinte de troubles bipolaires
Sarah marche régulièrement et se rend à la piscine entre deux et trois fois par semaine, sa hernie discale ne lui permettant pas davantage. Pour le reste, si elle suit les recommandations, il peut malgré tout lui arriver de se coucher tard ou de faire face à des situations stressantes. “Je peux me coucher tard, mais je vais me rendre compte que ça va beaucoup moins bien. Et on ne peut pas éviter toutes les situations stressantes, mais grâce à un travail avec la psychologue, j’ai appris à mieux gérer les situations qui sont, pour moi, sources d’anxiété”, indique-t-elle.
Le tabou de la maladie
Cette maman de deux enfants aujourd'hui adultes juge qu’il est primordial d’être entouré lorsque l’on fait face à cette maladie. “C’est difficile parce que les gens peuvent vous rejeter, peuvent être fatigués de vous avoir soutenu ou vous vous repliez sur vous-même”, concède-t-elle. Les soignants les encouragent généralement à reprendre le travail, même à mi-temps, pour pouvoir encore faire partie de la société. Sarah fait actuellement une formation pour devenir pair-aidant, “on intervient auprès de personnes qui sont dans un processus en voie de rétablissement”, précise-t-elle.
Cette formation représente une étape de plus dans l’acceptation de sa maladie : “Il faut assumer le fait d’être malade, ce qui est douloureux par rapport aux discriminations”. Cette maladie, encore assez méconnue par la médecine, “la psychiatrie tâtonne encore pour les traitements et les accompagnements”, est encore soumise à des représentations très négatives : “Ce sont des expressions, comme “Mais t’es bipolaire ou quoi ?”, c’est un peu perçu comme une insulte et pareil pour la schizophrénie”. Par conséquent, Sarah limite au maximum les personnes au courant de sa maladie, de peur d’être jugée. Nous parler, a été pour elle un véritable effort.
Ce qui m’a le plus marqué à l’hôpital, c’est qu’on peut avoir la même maladie, mais on n’a pas le même environnement économique et social. Souvent, les gens souffrant de ce trouble sont dans des situations socio-économiques qui les invalidant encore davantage
Sarah, atteinte de troubles bipolaires
Même entre malades, ce trouble psychique peut être un tabou. “À l’intérieur de l’hôpital, on ne disait pas forcément qu’on était bipolaire”, se souvient-elle. Elle ajoute : “On s’autostigmatise (en tout cas moi) au point d’aller dans la rue et de se dire que tout le monde le voit”. Pour elle, il est nécessaire de “sortir de la honte et de l’invisibilisation”.
“Plus on a de crises, plus on est susceptible d’en faire”
Sarah s’estime chanceuse, son mari et ses enfants l’ont toujours soutenu. “Moi, je suis dans un hôtel cinq étoiles”, sourit-elle. Elle peut, par exemple, compter sur son entourage pour l’alerter si une crise risque d’arriver : “Quand on part en phase, on ne s’en rend pas forcément compte”.
La personne malade peut être stabilisée, cela n’empêche pas son humeur de fluctuer. Ce qui fait qu’elle entrera dans une phase de crise sera l’intensité et la durabilité : “Quand ça dure, on sait que c’est une crise potentielle qui va venir. Il faut arriver à se stabiliser et si j’ai des doutes, je vais voir ma psychiatre”. Sa dernière crise remonte à trois ans, lors de sa dernière hospitalisation.
Pour les personnes ne pouvant pas bénéficier d’un suivi psychiatrique, elles doivent appeler les pompiers qui les amèneront à l’unité d’urgences de soins psychiatriques. “En général, on n’aime pas y aller, car on le vit comme une défaite. Mais il faut y aller vite parce que le facteur temps entre en jeu. Plus on a de crises, plus on est susceptible d’en faire”, assure-t-elle.
Se faire diagnostiquer
Pour savoir si vous souffrez de troubles bipolaires, vous pouvez vous rendre au service de psychiatrie de l’adulte du CHU de Besançon (Doubs) qui est reconnu comme centre expert pour les troubles bipolaires. Suite au diagnostic, les soins sont remboursés à 100 % par la Sécurité sociale et une prise en charge psychologique est proposée par le Centre médico-psychologique (CMP). L’association UNAFAM (Union Nationale des Amis et Familles de personnes Malades et/ou handicapées psychiques) propose aussi d’accompagner les proches.